Il faut sauver le soldat Irlandais
Huit cent soixante mille Irlandais peuvent ils bloquer 495 millions d’européens ? Oui, ils le peuvent, car c’est ce qui avait été prévu. Le traité de Lisbonne ne devait entrer en vigueur qu’à condition d’être approuvé à l’unanimité par tous les pays membres.
Et il ne faut pas oublier que certains européens – peut être même la majorité – auraient bien aimé pouvoir s’exprimer par référendum et qu’ils sont reconnaissants aux 860 000 électeurs Irlandais qui ont votés « non ». Ce référendum renvoie donc le traité constitutionnel européen à sa juste place, c’est-à-dire à la corbeille.
Reste que le message n’est pas bien passé ! Les élites politiques, médiatiques, et parfois économiques, sinon syndicales, au mépris des traités, souhaitent avidement poursuivre le processus de ratification. Il est facile de comprendre pourquoi : c’est le « gel » des ratifications, qui a enterré le TCE, avant que Monsieur Sarkozy le ressorte de son chapeau, en l’appelant « mini traité », appellation que Monsieur Valéry Giscard d’Estaing conteste, puisque s’étant confié au journal le Monde, il affirmait que « toutes les propositions antérieures étaient dans le nouveau traité, mais cachées ou déguisées, d’une manière ou d’une autre ». De son coté, le vice Président de la Convention pour l’Europe expliquait qu’il avait été convenu de « rendre le (nouveau) texte illisible ».
Pour « sauver le traité de Lisbonne », les dirigeants européens cherchent donc des solutions. Pour Nicolas Sarkozy il faut « faire revoter l’Irlande ». Fort de l’expérience de Nice, le Président Français croit en effet possible de faire passer le « non » Irlandais, en un « oui » plus acceptable. Pour la chancelière Allemande, il faudrait faire en sorte que l’Irlande se « retire provisoirement du processus d’intégration européenne », ce que le Secrétaire d’Etat à l’Europe Français traduit comme « trouver un arrangement juridique ». Le problème, c’est que juridiquement, un tel procédé est impossible, puisque par définition on ne pas se « retirer provisoirement » de l’UE, pour y revenir plus tard ! D’autant que cet « arrangement juridique » ne changerait à la situation du traité de Lisbonne, puisque un traité, selon le droit international, et européen doit obtenir l’approbation de toutes les parties, et qu’il est dès lors impossible de ratifier un traité en dehors des parties. C’est-à-dire que de même qu’un contrat de travail ne peut pas engager un travailleur sans son agrément, il est impossible, au cours d’une ratification de traité, d’isoler l’un des contractants, d’autant que ce dernier s’est exprimé. Sa « sortie temporaire » de l’UE n’y changerait rien.
Le seul véritable moyen de sortie, pour les dirigeants européens, se trouve donc dans la possibilité d’ajouter un « codicille » au traité de Lisbonne, c’est-à-dire une déclaration de bonnes intentions, qui ne change strictement rien au traité mais qui fait toujours bien, avant de refaire voter les Irlandais. Mais pour cela, encore faudra t il que le Premier Ministre Irlandais accepte de mettre en place un autre référendum. Si l’on se doute bien de la pression de ses partenaires européens, pour ce faire, il est en revanche tout aussi vrai que ce « non » représente nationalement un vrai risque pour ledit Premier Ministre, chargé dès lors d’expliquer à ses concitoyens qu’ils ont « mal voté », et qu’il leur faut se re-prononcer sur un traité, mais aussi de convaincre sa « majorité » (pour le bien de l’UE ?) de subir un nouveau revers électoral. Il n’est pas sur dès lors, et en dépit de toutes les euro certitudes, que ce « risque référendaire » sera pris. D’autant que les défenseurs du « non », dispose de moyens médiatiques, et financiers, pour se faire entendre.
Conscients de cela, les dirigeants européens souhaitent donc « laisser du temps » à l’Irlande, comme à Prague, pour trouver des solutions. Un temps mit à profit, pour faire approuver par les huit pays manquants, le traité de Lisbonne, ceci pour arriver à une approbation par 99% de la population de l’UE. Ceci évidemment pour faire subir à l’Irlande une pression inacceptable, qui l’obligerait, ipso facto, à approuver le traité.
