Hurlez ou mourez : voici la politique-arbitre
Notre démocratie est-elle devenue un nid d'oisillons hurlant pour leur pitance, leurs droits, leurs "bisous" ? Nous assistons, presque impuissants, à une évolution dangereuse qui avait pourtant été prédite il y a plus de 150 ans par Tocqueville. Analyse.
Un nid avec des oisillons qui s'égosillent à qui mieux mieux. Ceux qui hurlent, les oisillons obèses, obtiennent la bouillie de leur maman, et poussent les autres par dessus bord ou les laissent dépérir misérablement...Voici la vision qui me vient à l'esprit lorsque je pense au fonctionnement de notre démocratie.
Partout, des groupes se lèvent pour réclamer de nouveaux droits. Les oisillons se font plus véhéments... Parfois ils en redemandent sans même avoir faim, des droits per se, en collectionneur compulsif. Attention ! La somme des droits des individus, en démocratie, loin d'un champ sans limites est tout au plus un jardin clos de murs qu'il faut, comme le brownie, partager. Tout nouveau droit s'acquiert au détriment d'un autre, comme le droit au logement vient grignoter le droit de propriété, et comme le droit au mariage gay grignote le droit des enfants à un père et une mère.
Droit contre droit, lobby contre lobby, voila l'étendue des vains combats à venir dont la société américaine nous montre un avant-goût. L'avènement d'une telle société, judiciarisée au maximum, nous usera en frottements inutiles et en division des uns contre les autres, divisions dont se délecteront les politiques et les médias avides de bonnes aubaines électorales et de manichéisme facile. Une société diabolique, dans son sens étymologique de "celui qui divise".
Garant historique de l'abolition du droit du plus fort, ainsi que le proclamait Rousseau dans son Contrat Social, l'Etat socialiste (car les précédents gouvernements l'étaient aussi) vient entériner un nouveau droit du plus fort dans celui qui sera le plus "revendicatif". Régression démocratique inédite qui institue le citoyen lambda a-communautaire comme le nouveau "serf" de la société, celui qui n'a plus que des dîmes à payer et des devoirs aux droits atrophiés par les autres oisillons. Le français d'origine, mâle, blanc, hétérosexuel, petit employé non syndiqué de zone rurale est le nouveau maillon faible. Ou la femme seule avec ses enfants, au physique quelconque et dans pauvreté : elle n'a l'oreille de personne. Les derniers servis, les sans-voix sont ceux qui ne sont pas encore nés, générations futures victimes du relativisme qui se font carrément évacuer leur œuf du nid, sont plus méprisées chaque jour : retraites à payer, dette à éponger... Ne dit-on pas pourtant que le degré de civilisation se mesure à la façon dont une société traite ses plus faibles ?
Ouvrez un dictionnaire des blagues d'il y a vingt ans. Combien d'entre elles oseriez-vous faire en public devant un micro sans au préalable avoir appelé un bon avocat pour qu'il vous dise si vous avez le droit de rire de telle ou telle groupe social.
L'exemple le plus frappant est sans doute tiré de l'homosexualité. Il n'y avait jamais eu, jusqu'à date récente, de "communauté gay" constituée. Il n'existait pas, en face, de mot pour désigner un couple homme-femme, c'était juste... un couple normal. Contre cette normalité au sens pourtant statistique de "majorité numéraire", les homosexuels regroupés en communauté "discriminée" par les moqueries potaches (et un certain nombre de passages à l'acte plus graves dont il serait salutaire d'analyser la psychologie, phobie ou peur, la peur étant l'incompréhension qui vient de l'absence de communication), incertaine embarcation qu'il a fallu flanquer d'une bouée "bi" et d'une bouée "trans", de déclarer un jour : "vous autres les couples normaux, vous êtes en fait des "hétérosexuels" ! PAF ! Et que je te communautarise d'un coup de novlangue ! L'objectif d'abattre la norme : atteint. Voire même un peu trop atteint et ça, ils ne l'avaient pas calculé : en supprimant la "norme", le père quoi, vous vous retrouvez à présent avec un frère.... rival et ennemi juré : une autre communauté, les hétérosexuels, qui se découvre elle aussi revendicatrice et, bien plus nombreuse dans les manifestations, donc dangereuse ! Une communauté trop revendicatrice en fabrique une opposée par réaction.
