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Femmes, je vous aime

A 21 ans, Pauline Londeix, militante activiste d’Act-Up et d’Idaho, fait régulièrement le même rêve : une société où les lesbiennes ne seraient plus considérées comme des gouines ou comme des objets de fantasmes masculins. 

 

Pauline Londeix n’est pas vraiment une inconnue. En l’espace de deux mois, son nom a eu plusieurs fois l’occasion de circuler dans les salles de rédaction. D’abord, en avril dernier quand cette jeune vice-présidente d’Act-Up Paris et d’Idaho se fait connaître en publiant Le Manifeste lesbien, un livre un peu patchwork et surtout très militant, conçu délibérément comme « une arme contre toutes les formes de discriminations lesbophobes ». Ensuite, le 17 mai, c’est encore elle que les photographes et les journalistes retrouvent place de la République à Paris en train d’annoncer aux divers collectifs lesbiens, réunis pour un kiss-in, que le gouvernement français, par la voix de Rama Yade, s’est engagé à reconnaître la journée mondiale contre l’homophobie. C’est donc avec une petite idée sur l’allure générale de la jeune femme que nous allons au café où elle nous a fixé rendez-vous, place de la Bastille. Pourtant, lorsque Pauline Londeix apparaît, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire. Vieux relent de paternalisme. A 21 ans, elle en paraît à peine 18, avec toute la douceur des traits d’une adolescente. Quoi qu’il en soit, elle s’installe pour l’interview et puis très vite on est bien obligé de se dégager des apparences. Durant quelques secondes, il semble même qu’elle nous toise, en attendant la première question. On comprend que cette activiste précoce n’est pas venue là en représentation et que le temps lui est compté.

Il faut bien reconnaître que son agenda a de quoi en impressionner plus d’un. Lorsque nous la rencontrons, elle rentre tout juste de Genève et s’apprête à rejoindre New York jusqu’à la fin juin pour une session spéciale de l’assemblée générale des Nations unies sur le sida. Dans la foulée, elle enchaînera avec une intervention au Japon pour le G8 et puis retour à Marseille en juillet pour les Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités. Juste le temps d’une pause avant de faire une communication début août dans le cadre de la conférence mondiale sur le sida à Mexico. Pauline Londeix ne se ménage pas, sans doute un peu grisée par son actualité, les enjeux du combat qu’elle mène et les responsabilités qui lui incombent.

Aujourd’hui, l’essentiel de son énergie est consacrée à Act-Up et à l’accès aux traitements pour tous les malades du sida. Mais, depuis quelques temps, Pauline nourrit d’autres ambitions, plus personnelles, pour défendre la cause des lesbiennes, les « grandes invisibles » au sein de la communauté LGBT (Lesbienne, gay, bi, trans). « Deux cas de figures. Soit elles sont niées par les hommes et par les femmes parce que soi-disant une gouine est une hétéro qui n’a pas eu la chance de tomber sur le bon mec. Soit, elles nient elles-mêmes leur homosexualité par crainte des agressions verbales ou physiques ». Au risque d’être taxée d’extrémiste, dans le sillage de Monique Wittig, co-fondatrice du MLF et lesbienne radicale auto-proclamée, Pauline Londeix enfonce le clou : « Non, les lesbiennes ne sont pas des femmes parce que ce sont les seules à échapper au système de domination homme/femme ». Le postulat est osé, un peu raccourci sans doute. Mais, Pauline Londeix ne lâche pas un centimètre de terrain quitte à se heurter à ses propres contradictions voire à frôler le hors-sujet ou la récupération. Clairement, on a un peu l’impression que la ligne blanche est franchie quand, au nom de la cause lesbienne, elle invoque la liberté de disposer de son corps et pointe du doigt la loi sur le port des signes religieux comme une décision anti-féministe. Certainement, une réminiscence de ses premières amours militantes quand, en 2004, au cœur des mouvements qui animent la Seine-Saint-Denis, elle adhère au collectif « Une école pour tous » et qu’elle s’insurge contre l’interdiction faite aux filles de porter le voile. Au-delà de l’amalgame évident, on devine que, dans l’esprit de Pauline Londeix, la lesbophobie n’est qu’une forme parmi d’autres de discrimination à l’encontre des femmes en général. A ce mur d’incompréhension, elle oppose le lesbiannisme, néologisme ronflant, qu’elle définit comme « une posture politique de résistance aux codes imposés ». La liberté individuelle à tout prix en somme, mais avec méthode. La non-mixité serait une première étape nécessaire selon elle. « Je ne suis pas de celles qui pensent que les gays sont les ennemis des lesbiennes, mais il faut commencer par se regrouper pour des revendications spécifiques comme, par exemple, l’amélioration des statuts et des conditions de l’homoparentalité. » Et après ? Pauline prône la créativité, l’imagination au pouvoir… inspiration sans équivoque et assumée. « Lorsqu’une structure associative n’est plus assez radicale, devient trop institutionnalisée, rien ne nous empêche d’en créer d’autres, de plus en plus inventives. » A bon entendeur…

