Jacques Chirac, homme politique ou, plus simplement, homme de pouvoir ?
Le documentaire de Patrick Rotman sur Jacques Chirac, diffusé sur France 2 la semaine dernière, ne prétendait sans doute pas faire des révélations fracassantes sur les quarante ans de carrière et les quinze ans de règne du président de la République.
Le documentaire de Patrick Rotman sur Jacques Chirac, diffusé la semaine dernière sur France 2 ne prétendait sans doute pas faire des révélations fracassantes sur les quarante ans de carrière et les quinze ans de règne du chef de l’Etat, mais il nous permettait de mesurer encore une fois le fossé qui sépare les préoccupations du simple citoyen de celles des gouvernants, qui ont bien davantage à voir avec le pouvoir qu’avec la politique (au sens noble du terme, aimerait-on dire).
Ce documentaire, en effet, nous plongeait dans les arcanes du pouvoir et nous en faisait découvrir la grande machinerie, avec ses hommes de l’ombre, ses éminences grises (comme Juillet et M.-F. Garaud), qui font et défont les princes, sans qu’on arrive jamais à comprendre quel est l’intérêt des citoyens dans tout cela. On découvrait ainsi des intrigues de palais et des luttes fratricides, probablement héritées d’un passé monarchique dont la France ne se débarrasse pas, mais bien éloignées de l’idéal républicain dont on ne cesse pourtant de nous rebattre les oreilles- comme un alibi commode de la bonne conscience politicienne.
On découvrait aussi toutes les manoeuvres de Jacques Chirac pour évincer, au gré des circonstances, ses adversaires successifs (de Chaban-Delmas à Balladur), au sein de son propre camp. Et, là encore, quel était au juste son projet politique pour la France ? Lorsqu’on apprend qu’en 1981, il a incité à voter pour François Mitterrand pour éliminer Valéry Giscard d’Estaing, on ne doit plus guère s’étonner qu’il ait été élu grâce aux votes des socialistes en 2002 - sur un projet politique inexistant.
Comment dès lors pourrait-on reprocher aux gens de se détourner de la politique ? Un même mot recouvre des réalités bien différentes : pour les uns, il s’agira de mesures concernant tous les aspects de leur vie (éducation, santé, emploi...), quand pour d’autres, comme Jacques Chirac, il s’agit de se placer sur le grand échiquier du pouvoir et d’y demeurer le plus longtemps possible. Ambition qu’il partage avec ces élites tout droit sorties de l’ENA, et qui gouvernent la France depuis une trentaine d’années. Il est du reste bien illusoire de croire que des hommes nouveaux ou des femmes nouvelles - comme Ségolène Royal - puissent sortir de cette école qui forme des cadres programmés pour assurer le maintien de l’ordre établi et la garantie des privilèges de leur caste.
Finalement ressortent de ce documentaire quelques enseignements à méditer avant que d’aller voter : pour accéder au sommet de l’Etat et s’y maintenir, tous les coups bas, les trahisons et les malversations, toutes les démagogies aussi sont permis (le pouvoir corrompt, c’est bien connu) - et ceci en l’absence de tout programme politique ; un pourcentage particulièrement significatif d’électeurs participe pourtant au fonctionnement de ce système, et finalement le cautionne ; ainsi la France a-t-elle les représentants qu’elle mérite. Comment ne serait-elle pas morose, gouvernée comme elle l’est par un homme, toujours médiocrement élu, et essentiellement préoccupé de sa survie politique ?
Mais si réellement les Français aspirent à voir émerger des hommes nouveaux, une autre façon de faire de la politique, pourquoi accepter de voter à nouveau pour des hommes pour qui le vote des électeurs n’est jamais qu’un blanc-seing légitimant leurs seules ambitions ? Tout cela est-il bien démocratique ? A l’heure où Jacques Chirac n’exclut rien pour 2007, ne serait-il pas temps de changer les règles du jeu politique ?
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