Bien qu’étant profondément européenne, je ne peux que contester ces procédés antidémocratiques, et contraires à l’esprit des Lois. C’est pourquoi j’invite tous ceux qui éventuellement me liraient, à « sauver le soldat Irlandais », c’est-à-dire à faire prévaloir une Union démocratique, respectueuse des peuples, et du Droit.
Car, contrairement à ce que semble vouloir nous affirmer les médias, et certains « politiques », le traité de Lisbonne n’est pas une fin en soi, que tout un chacun devrait accepter, et qui de toute façon passera, avec douceur, ou force.
Il y a des moyens pour faire respecter par les « gouvernants » la Démocratie, des solutions pour geler le processus de ratification en vue de lutter contre le chantage ignoble qu’on prévoit à l’encontre de l’Irlande. La force actuelle des gouvernants, peu soucieux de respect envers les votes populaires, c’est l’inertie des citoyens, et souvent la méconnaissance, par ces derniers, du droit européen. Il m’apparaît donc essentiel, par respect envers la Démocratie et le Droit, de ne pas laisser les gouvernants isoler l’Irlande, et donc de réagir.
La première chose à faire, c’est de dénoncer, auprès de la Cour de Justice européenne, et de chaque pouvoir judiciaire national, le non respect des traités, sachant que la première est chargée du respect des traités, et que les juridictions nationales ont-elles l’obligation de mettre en œuvre ce droit européen.
Pour cela, il faut nous appuyer sur le droit européen, que tout Etat membre de l’UE doit respecter :
Il est nécessaire, en premier lieu, de rappeler à la Cour ses obligations constitutionnelles :
—La Cour de Justice : article 173 : La Cour est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du présent traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir, formés par un Etat membre, le Conseil, ou la Commission.
Toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire, et contre les décisions, qui bien que prises, sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concerne directement et individuellement.
—Article 176 : La Cour de Justice est compétente, pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l’interprétation du présent traité, b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les Institutions de la Communauté
(Articles tirés des traités sur l’UE et sur le fonctionnement de l’UE (Rome, Maastricht, Amsterdam) qui sont pour les deux premiers considérés comme des traités fondateurs de l’UE.)
Mais aussi de rappeler les règles constitutionnelles posées par ces deux traités « consolidés » que sont le traité sur l’UE, et le traité sur le fonctionnement de l’UE :
—Si l’on s’en réfère à la partie concernant la révision des traités, il est en effet dit (articles 48 et 52 si mes souvenirs sont bons) que l’Union repose sur la règle de la double unanimité.
Le traité sur l’UE et le traité sur le fonctionnement de l’UE stipulent en effet qu’en matière de révision des traités européens, il est nécessaire d’obtenir une double unanimité : signatures des Chefs d’Etat et de Gouvernement, puis ratification dans chaque Etat membre, du traité, par le pouvoir constituant, soit originaire, soit dérivé. Il est dès lors établi que si l’un des membres de l’UE refuse un traité, tout le monde accepte la règle de l’unanimité, qui veut que le traité soit considéré comme « mort ». Dès lors que cette double unanimité n’est pas obtenue, il est donc clair que le traité est caduc, il n’a plus d’existence juridique, puisqu’il ne répond pas aux exigences de double unanimité prescrit par les traités, ratifiés antérieurement par chacun des 27, qui se sont dès lors engagés à en respecter les termes.
—Pour appuyer ce fait, il conviendra aussi, de faire valoir auprès de la Cour, que tous les traités antérieurs sont passés par ce biais. Ainsi, le TCE a-t-il été arrêté par les « non » français et néerlandais, ce qui (conformément aux traités) a donné lieu à une période de réflexion avant la mise en œuvre d’une CIG chargée de rédiger un nouveau traité, et annulant dès lors (par le simple fait du « non » référendaire) les votes parlementaires positifs. De même, la France avait proposé une armée européenne…Avant de s’y opposer. Ce qui a mis fin à l’idée, et on est passé au sujet (plus consensuel ?) de l’agriculture.
