Ecoluddisme
La protestation contre le manque d'actions contre le réchauffement cimatique va-t-elle muter, en s'nspirant du mouvement du "luddisme" du début de XIXème sièlce pour aller vers un "écoluddisme" ?
Ned Ludd est un ouvrier militant anglais légendaire – on ne sait pas s’il a vraiment existé !- de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Il aurait détruit des machines à tisser vers 1782 et dans son sillage, dans les années 1810, sous le nom de « luddites » des ouvriers et artisans anglais, notamment tondeurs, tisserands et tricoteurs sur métiers à bras, se sont révoltés pour s'opposer à des employeurs et à des manufacturiers qui utilisaient des machines à tisser. Les « luddites » entendaient lutter contre la mécanisation et l'industrialisation de leurs professions, qu'ils accusaient de provoquer le chômage. Agissant clandestinement, armés et masqués ces ouvriers détruisirent de nombreuses machines et subirent une répression féroce du gouvernement anglais (certains finiront pendus) avant que leur mouvement ne disparaisse comme leurs professions…Les « luddites » assistaient alors, impuissants, à la mort d’un monde, leur monde, et n’avaient plus trouvé que l’action violente pour s’exprimer, comme le feront d’une certaine façon les ouvriers canuts à Lyon entre 1831 et 1850, qui eux luttaient pour de meilleures conditions de travail et brisèrent à leur tour des machines à tisser, inquiets notamment de l’essor des nouvelles machines inventées par Jacquard.
Depuis cette époque le « luddisme » a pu être assimilé à un rejet de la technique, de la technologie, et a fait l’objet d’un regain d’intérêt dans les années 1990 via le concept de « néoluddisme », néologisme formée par une activiste américaine, Chellis Glendinning. Cette critique de la technique s’inscrit dans une filiation historique qui va de Jean Jacques Rousseau à Jacque Ellul, ou passant plus récemment par un Evgueni Morozov et son analyse du techno-solutionnisme. Il est important de noter que le « néoluddisme » met notamment en avant la dimension écocide de la technique, c’est-à-dire les graves dommages qu’elle porte à l’environnement. Face aux dangers de la technologie certains « néoluddites » prônent la désobéissance civile et peuvent mener des actions considérées comme illégales. On peut voir dans les actions organisées par José Bové à la fin des années 90 avec le fauchage d’OGM des expressions de cette approche.
Ici notre analyse nous fait penser que nous allons assister à une mutation du « néoluddisme » qui va devenir un « écoluddisme » pour se focaliser sur les questions écologiques ; concrètement avec le dérèglement climatique et la fin du monde qu’il annonce – en tout cas le monde tel que nous le connaissons depuis une cinquantaine d’années – se pose la question des moyens de protestation et d’action des populations les plus directement concernées et notamment les plus jeunes. Dès lors l’« écoluddisme » peut être vu comme une critique radicale du modèle de développement choisi par les sociétés occidentales – et au-delà – et du désastre qu’il nous promet (voir l’Ere de l’Anthropie). Il est à la fois une remise en cause du capitalisme, des modes de vie qu’il induit, et des gouvernances nationales et internationales qui paralysent toute action déterminée et sérieuse contre la catastrophe climatique. Ce dernier point fondamental : face à ce qui est perçu comme l’inaction coupable de ceux qui nous gouvernent il faut imaginer de nouveaux types de protestation et de pression pour faire changer les choses.
Ainsi au-delà d’une critique traditionnelle du système et des réponses qui peuvent y être apportées à travers un engagement politique, c’est bien la question des modalités d’action qui se pose. Dès lors à côté de mouvements de protestation comme celui porté par Greta Thunberg avec les Marches du Climat on a vu émerger des groupes d’action plus « radicaux » mais non violents comme Extinction Rebellion qui prônent ouvertement la désobéissance civile (« Extinction Rebellion est un mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le dérèglement climatique. »), ou encore « Dernière Rénovation » qui s’est fait connaître récemment lors d’une action à Roland Garros (« Dernière Rénovation : une campagne de résistance civile qui vise à obtenir une victoire politique sur la rénovation énergétique, via des actions de perturbation non-violentes répétées dans le temps. »). Plus récemment on a vu apparaître des organisations, notamment au UK, qui poussent plus loin la protestation (Animal Rebellion, Just Stop Oil…) en menant des actions qui peuvent provoquer des atteintes aux biens – avec des risques pénaux réels pour ceux/celles qui les commettent -, et qui s’inscrivent en ce sens plus directement dans la filiation au luddisme, c’est-à-dire dans la destruction de ce qui menace leur existence même.
Cette question du rapport à la violence dans des actions contre l’écocide va sans doute devenir de plus en plus prégnante à mesure que les conséquences du dérèglement climatique vont se faire plus concrètes, comme l’avait anticipé l’écrivain et universitaire suédois Andreas Malm ; pour lui « la destruction de biens a joué un rôle dans pratiquement tous les mouvements sociaux qui ont atteint leur but » et des actions de sabotage ciblées, notamment contre les plus riches (on lira avec intérêt son livre « Comment Saboter un Pipeline » aux éditions La Fabrique qui en donne des exemples), font sens dans le cadre d’une stratégie globale mêlant actions violentes et non violentes. Nous basculerions bien alors vers un « écoluddisme », qu’un observateur aussi avisé que Jean-Marc Jancovici commence à évoquer et qui pourrait fortement fragmenter nos sociétés.
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