Gavée d’avocat, la GAV ?

Ah, il est loin le temps où la police pouvait conduire jusqu’à un tribunal, qui les punissait comme ils le méritaient, des auteurs de ‘razzia sur la schnouf’ !
Avant 1958, la GAV (garde à vue) n’est soumise à aucune loi. Sa durée est fonction des estimations des enquêteurs pour obtenir les aveux des présumés auteurs de délits. Quant aux moyens utilisés pour obtenir ces aveux, ils sont également à la discrétion des enquêteurs (lesquels d’ailleurs restent très discrets sur les méthodes employées).
Après 1958, le CPP ou Code de Procédure Pénale décrète que le délai maximum de GAV sera fixé à 48 heures. Délai qui pourra être prolongé jusqu’à 96 heures s’agissant d’un certain nombre d’infractions (meurtres commis en bande organisée, trafic de stupéfiants, enlèvement et séquestration en bande organisée, proxénitisme,…) et même jusqu’à 6 jours en cas de soupçon d’actes de terrorisme.
Ainsi, la loi du 04 janvier 1993 modifiée par la loi du 24.08.1993 accorde aux personnes gardées à vue le droit
- de prévenir, par téléphone, soit un membre de sa famille ou une personne avec qui elle vit habituellement ou son employeur,
- d’être examiné par un médecin désigné par un OPJ (officier de police judiciaire) ou le PR (procureur de la république)
- à partir de la 20ième heure de GAV, s’entretenir, pendant une durée de 30 minutes maximum, de manière confidentielle avec un avocat. Le 1er janvier 2001, la loi Guigou (loi sur le renforcement de la présomption d’innocence) ramène au début de la GAV le temps prévu pour l’intervention de l’avocat.
Et c’est ainsi que piano piano, nous arrivons au 14 avril 2011 avec le vote d'une loi n° 2011-392 qui sera mise en application pratiquement illico. Normal, sous le régime Speedy Sarkozy, tout est pressé : on délibère, on vote, on applique. Pour les bugs on verra après.
Et que dit elle, cette loi ? Grosso modo ceci :
- La garde à vue n’est possible que lorsque la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. D’une durée de 24 heures, elle ne pourra être prolongée que si la peine encourue est d’au moins un an de prison.
- Le droit au silence (qui avait été supprimé par la loi Perben) est rétabli.
- L’assistance d’un avocat devient possible dès le début de la GAV. À la demande du gardé à vue, l’avocat peut assister aux auditions et confrontations ; dans ce cas la première audition ne peut débuter avant l’expiration d’un délai de 2 heures. À sa demande, l’avocat peut consulter le procès-verbal constatant le placement en GAV. (Il est bon de rappeler qu’avant cette loi, l’avocat et son client n’avaient droit qu’à 30 minutes d’entretien au début de la GAV et au moment de son éventuelle prolongation, sans aucun acte au dossier). Mais comme nous avons à faire à une loi équitable, la victime jouit elle aussi de certain droit (oui, au singulier ; faut quand même pas abuser de la bonne volonté des législateurs). Et donc, dans le cas où elle est amenée à être confrontée avec la personne en GAV, la victime PEUT ÉGALEMENT demander à être assistée par un avocat. Ouf !
On ne peut que féliciter les membres du gouvernement pour cette heureuse initiative.
Depuis le temps qu’il leur était reproché de ne pas s’attaquer aux réels problèmes qui gangrènent notre société. Existe t-il meilleur manière de lutter contre le surpeuplement des prisons, de meilleure solution pour éviter les suicides des taulards, que de donner aux présumés auteurs de délits le maximum de moyens pour leur éviter d’être incarcérés ?
Qui plus est, moi, si j’étais juge, cette loi me comblerait de bonheur. Il existe en effet moins de probabilité pour les juges de se voir blâmer pour la libération trop hâtive d’un violeur d’enfants qui récidive si ce violeur d’enfants a échappé à tout emprisonnement grâce à un avocat retors qui aura démontré un vice de forme dans sa procédure d’arrestation.
Bon, je suis d’accord que des policiers risquent d’être tués lors d’intervention dans des cités dites sensibles par des délinquants relâchés à la fin de leur garde à vue grâce aux talents de leur avocat mais, si je ne me trompe, ça s’appelle des dommages collatéraux. Or chacun sait que l’adjectif collatéral signifie « qui ne peut être évité ». Et puis, qui ne sera pas d’accord avec le fait que suivre l’enterrement d’un policier est une manifestation bien plus paisible que réprimer les manifestations de loubards qui mettent des banlieues à feu et à sang pour protester contre l’arrestation et l’emprisonnement de l’un de leurs acolytes.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la loi sur la GAV votée le 14 avril, je prétends que les législateurs se sont montrés quelque peu timorés et qu’ils pouvaient faire bien mieux que ça.
Il me semble qu’ils n’ont pas bien pris la mesure qu’il s’agissait de défendre des (peut-être innocentes) victimes contre la féroce répression policière. Parce que, franchement, cette nouvelle loi du 14 avril 2011 ne change rien au fait qu’on place des gens en garde à vue ce qui est indigne d’une société civilisée qui respecte la liberté de l’individu.
Donc, je préconise une loi
- qui impose aux enquêteurs de prendre rendez-vous avec les personnes qu’ils souhaitent interroger quel que soit le délit dont ces personnes sont soupçonnées. (Outre la liberté, notre république prône également l’égalité, n’est ce pas ?)
- qui oblige les dits enquêteurs à ne pas arriver les mains vides (Je suggère des croissants et autres délicatessen) comme des mal polis chez les personnes soupçonnées de délit qui auront eu la complaisance de les recevoir avec leur avocat dans le lieu de leur choix.
- qui exige des enquêteurs qu’ils n’insistent pas lourdement dès que la personne interrogée niera les faits qui lui sont reprochés et qu’ils sachent ne pas imposer leur présence de manière importune.
Quoi, les victimes ? Mais on n’est pas là pour parler des victimes, on parle de la garde à vue. Et la garde à vue, c’est l’enfer de l’enfer-mement pour des innocents. Parce que, soyez en certains, ils clament tous leur innocence les gardés à vue.
Or, l’innocence, elle existe. La preuve, la peine de mort a été abolie pour ne pas risquer d’exécuter un innocent égaré parmi des centaines de coupables.
Et, puis, il ne faut pas oublier, si ça vous arrivait, hein ? Parce que, comme dit l’adage (à moins que ce ne soit la Française des Jeux ?) : « Ça n’arrive pas qu’aux autres. »
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON