Jeudi noir : Un mouvement citoyen contre le mal logement
Le collectif Jeudi noir s’est formé pour placer le mal logement sur le devant de la scène publique. Portrait d’un mouvement citoyen qui entend faire bouger les choses à sa manière.
Genèse du collectif
En octobre 2006, quatre jeunes adultes (Alix, Leïla, Lionel et Julien)
fondent le collectif Jeudi noir. Etudiants ou salariés, ils sont tous
confrontés au même problème : des logements trop cher, et des bailleurs
toujours plus exigeants. Face aux prix prohibitifs des loyers et à leurs
difficultés pour trouver un appartement, ils décident de s’organiser pour «
pointer du doigt la spéculation et l’attentisme des pouvoirs publics en matière
de lutte contre le mal logement. » Ils dénoncent « la supercherie immobilière »
dont l’effet principal est d’exercer « un bizutage social de la jeunesse ».
D’où provient l’appellation Jeudi noir ? Elle fait l’objet de plusieurs
références. La première étant le krach boursier de 1929.
Petit rappel historique : le « jeudi noir » du 24 octobre, un effondrement des
cours de la Bourse de New York consécutif à l’éclatement d’une bulle
spéculative provoque la plus grave crise économique du XXe siècle.
Le mouvement doit également son nom au jour de parution de l’hebdomadaire
des petites annonces immobilières De particulier à particulier (PAP) qui
paraît dans les kiosques tous les jeudis. C’est selon le collectif, une journée
noire pour "les jeunes qui cherchent un logement et mesurent en
feuilletant le PAP l’étendue de leur non choix."
Des actions festives pour combattre le mal logement et interpeller les pouvoirs publics
Dans leur tract, les membres de Jeudi noir préviennent : "A la sortie du
PAP, lors des visites d’appartements, dans les agences immobilières : toutes les
semaines nous attaquerons le mal logement, le mettrons en lumière pour le faire
sortir de l’oubli." Voilà résumé le mode d’action de ces militants. Après
avoir repéré une petite annonce dans la revue du PAP leur paraissant
"vraiment scandaleuse", ils se donnent rendez vous, et le jour de la
visite collective investissent les lieux avec champagne et cotillons. Des
actions festives pour trinquer "à la bulle immobilière qui va
éclater". Les propriétaires des lieux ne sont pas oubliés. Ils se voient
toujours proposer un verre de mousseux. Un moyen avenant et efficace pour faire
passer le message plus facilement, tout en mêlant l’utile à l’agréable. Et une
fois la fête terminée, les "Jeudi noir" n’oublient pas de balayer les
confettis répandus sur le sol après leur passage : "on range derrière. Il
ne s’agit pas de prendre les propriétaires comme boucs émissaires mais
d’interpeller les pouvoirs publics."
C’est dans cette optique que les membres de Jeudi noir ont rencontré le 3
décembre dernier Jean Louis Borloo, le ministre de la cohésion sociale, de
l’emploi et du logement. Cet entretien n’a pas comblé les attentes du collectif
qui espérait des mesures immédiates : "Nous étions d’accord sur la
difficulté de se loger, mais pas sur les remèdes. Nous étions venus
avec une vingtaine de propositions très concrètes (...) dans l’espoir que le
ministre prenne des mesures d’urgence, qu’il ne prendra visiblement pas."
Le collectif propose notamment le doublement de la taxe sur les logements
vacants, son application dès la deuxième année de vacance (actuellement trois
ans), la réquisition par l’Etat des logements vides, et l’application stricte
de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Ce texte adopté en 2000
impose aux communes de plus de 3500 habitants un parc social correspondant à
20% des résidences principales.
Un mouvement qui prend de l’ampleur
Malgré cette déception, le collectif reste uni et solidaire. Un préavis de
grève des loyers a été déposé pour mars à la fin de la trêve hivernale. Jeudi
noir appelle l’ensemble des locataires ayant un taux d’effort (part du revenu
consacrée au loyer) supérieur à 25% à s’engager dans le Loyerthon.
A l’image du Téléthon son but sera de recueillir toutes les promesses de non
versement des loyers via un site internet.
Sinon, les actions festives et militantes se poursuivent. Le soir de la St
Sylvestre, avec l’association Macaq (Mouvement d’Animation Culturelle
Artistique de Quartier), Jeudi noir a fêté la réquisition d’un bâtiment de 1000
m² situé rue de la Banque dans le deuxième arrondissement de Paris, et
propriété de la compagnie CIC Lyonnaise de Banque.
En janvier dernier, cet immeuble a été inauguré officiellement pour devenir le
ministère de la crise du logement. Celui ci est depuis l’objet de beaucoup
d’attentions. Pour preuve : de nombreux candidats à l’élection présidentielle
sont passés dans ces murs (Olivier Besancenot, Marie Georges Buffet, Dominique
Voynet, Arlette Laguiller, José Bové, Ségolène Royal). L’ONU s’est également
invité par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial sur le droit à un logement
convenable, M. Miloon Kothari.
Toutes ces initiatives relayées par les médias ont contribué à installer le mal
logement dans le débat public. Jeudi noir, Macaq, les Enfants de Don Quichotte,
le DAL (Droit au logement) : toutes ces associations ont donné, aux yeux des
pouvoirs publics et de l’opinion, une nouvelle visibilité des mal logés en
France. Afin qu’il devienne une réalité pour tous les citoyens.
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