Droit de vote des résidents étrangers, dernière ligne droite ?
Le 8 décembre, une loi constitutionnelle visant à étendre le droit de vote pour les élections municipales aux résidents étrangers non communautaires (les communautaires l'ont déjà) va être discutée au Sénat. Elle sera probablement adoptée.
C'est une avancée, ce n'est pas encore la dernière étape d'une longue histoire. La revendication du droit de vote date d'une quarantaine d'années. Faut-il rappeler l'engagement de François Mitterrand en 1981 ? Mais le moment semble particulièrement propice, le Sénat est passé à gauche, les sondages sont favorables.
Une étape importante
Le Sénat, dominé par la droite, s'est opposé au droit de vote des femmes à 5 ou 6 reprises, sous la Troisième république. Il a eu le même rôle de retardement pour le droit de vote des résidents étrangers sous la Cinquième. Si le droit de vote pour les élections municipales et européennes a été attribué aux citoyens de l'Union européenne (UE) résidant en France, c'est parce que ce droit était inclus dans le traité de Maastricht approuvé par référendum.
Ce droit a depuis été appliqué aussi bien pour les élections municipales que pour les élections européennes, sans poser aucun problème, si ce n'est un participation faible des électeurs potentiels. Désormais, ce droit est admis et nul, ni à droite, ni à l'extrême droite ne demande de faire marche arrière.
A la suite de multiples campagnes, pétitions, « votations citoyennes »..., et surtout aux résultats d'un sondage de la Lettre de la Citoyenneté qui, pour la première fois, montrait que la majorité des sondés étaient favorables au droit de vote des résidents étrangers non communautaires aux élections municipales et européennes, une proposition de loi constitutionnelle a été adoptée, le 2 mai 2000, par l'Assemblée nationale et transmise au Sénat... où elle n'a jamais été mise à l'ordre du jour. Par mauvaise volonté de la droite sénatoriale majoritaire et du gouvernement Jospin qui ne l'a pas imposée, en urgence, comme il l'avait fait à l'Assemblée nationale.
Cette loi est donc restée en suspens...
Profitant du changement de majorité, le PS l'a sortie des tiroirs et inscrite à l'ordre du jour du 8 décembre. Elle sera discutée adoptée, suivant toute vraisemblance.
Paradoxalement, si elle avait été mise à l'ordre du jour du Sénat et discutée, en son temps, elle aurait été rejetée par la majorité de droite et définitivement enterrée. Aujourd'hui, approuvée dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale en 2000 et au Sénat en 2011, elle sera adoptée définitivement.
Mais son parcours n'est pas terminé car il s'agit d'une loi « constitutionnelle ». Pour qu'elle soit applicable, comme toute modification de la Constitution, elle doit être approuvée, maintenant, soit par une majorité qualifiée de députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles, soit par référendum. Suivant la décision du président de la République.
Voila Nicolas Ier tenu de choisir congrès ou référendum avant l'élection présidentielle ou bien laisser cette tâche à l'élu du mois de mai prochain... Nicolas II ou...
Les sondages (1)
L'attribution du droit de vote aux non communautaires pour les élections municipales serait une avancée mais maintiendrait une discrimination entre étrangers résidant en France en fonction de leur nationalité : les citoyens de l'UE qui ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et européennes et les ressortissants des États tiers qui ne bénéficieraient de ce droit que pour les municipales.
Le droit de vote aux élections européennes est rarement discuté. Pourtant, la question des sondages de la Lettre de la citoyenneté porte sur le droit de vote aux élections municipales et européennes, et les sondés répondent de façon majoritairement positive depuis 4 ans. Et de façon particulièrement nette cette année.
Résultats des sondages depuis 4 ans
Question du sondage
Les étrangers des pays de l’Union européenne résidant en France ont désormais le droit de vote aux élections municipales et européennes. Personnellement, seriez-vous très favorable, assez favorable, assez opposé ou très opposé à l’extension du droit de vote pour les élections municipales et européennes aux résidents étrangers non-membres de l’Union européenne vivant en France ?