De même les féministes, qui demandent la parité, risquent de se voir bientôt refuser les professions où elles étaient naturellement majoritaires ! Les immigrés, se sont créé un ennemi dans le peuple plus ou moins imaginaire des "français de souche" ; les blondes victimes de "stéréotypes", entraînent les roux dans leur sillage victimes eux de roucisme (terme officialisé), les syndicats refusant le travail du dimanche se voient contester leur domination par les salariés eux-mêmes, qui à leur tour se mettent à dos les artisans, forcés d'ouverture le dimanche sous peine de faillite, les clubs de foots qui font des pieds et des "mains" (pour une fois qu'ils peuvent lol) pour échapper à la taxe à 75%... Chacun se constituant en association, des pigeons, poussins, ou autres tondus rassemblent à présent les professions libérales contre les professions garanties. Que fait l'Etat ? Il discute avec le premier arrivé, cherche à éviter le moussage médiatique, pis fait machine arrière toute lorsque arrive le second... Couac couac.
"J'entends ceux qui manifestent, mais j'entends aussi ceux qui ne manifestent pas" assénait Villepin au moment du CPE. Phrase ô combien prophétique et à la fois déjà dépassée par la facilité déconcertante avec laquelle on crée maintenant un groupe facebook de 10000 personnes. Jadis, on entendait surtout ceux qui disaient "NON", maintenant c'est tout le monde, et voila une belle cacophonie ma foi ! Une petite voix timide, sourde, disparaît dans le brouhaha, celle de l'intérêt général, qu'on serait d'ailleurs bien en peine de définir dans un micro-trottoir. Oui, car le "droit à" est devenu le dernier supermarché où l'on peut encore faire ses courses lorsqu'on a perdu tout pouvoir d'achat et tout projet commun. Frédérik Hayek l'avait prophétisé il y a un demi-siècle : voir ici.
Or il est gênant pour le pouvoir en place de découvrir que chaque citoyen a vocation à appartenir à plusieurs groupes constitués (par exemple : un médecin, homosexuel, automobiliste, parent d'élève, et catholique). En faisant cette constatation, le pouvoir découvre une nouvelle source de mécontentement profond et de baisse de popularité : un parti politique verra ses seuls soutiens indéfectibles dans ceux des citoyens dont toutes les appartenances sont "satisfaites" par le programme. On comprend vite, dès lors, qu'en élevant 0,5 à la puissance n, n étant le nombre d'appartenances, on tend rapidement vers zéro.
Multiplication des communautarismes en lieu et place de la confiance en l'intérêt général
= impopularité et défiance croissante envers le politique
L'homme politique en est réduit à l'impopularité d'un arbitre de match de foot
...réduit à des bains de foule derrière une grille ou une voiture blindée
La voie de sortie est délicate devant un tel emballement : le retour à la réalité risque d'être violent pour un citoyen "drogué" à se voir acheté par des "bisous", comme dirait un célèbre bloggeur... Je prescris donc une cure de recul médiatique sur le fil d'actualité, une leçon d'apprentissage à dire "non" aux lobbies, une cuillère de patriotisme, et une séance de reprise en main de notre souveraineté qui nous échappe. Véritables OVNIs du paysage, sachons écouter ces deux ou trois hommes politiques qui n'ont jamais retourné leur veste depuis 30 ans et dont les médias ne parlent plus parce qu'ils disent justement toujours la même chose... ils pourraient, ceux-là, détenir une parcelle de cette sagesse perdue, de ce Graal de l'intérêt général aujourd'hui dévoyé.
Hervé Legourvière. Vous aimerez également mes autres billets : http://jefaisdelapolitiquesanslesavoir.unblog.fr/
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