Enfin, il faut donner aussi un caractère national à la démarche, c’est-à-dire (pour la France) écrire à la Magistrature. Selon les traités européens, c’est aux juges nationaux de mettre en œuvre le droit de l’UE. Encore faut il que ce dernier soit légitime, et légal :
—Il est donc important d’abord, de rappeler à la Magistrature, et donc aux juges nationaux, que le traité de Lisbonne est juridiquement caduc, puisqu’il ne souscrit pas aux règles édictées par les traités, notamment celui de Maastricht, et que dès lors, en respect de leur mission juridictionnelle, il est nécessaire que la Magistrature dénonce l’illégalité du traité dit de Lisbonne.
—Ensuite, il convient de dire aux mêmes, que selon la Constitution de la V République, le juge dit la Loi, et juge au nom du Peuple Souverain. C’est-à-dire que le juge, de part sa mission, est contraint de respecter la Constitution française, et la Jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Or, la Constitution française reconnaît le droit européen, comme lui étant supérieure, dans les cas déterminés par les traités ratifiés par le pouvoir constituant dérivé (Parlement) ou originaire (le Peuple). Ce droit européen est actuellement bafoué par les dirigeants de l’UE, et particulièrement par le Président de la République, chargé du respect des traités (article 5 de la Constitution) et donc garant du respect de la procédure révisionnelle européenne. Selon le statut pénal de ce dernier, il se trouve dès lors dans la situation d’un « manquement à ses devoirs dans l’exercice de ses fonctions ». Les juges peuvent ils accepter le viol de la Constitution sans rien dire ?
Evidemment, pour qu’il y ait un véritable impact, il convient que cette démarche soit faite par un nombre important de citoyens. Sachant que la Magistrature a un mail, il m’apparaît utile et facile pour tous les citoyens d’envoyer un courrier à celle-ci. Des courriers qui seront forcément « remontés » en direction du Président de la Cour de Cassation, et de…La Ministre de la Justice.
Pour finir, il faut viser aussi le Conseil Constitutionnel. Celui-ci est en effet chargé de préserver la Constitution, les libertés fondamentales et les droits des citoyens, mais aussi de faire appliquer le droit européen, en censurant par ex les projets ou proposition de loi qui iraient à l’encontre du respect des traités. Or, on se trouve ici en pleine violation des traités sur l’UE et sur le fonctionnement de l’UE, puisqu’en poursuivant le processus de ratification, les gouvernants européens contestent la double unanimité révisionnelle mais aussi la Démocratie, en menaçant un Etat membre d’être « sortie provisoirement » de l’intégration européenne. La Démocratie ne peut donner lieu, selon les traités européens, à une quelconque récompense ou sanction. Il est donc nécessaire que le maximum de Français se mobilise pour écrire au Conseil, et lui rappeler entre autres, les articles précédents, sur la révision constitutionnelle prévue par les traités, mais aussi les articles suivants :
—Proclamation de l’UE : Article F.1 : L’Union Européenne respecte l’identité nationale de ses Etats membres, dont les systèmes de gouvernements sont fondés sur les principes démocratiques.
Cet article signifie que l’UE s’engage à respecter la Démocratie, et donc les votes populaires. Mais aussi garantie à chaque Etat le respect des Constitutions nationales de ces Etats. D’où nécessairement les limites constitutionnelles imposées par les Constitutions nationales aux Etats. Cela se manifeste par l’obligation constitutionnelle, non remise en cause par l’UE, de faire ratifier le traité de Lisbonne par référendum. Et en France ? Par l’obligation de respecter l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, lequel dispose que la France ne reconnaît comme régime politique légal et légitime que celui qui respecte la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, et la séparation des pouvoirs. Sans quoi, la France n’a plus de Constitution, c’est-à-dire plus de régime de Droit.
Cet article est extrêmement important. Pourquoi ? Parce qu’il donne droit à tout citoyen de demander des explications au Conseil Constitutionnel, quand celui-ci ne censure pas un traité illégal du point de vue du Droit. Mieux, cet article permet à tout parti politique, qui considérerait que les articles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, ou bien que la séparation des pouvoirs n’est pas respectée, de déclarer la France comme étant dans un régime de non Droit. Rendant dès lors le régime politique actuel illégitime, et ses actes illégaux. Le Conseil Constitutionnel ayant donné (en 1971 il me semble) une valeur juridique au préambule de la Constitution, les textes qui sont inscrits dans ce préambule sont donc juridiquement contraignants pour le législateur.
