Football : le stade sifflera trois fois
Ce n’est pas une prophétie, encore moins le titre d’un mauvais remake, c’est juste le quotidien du Stade de France quand il reçoit une équipe du Maghreb. Après l’Algérie et le Maroc, c’est la Tunisie qui a pris possession de l’enceinte parisienne jusqu’à en huer les joueurs en bleu et l’hymne du pays hôte.
C’est bien entendu tout sauf une surprise même s’il faut se rappeler que durant l’Euro déjà, voire quelques matchs amicaux en Europe du Sud, La Marseillaise avait déjà beaucoup souffert. Notre équipe est ainsi maudite : on la trouve tantôt trop foncée de peau tantôt traître à son pays d’origine, tantôt très mauvaise, bref il y a toujours quelque chose qui déplaît à la foule vindicative.
Pour autant, les trois coups incriminés se déroulaient sur le sol français et sont le fait de spectateurs majoritairement Français. Le symbole d’un échec terrible d’intégration qui fait croire à ces gens qu’ils sont bien mal dans l’Hexagone à en souiller les signes sacrés et qu’ils se retrouvent mieux dans leur culture originelle dont ils ne partagent plus pourtant le mode de vie ou le territoire. Un échec également pour notre pays qui s’est tant flatté d’être un phare de liberté pour citoyens du monde... à en oublier son passé colonial et ses banlieues de non-droit que l’on invite au stade de temps en temps. Du pain et des jeux, l’exutoire était en place. Notons qu’il était tout sauf imprévisible, les pseudo-Tunisiens pouvant légitimement aspirer se mesurer à leurs héroïques congénères algériens et marocains. Mais en plein marasme financier et alors que l’Europe parle immigration choisie, l’affront tombe à pic...
Les politiques s’indignent et s’agitent, découvrent, tombent des nues. Et ils veulent tout interdire. Je n’ai pourtant pas souvenir que nos édiles se soient précipités devant le roi d’Espagne pour revendiquer...
Coïncidence j’étais la semaine passée à Alger. L’occasion de découvrir un peu ce pays et ses habitants. D’y retrouver des traces de l’époque française, d’y entendre un autre récit de cette guerre qui ne disait pas son nom. D’y découvrir les vestiges d’une riche époque romaine et les stigmates du terrorisme ambiant. Bref, rien n’est simple pour ce pays estimé dans toute l’Afrique pour son accession à l’indépendance, mais qui a perdu toute crédibilité et efficacité au fil des années d’un socialisme forcené. Et ce n’est pas la montée d’un islamisme radical illégitimement écarté du pouvoir qui allait arranger les choses. Aujourd’hui, l’Algérie est un pays riche de son pétrole et de son gaz notamment. Songez que son budget s’équilibre avec un baril de pétrole à... 29 euros. Les projets ne manquent donc pas, l’envie non plus d’ailleurs. Reste à le faire vraiment, ce qui est tout de suite moins évident. D’abord, parce que la menace est partout de sorte qu’un policier surgit tous les 100 mètres. Ensuite, parce que le poids de l’Etat n’autorise pas toutes les flexibilités. Enfin, parce que la mentalité est très méditerranéenne... Pour autant, ce vaste pays est attachant et l’accueil en milieu professionnel chaleureux. Le français reste encore très pratiqué même s’il disparaît des écoles. L’Histoire réclame compréhension et humilité de part et d’autre, le présent menaçant exige action et affirmation. Sans présumer de ce que deviendra ce territoire, on peut penser que l’islamisme dominant s’accommodera bien du libéralisme florissant. L’Algérie s’éloignera alors définitivement de l’autre côté de la Méditerranée, plus sensible à d’autres contrées, même asiatiques, bien plus rémunératrices et moins hautaines.
C’est dire qu’ici, comme dans bien d’autres endroits du monde, nous manquons de présence et d’engagements dans ce qui est un vrai combat économique, mais aussi politique et culturel. Le risque est grand de disparaître totalement et avec nos valeurs qui jadis éclairèrent le monde. Oui, là comme ailleurs, en Bosnie ou en Afghanistan, il faut combattre les obscurantismes et les atteintes à la liberté. Et s’en donner les moyens. Sans préjuger de ce que ces peuples feront d’eux-mêmes. Car le Maghreb a tout à perdre dans cet isolement nationaliste et cette pression religieuse. Quant aux Franco-quelque chose qui cherchent quelques instants de célébrité en bafouant, salissant, détruisant, ils nous montrent que le chemin est encore long, chez nous également, pour construire.
"Ne nous reposons pas sur nos acquis, mais efforçons-nous de construire la paix, de vouloir que la paix soit dans le cœur et dans l’esprit de chacun". Ainsi parlait JFK, à des années-lumière de l’actuelle présidentielle américaine je sais, à des galaxies des attentes extrémistes, mais qu’importe. Il faut y croire, il suffit d’y croire, par-delà les sifflets. La France du football a d’ailleurs eu ce courage, emportant au trot le match emmené par un exemplaire Thierry Henry : gamin de l’Essonne originaire des Antilles, formé à Clairefontaine puis Monaco, sacré en Angleterre, jouant en Espagne et capitaine de l’équipe de France.
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