Après une heure d’entretien, il n’est plus permis de douter de la sincérité de Pauline Londeix. Elle ménage la rigueur de son engagement sans excès de langage, sans agiter les bras. On souhaiterait juste percer davantage la cuirasse pour toucher un peu au fond de l’âme. Question à un euro : et l’amour dans tout ça ? Pour la première fois, Pauline baisse les armes et ne peut rien contre l’accès de pudeur qui fait rougir ses joues de porcelaine. On imagine qu’elle hésite à franchir le fossé qui la sépare de la vie privée. Et pourtant, son expérience est révélatrice de la difficulté d’aimer quand on est lesbienne. Très tôt, il lui a fallu jongler entre coup de foudre et coups bas. Elle a tout juste 17 ans quand elle découvre l’amour avec une camarade, inscrite comme elle au lycée Delacroix de Drancy. La différence ne laisse jamais indifférent. Les mots font mal hélas et les rimes sont pauvres : Pauline, la gouine ! Il faut encaisser. « Les premiers temps, je n’en finissais pas de remettre en question ce que je faisais et qui j’étais. Je me demandais dans quelle mesure je ne risquais pas de faire du mal autour de moi. Je voyais des amies mises à la porte de chez elle après en avoir parlé à leur famille. Et forcément, cela me faisait douter. J’ai tellement douté à un moment que je n’étais plus sûre de pouvoir assumer », confie-t-elle. L’année suivante, en terminale, un professeur d’arts appliqués la surprend avec sa petite amie et la prend à part dans les couloirs du lycée. Menaces d’ameuter la direction, tentatives d’intimidation. Un vrai traumatisme. « Ce jour-là, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, seule dans le couloir, pendant au moins une heure ». Mais la jeune fille s’accroche et obtiendra gain de cause grâce au soutien de quelques camarades. Le professeur concerné en sera quitte pour des excuses publiques, dans la cour du lycée. Une expérience qui compte.

Depuis, les années ont passé. Pas tant que ça en fait et les insultes commencent à glisser plus facilement sur le blindage de Pauline. « Aujourd’hui, je me sens en paix avec mes proches et ceux que j’aime, mais ça ne suffit pas ». Elle est constamment rattrapée par cette conscience collective qui la rapproche de celles et ceux qui souffrent des mêmes discriminations. Imperceptiblement, à force de révéler ses failles, Pauline Londeix desserre les dents, sourit presque, ouvre les bras qu’elle a gardés croisés et ramassés contre elle pendant quasiment tout l’entretien. Elle en oublie un peu la cause des lesbiennes et se lâche sur ses longues marches dans le Cantal, son rêve d’habiter à Marseille, l’importance que tient l’histoire du grand-père maternelle, décédé aujourd’hui, qui fut détenu dans un camp de concentration en Pologne pendant la guerre, le souvenir des réunions pour les manifs avec la maman, professeur de lettres. Pas de hasard ! En ce moment, Pauline lit Hubert Selby Jr, mais son livre préféré reste Un roi sans divertissement de Giono. Voilà que la jeune femme prend enfin le pas sur l’activiste. Une vraie bouffée de fraîcheur. Alors, au moment de la quitter, on se dit que si Pauline Londeix ne se livre pas facilement c’est qu’elle a seulement trop à faire avec son idéal même si elle se moque bien d’avoir un destin.


