Générations 90 : les enjeux
Interview d’un étudiant sur la terrasse d’un café.
Qu’elle est pour toi la caractéristique première de la génération 90 ?
Il est évident qu’elle est la résultante d’un divorce consumé entre le peuple et la classe politique. C’est un tournant majeur dans la vie politique de notre nation et cela pour l’intégralité de ce siècle. Aujourd’hui une seule question se pose. Cette génération est-elle dépolitisé ou, au contraire, génère-t-elle une nouvelle forme de politisation ?
Pour moi, ce problème est sous-jacent à un des enjeux les plus cruciaux de ce début de siècle : la place de l’homme dans la société. Sans partir dans une longue dissertation sur ce sujet, on peut du moins affirmer que cette place n’est aujourd’hui plus garantie, l’immigration "choisie", la précarité, le dumping social sont des signes avant-coureurs d’une dépréciation générale de l’homme au profit du capital. Les classes dominantes ont aujourd’hui réussi à faire accepter à la jeunesse que celle-ci tient un rôle subalterne vis-à-vis du marché. Les moyens mis en œuvre ont été colossaux, à l’utilisation des médias de masses s’est couplée l’uniformisation et surtout la séquestration de l’esprit critique ou de la réflexion, à la fois individuelle et sociétale. Si la politique désintéresse ce n’est pas par manque de "moyens" intellectuels ou de conviction, mais par une individualisation formatée de l’humain. Ce concept est trop souvent occulté pour expliquer la déchéance de l’engagement au sein de la communauté de la part des jeunes. Cette génération 90 est à mon sens la première à véritablement abandonner sa capacité d’analyse depuis soixante ans ! Et cela explique pourquoi le débat actuel est de si basse envergure car on juge inutile d’informer le citoyen sur son rôle et sa place dans la France de demain.
C’est du défaitisme ?
Non. Bien entendu il subsiste, comme il a toujours subsisté, un noyau dit "éclairé" au sein de cette jeunesse. De plus, il est injuste de rejeter sur les enfants la responsabilité des parents. La République ne s’inculque pas uniquement sur les bancs d’une école, mais aussi avec ses tuteurs. Le mot est d’ailleurs lourd de sens.
Or, on a assisté depuis trente ans environ à un échec total de ces deux modes d’éducation (nationale et parentale) pour ce qui est de la valorisation de l’engagement politique. Cet échec est lourd de conséquence, à l’heure de la contre-attaque libérale de la coalition sarkozy-Medef. Ce que nous pouvions craindre est arrivé : des slogans prémâchés, une sorte de politique et économie "pour les nuls", on eut raison de concept que l’on croyait acquis. Or, il est évident que rien sur Terre n’est immuable, que ce soient les droits de l’homme ou l’Etat social. Certes cela est vrai dans les deux sens, mais nous payons aujourd’hui la passivité de la société française et de cette classe politique censée représenter le peuple. On reproche souvent au PS, et à juste titre, d’être incapable de parler avec la nouvelle France, son discours alambiqué et creux ne trouve plus d’échos, et à l’heure où l’urgence sociale est devenue pressante on rejette ceux qui devraient nous représenter pour laisser la place à la minorité patronale et rentière ! Les préoccupations sociales des Français sont réelles, la politique de Nicolas Sarkozy l’est tout autant : mis à mal de l’Etat social et des valeurs humanistes. Quelle ironie !
Avant de critiquer cette génération il faudrait tout d’abord s’interroger sur le mode de communication à adopter à son encontre. Je ne suis donc pas défaitiste, mais je juge qu’il sera nécessaire de reconquérir l’espace médiatique grâce à un discours clair et efficace de façon à rééduquer politiquement les Français. Il va falloir redescendre des bancs de l’Assemblée et communiquer efficacement avec les citoyens. Si la gauche en générale n’est pas capable de faire cela, la léthargie politique actuelle se poursuivra et le Medef-UMP se fera un plaisir de parvenir à la destruction totale de 150 années de lutte sociale.
Quel avenir dans l’état actuel des choses pour la France ?
Lisez le programme du Medef. Tout est dedans. Ce n’est pas être un "gaucho" que de croire à la mainmise du patronat sur l’information, et sur le pouvoir politique en général. Le triumvirat Medef-UMP-FN a aujourd’hui entre ses mains les clés du débat d’idée. L’incapacité de Ségolène Royale lors des dernières élections à mener le débat est certes dû à la lourdeur de son discours, trop éloignés des attentes sociales, mais aussi à la manipulation effective des médias par le pouvoir.
Notre génération est à un tournant : acceptons-nous l’annihilation de l’individu, ou mettons-nous fin à la dictature du marché ? Pour être optimiste disons que l’absence de politisation, certes voulu par les sphères du pouvoir, a comme point positif de pouvoir être mué en une politisation radicale dû à l’excitation vis-à-vis de la nouveauté.
En conclusion ?
En conclusion, je dirai que seul quatre points permettront à la gauche de l’emporter en 2012 : avoir un discours clair sur le partage des richesses, expliquer et dénoncer les mensonges de la droite, refuser toute complaisance avec les rentiers et surtout retrouver la foi dans les principes républicains et humanistes. Loin de moi l’idée d’un futur antérieur, mais si le présent est décevant et le futur menaçant il est clair que nous devrons chercher chez ceux qui nous ont précédés les futures grandes lignes de la reconquête par le peuple du pouvoir politique. Ces principes ne sont pas immuables, il s’agira donc de les actualiser et de greffer à ceux-là de nouveaux concepts, nécessaires à une société que chaque homme devrait vouloir égalitaire.
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