Or, l’article 3 de la Constitution, et l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, imposent le Peuple comme étant le pouvoir constituant originaire, c’est-à-dire le Souverain de l’Etat. Lui seul à donc le pouvoir de contester ses propres décisions. En violant le traité de Maastricht (qui fait partie du traité sur l’UE), c’est donc la décision référendaire de 1992 que le Conseil Constitutionnel violerait, ou laisserait violer par les pouvoirs constitués à commencer par le Président. Or, il est écrit article 4 de la Déclaration que les partis politiques sont censés respecter les règles démocratiques instituées par la France, c’est-à-dire que le viol de cet article met en cause l’article 16, lequel on l’a dit, est non révisable, et implique la disparition de l’Etat de Droit en France, privant dès lors n’importe quel Gouvernement, et n’importe quel Parlement, de toute légitimité démocratique, puisque les pouvoirs constitués, étant des citoyens comme les autres, doivent, au titre de l’article 1er, être égaux en droit vis-à-vis de leurs concitoyens. Autrement dit, tous les citoyens peuvent, implicitement, laisser entendre au Conseil Constitutionnel, que s’il viole ou laisse violer la Constitution, et notamment les limites révisionnelles imposées par celle-ci…Les citoyens, en tant que pouvoir constituant originaire, considéreront les actes des pouvoirs constitués comme frappés de nullité.
—Citoyenneté de l’UE : article 8.3 : Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.
Selon cet article, les citoyens européens sont donc égaux en droit. Or, l’actualité conteste ce principe, puisque deux Etats ne bénéficient pas du même traitement. La France a obtenu une nouvelle CIG, et le respect du principe d’unanimité, pilier de l’UE…Alors qu’on demande à l’Irlande de « revoter ». C’est donc une atteinte à l’égalité des citoyens devant la Loi, un Français devenant dès lors juridiquement plus important qu’un Irlandais, ce qui viole donc l’article précédent relatif au respect de l’identité des Etats membres.
Il est donc tout a fait envisageable que les citoyens demandent au Conseil Constitutionnel de faire appliquer le droit européen, en exigeant la tenue d’une nouvelle CIG, et la fin du processus de ratification, au titre de l’inégalité devant la Loi des citoyens, qui dès lors ne bénéficient pas tous des mêmes droits, ni ne sont soumis aux mêmes devoirs.
(Articles tirés des traités sur l’UE et sur le fonctionnement de l’UE)
Il est aussi possible de faire appel aux Parlements nationaux comme celui européen :
Article 8 D : Tout citoyen de l’Union a le droit de pétition devant le Parlement européen conformément aux dispositions de l’article 138 D.
Article 138 D : Tout citoyen de l’Union peut s’adresser au médiateur institué conformément aux dispositions de l’article 138 E.
Article 20 C : Tout citoyen de l’Union, ainsi que toute personne physique ou morale résidant dans l’UE, a droit de présenter, à titre individuel, ou en association avec d’autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement européen sur un sujet relevant des domaines d’activité de la Communauté et qui le ou la concerne directement.
Article 20 D : Le Parlement européen nomme un médiateur, habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l’Union ou de toute personne physique ou morale, et relative à des cas de mauvaises administrations dans l’action des Institutions ou des organes communautaires, à l’exclusion de la Cour de justice et du tribunal de première instance dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.
(Articles tirés des traités sur l’UE et sur le fonctionnement de l’UE)
Les parlementaires européens vont devoir prochainement remettre en jeu leur mandat. Il est donc possible de leur écrire, en leur demandant de respecter le droit européen…Sous peine de perdre un grand nombre de voix, pourtant nécessaire à leur élection ou réélection.
De leur coté, les parlementaires Français ne sont pas tous les « godillots ». Il est donc possible de leur faire valoir les soucis que pourraient avoir leur parti respectif si par le plus grand des hasards, il trouvait que l’UE doit passer avant le respect du Droit.
Là encore, plus il y aura de lettres en ce sens, plus les parlementaires se sentiront obligés de faire quelque chose.
Tout dépend désormais de nous. Voulons nous reconnaître la défaite des peuples ou bien agir en Peuples Souverains ?
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