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24 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 20 juin 2008 11:26

    Comment expliquez vous que les rapports d’Amesty Internationnal avait reconnu que les pays à tourisme sexuel étaient principalement "visités" par ceux que vous défendez ?

    Une simple question mais une vrai réalité ,regardez donc le Maroc !

     


    • Gazi BORAT 20 juin 2008 13:05

      @ Lerma

      A propos du tourisme sexuel :

      • D’une part, certaines destinations vedettes comme la Thaïlande fonctionnent aussi très bien sur l’exploitation de la clientèle à orientation hétérosexuelle.
      • D’autre part, pour la clientèle à orientation hétérosexuelle, l’offre prostitutionnelle dans leur propre pays est suffisamment vaste pour ne pas avoir besoin de prendre un charter. Les heteros qui partent dans ce but vers le Tiers Monde sont avant tout des radins.

      gAZi bORAt


    • antireac 20 juin 2008 22:08

      A gazi

      Ici on parle des homo ne confond pas le sujet.

       


    • Gazi BORAT 21 juin 2008 11:09

      @antiréac

      Je ne me suispas trompé de colonne...

      Je répondais àMrLermaqui tentait d’induire l’idée que les homosexuels constituaent lamajorité des touristes sexuels (relisez son post) et rétablissait un peu la balance.

      gAZi bORAt


    • Francis Francis 21 juin 2008 14:32

      Quelle page de quel rapport ? Une source je vous prie ...


    • Olga Olga 20 juin 2008 11:56

       

      Merci fabrice.

      Je découvre avec intérêt cette jeune femme engagée. Et si en plus, elle lit Hubert Selby Jr, elle n’en est que plus intéressante. Je conseille "The demon", à ceux qui ne connaissent pas. Un livre, comme son titre l’indique, très perturbant mais très prenant.


      • IMAM ATHEE 20 juin 2008 12:34

        Autre suggestion de lecture : "De l’art des jugements à l’emporte-pèce" par Tall


      • Gazi BORAT 20 juin 2008 13:11

        @ OLGA

        Vous avez vous-même d’excellents goûts littéraires. Le Démon est un chef-d’oeuvre absolu, malgré l’erreur commise par le traducteur français sur la première phrase du roman et qui est lourde de conséquence pour qui lit la suite et suit la gradation du parcours d’Harry Black vers la damnation..

        Hubert Selby, c’est un LF Celine qui n’a pas été tenté par le fascisme et qui, au plus profond de la noirceur, continue de croire en l’Homme.

        gAZi bORAt


      • Olga Olga 20 juin 2008 15:14

         

        @gAZi bORAt

        Très heureuse de savoir que nous sommes possédés par le même démon


      • Gazi BORAT 20 juin 2008 15:58

        @ Olga

        Son ouvrage qui m’a le plus marqué est "Last exit to Brooklyn"..

        Je l’avais lu très jeune et j’avais été très impressionné par la violence dans le récit du bastonnage du marin par la bande de voyous qui fréquentent le bar "de Nick le Grec". Et ensuite, la scène de ménage dans le couple qui part à vau-l’au et que le texte, au fur et à mesure qu’ils crient, se met à être transcrit en capitales... On a l’impression saisissante qu’ils hurlent dans la pièce où l’on se trouve.

        Et ces citations bibliques... comme celle tirée du doux "Cantiques des Cantiques" en exergue de l’horrible nouvelle sur la mort de la jeune prostituée dans un terrain vague.

        Allen Ginsberg avait écrit de "Last Exit.." que ce livre était un obus rouillé lancé sur l’Amérique que l’on continuerait à lire dans cent ans.."

        Il avait raison..

        gAZi bORAt


      • Gazi BORAT 20 juin 2008 16:20

        @ Olga

        Allez... J’abuse !

