Joyeuses Pâques
Les cloches ne résonnent plus …
Voici pour vous édifier un conte de Pâques. Ne pensez pas qu’il s’agisse d’une fiction, c’est hélas une histoire vraie quelque peu grimée pour n’offenser personne. Un petit garçon a failli être chocolat, je ne puis l’accepter ! Il était une fois...
Nous l’appellerons Sophie pour ne pas lui nuire et brouiller d'éventuelles pistes, puisque bientôt, nous serons tous suivis à la trace par des mouchards électroniques susceptibles de multiplier à l’infini cette petite anecdote, si symptomatique d’un pouvoir qui perd le sens de la mesure.
Sophie est infirmière, l’une de ces héroïnes du quotidien que vous applaudissez de vos balcons à la condition qu’elles ne partagent pas votre cage d’escalier. Depuis trois semaines au moins, elle est en première ligne, dans ces services de réanimation qui ont découvert avec effroi que trop souvent hélas, il faut s’avouer vaincu devant un mal venu d’ailleurs.
Elle est épuisée, elle ne cesse de courir entre son hôpital et sa demeure où un mari et un petit garçon l’attendent. Quand elle arrive, elle ne les embrasse pas, elle file se changer et très souvent tombe d’épuisement dans son lit. Elle espère de toutes ses forces ne pas leur transmettre la maladie contre laquelle elle lutte bec et ongles avec une détermination au-delà de ses forces.
Par mesure de prophylaxie, pour éviter d’autres risques de contamination, ceux qu’elle aime sont cloîtrés à la maison, c’est elle, en dépit de son épuisement, qui en rentrant, s’arrête devant son supermarché habituel pour quelques achats de première nécessité. Elle sait le risque qu’elle fait courir aux autres, elle en a conscience. C’est pourquoi elle s’est mise d’accord avec son magasin.
Il convient toutefois de préciser que cet arrangement n’a pas été accepté immédiatement par la direction, plus soucieuse de rentabilité que de solidarité. Elle a d’abord essuyé un refus avant qu’une employée, de son propre chef, la rappelle pour établir un accord entre elles deux : Sophie lui passe un coup de fil avant d’aller à l'hôpital, la dame prépare sa commande et au retour du front, nouvel échange téléphonique pour la livraison.Il convient de souligner le geste de l’employée. Elle aussi mérite des éloges.
Ce jour-là, la transaction s’effectue en dehors du magasin, évitant ainsi tout risque pour les autres clients quand trois pandores (comment les nommer autrement) viennent s’enquérir de ce qui se trame là. L’un de ces zélés gardiens des lignes arrières, réclame le laissez-passer officiel de notre infirmière. Pour se donner de l’importance, démontrer sans doute qu’il est une pièce essentielle dans le dispositif de claustration de la population, il demande à voir le contenu du sac.
Et là, le supplétif de l’inquisition nationale, bras séculier et consciencieux, aperçoit des œufs de Pâques parmi les produits alimentaires. Il tient son heure de gloire, il y a matière à verbaliser et il pourra ainsi bénéficier de sa prime d’intéressement. À la guerre comme à la guerre, tous les coups sont permis surtout quand la lâcheté s’ajoute à la veulerie. Il se pose en gardien de la moralité citoyenne et déclare, péremptoire (en ignorant le sens de ce mot du reste) : « Voilà qui n’est pas de première nécessité. Vous enfreignez la loi et vous serez verbalisée ! »
C’en est trop pour Sophie qui le fusille du regard, lui crache à la figure : « Vous n’avez sans doute pas d’enfant pour penser cela ! » Sous cet uniforme-là, nulle humanité. Fort heureusement ses deux collègues perçoivent l’absurdité de la situation et l’extraordinaire bêtise de leur camarade. Ils le persuadent de laisser tomber.
Sophie n’aura pas d’amende et c’est heureux. Elle a voulu offrir à son petit garçon qu’elle ne fait qu’entrevoir à la maison des œufs pour Pâques et pour son malheur elle a croisé une cloche incapable de raisonner. D’autres situations de ce genre risquent de se produire, elles sont le fruit d’une communication absurde d’un pouvoir qui n’a jamais su répondre autrement que par la répression.
Laissons Sophie retourner à sa mission. Souhaitons lui malgré tout un Joyeuses Pâques et espérons que ce sinistre fonctionnaire apprenne enfin, en cette belle fête de l’espoir, à marcher sur des œufs et à trouver les chemins de l’humanité.
Pascalement vôtre.
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