Année du sondage |
2006 |
2008 |
2009 |
2011 |
% favorables |
50 |
51 |
50 |
59 |
% opposés |
48 |
46 |
48 |
39 |
A cette question, la majorité des sondés ont donné une réponse favorable pour la première fois en 1999 et lors des 4 derniers sondages de 2006, 2008, 2009 et 2011. Avec une réponse de 59% pour et 39% contre en 2011
En regardant les réponses en fonction des préférences partisanes, il apparaît que chez les sondés proches du Modem, le taux de réponses favorables et de 60%, de 36% chez les proches du Front national et 35% pour les proches de l'UMP qui sont ainsi le plus défavorables !
Dans cette période particulièrement morose, de crise économique, sociale... que certains appellent même de civilisation..., malgré de multiples tentatives du gouvernement pour diviser la population en fonction de l'origine, de la religion, la proportion des sondés qui veulent ouvrir la citoyenneté est la plus important trouvée depuis 17 ans ! Ceci montre bien qu'il ne faut pas désespérer du peuple français.
Par contre, on peut s'étonner que pour des raisons difficiles à comprendre, depuis que ce sondage existe, politiques, journalistes, commentateurs ne voient que la moitié de la question et ne parlent jamais du droit de vote aux élections européennes dont l'attribution aux non communautaires rétablirait l'égalité de tous les étrangers quant au droit de vote.
Il est surtout très étonnant que le sondeurs eux-mêmes ne sachent pas lire la question qu'ils posent car dans la note qui accompagne les résultats du sondage, il n'est à aucun moment question du droit de vote aux élections européennes !!! La même question ayant été posée 16 fois, depuis 1994, ils est difficile de penser que, pendant ce laps de temps, ils n'aient pas appris à lire une question correctement !
Cette défaillance touche aussi le politiques. Or depuis toujours, les politiques de gauche ont avancé, pour justifier leur défaillance, que pour donner le droit de vote aux élections municipales il fallait modifier la Constitution et qu'ils n'avaient pas la majorité au Sénat pour le faire. L'ayant maintenant obtenue, il est heureux qu'ils modifient la loi.
Mais pour donner le droit de vote aux non communautaires pour les élections européennes, le Conseil constitutionnel a statué qu'il n'était pas nécessaire de modifier la Constitution. Ils pouvaient donc le faire quand ils avaient la majorité à la seule l'Assemblée nationale. Ils pourront le faire encore plus rapidement maintenant qu'ils ont la majorité aux deux assemblées. Sans avoir besoin de Congrès ou de référendum.
Au Royaume-uni, les ressortissants du Commonwealth qui n'ont pas la nationalité britannique participent depuis toujours à ces scrutins.
Quoi qu'il en soit, avec le droit de vote aux élections municipales la France rejoindrait, avec beaucoup de retard, le groupe des pays de l'UE qui ont depuis longtemps ouvert leur citoyenneté locale à tous les résidents étrangers.
1 - Sondage réalisé par téléphone les 28 et 29 octobre auprès de 976 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas. Harris Interactive pour la Lettre de la citoyenneté
http://www.harrisinteractive.fr/news/2011/04112011.asp
2 - Pour aller plus loin sur le droit de vote des résidents étrangers :
- http://www.lettredelacitoyennete.org/
- http://paul-oriol.pagesperso-orange.fr/
3 - Les positions du président Sarkozy
Janvier 2001 : dans son livre "Libre", Nicolas Sarkozy "avoue ne pas être outrageusement choqué par la perspective de voir des étrangers, y compris non communautaires, voter pour les scrutins cantonaux et municipaux (...) à compter du moment où ils paient des impôts, où ils respectent nos lois." |
Juin 2006 : Nicolas Sarkozy annonce que la proposition de droit de vote des étrangers aux élections locales ne fera pas partie des propositions de sa candidature à l'élection présidentielle, ni du programme législatif de l'UMP. |
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