        La bande annonce de "Requiem for a dream", intéressante adaptation de "Retour à Brooklyn" et par ailleurs très bon film..

        gAZi bORAt


      • Olga Olga 20 juin 2008 16:36

         

        @gAZi bORAt

        J’allais vous dire que je n’avais pas lu ce livre, mais que j’avais le DVD du film de Darren Aronofsky. En effet il est très bon. Les bonus, avec une interview et un documentaire sur Selby Jr, sont en plus très pertinents. Et que dire de Jennifer Connelly ?


      • Gazi BORAT 20 juin 2008 16:53

        @ Olga

        Avec le recul, j’apprécie beaucoup plus aujourd’hui qu’à sa sortie l’autre adaptation cinématographique de Selby :

        • Last exit to Brooklyn, d’Uli EIDEL...

        La montée vers la gloire puis la chute du permanent syndical en forme de chemin de croix...

        Oui, l’interprétation du film d’Aronofski est fantastique. Jennifer Connely ne m’émeut guêre car elle n’est pas trop mon type de femme (trop américaine, peut-être) mais elle est excellente dans le film..

        gAZi bORAt


      • armand armand 22 juin 2008 17:13

        Olga, Gazi,

        Je suis heureux de voir que nous avons les mêmes lectures .

        Même si j’ai trouvé la scène du bastonnage du marin ’too much’...


      • Sandro Ferretti SANDRO 20 juin 2008 12:13

        Sujet original (sur Avox du moins), paroles assez rares.

        Pour le reste, je ne me risquerais pas à des commentaires quant au fond , pour rester dans les finesses métaphoriques de Piffard, qui nous avait habitué à mieux...

         


        • Marsupilami Marsupilami 20 juin 2008 12:21

           @ L’auteur

          Intéressant. C’est vraiment triste et con que des gens comme cette femme doivent militer pour un droit qui devrait être banal : celui à pratiquer la sexualité qu’on désire entre adultes consentants sans se faire insulter par des débiles intolérant qui n’ont pas la même. Son combat est donc nécessaire.

           


          • Gazi BORAT 20 juin 2008 13:14

            Yes, sir !

            Après tout, du moment que tous ces gens ne font pas leurs cochoncetés sur le tapis de mon salon quand je viens de passer l’aspirateur.. Qu’ils se fassent plaisir, c’est tout le mal que je leur souhaite !

            gAZi bORAt


          • roOl roOl 20 juin 2008 15:17

            Mais, si elles le font dans l’intimité, comme toute sexualité qui se respecte, qui irai les decrier ?

            ce combat n’est donc pas necessaire.

            Encore une fois, c’est l’envie d’affirmer sa difference qui peche.


          • antireac 20 juin 2008 22:14

            A marsu

            Tu affirmes des absurdités, cites moi des sources qui indiquent la veracité de tes propos.


          • saint_sebastien saint_sebastien 20 juin 2008 14:50

            l’hétéro fantasme sur la femme bi-sexuelle, pas la lesbienne car il en a horreur généralement, horreur de son insoumission et de son indépendance.

            Moi même j’ai beau être indifférent envers les gays, j’ai un problème avec les lesbos


            • roOl roOl 20 juin 2008 15:15

              Meme les belles ?

              Elles sont generalement plus aptes a parler mecanique ou cunulingus que les femmes hetero...

               

               


            • armand armand 22 juin 2008 17:19

              Pourquoi faudrait-il se sentir coupable d’apprécier une certaine scène entre Susan Sarandon et Catherine Deneuve dans Les Prédateurs, ou une célèbre séquence de Mulholland Drive !


            • Pie 3,14 21 juin 2008 08:59

              Pourquoi faut-il toujours qu’un con islamophobe se manifeste sur n’importe quel sujet et nous inflige sa paranoïa primaire ?

              L’air du temps n’a jamais la moindre imagination.


            • Clark 26 juin 2008 14:03

              Il faudrait tout de meme préciser que l’association dont cette jeune fille est vice-présidente est un modéle de terrorisme et de mépris total envers certaines libertés fondamentales... Le coup qu’ils ont fait à Notre Dame de Paris est une preuve d’intolérance, et une source de motivation pour l’homophobie. Qui séme le vent...

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