L’arroseur arrosé
Le retour de bâton.
Nos responsables politiques ne cessent de communiquer, non plus par voie de presse ou de médias mais par le truchement des réseaux sociaux. Ceci, parait-il leur offre à la fois une meilleure visibilité, une chambre d'écho supérieure et la possibilité de communiquer à des segments de la population qu'ils ne parvenaient pas jusque-là à toucher. C'est ainsi que nous découvrons que nous ne sommes que des fragments, des échantillons inscrits dans une petite lucarne dans laquelle nous devenons un cœur de cible…
Étrangement cette image me renvoie immanquablement à la petite cabane au fond du jardin avec sa porte en bois dans laquelle, on avait percé un petit espace afin qu'un peu de lumière pénètre en ce lieu clos et intime. C'était le plus souvent un cœur et parfois un carreau. Preuve que les expressions ne sont jamais innocentes et que ce cœur de cible relève d'une communication le plus souvent excrémentielle.
Mais là n'est pas le sujet du jour puisque désormais, faute de trouver leur place dans la PQR ou la presse nationale qui elles aussi ne remplissent plus leur fonction sacrée dans ces petits édicules d'antan, nos élus de tous bords investissent la toile et nous régalent de déclarations lapidaires, de commentaires brillants et de clichés autocentrés. À ce titre, ils présentent les mêmes symptômes d'hypertrophie de l'ego et de vacuité de la pensée que nombre de leurs électeurs potentiels.
C'est donc désormais sur les réseaux asociaux que l'on peut caresser l'espoir de transmettre un message à ces personnages trop occupés le peu de temps que leur laissent leurs clavardages incessants à gérer les affaires publiques et à répondre éventuellement à une requête d'un citoyen. Le portable ayant pris chez eux toute la place au point qu'ils ne le quittent jamais des yeux durant l'exercice même de leurs mandats.
N'étant nullement réfractaire au progrès quand celui-ci s'impose désormais comme l'unique manière de toucher un de ces personnages si affairés, j'ai donc pris la liberté d'interpeler fort courtoisement et très respectueusement l'un d'eux pour un sujet de peu d'importance au regard des soucis de l'heure ; je le reconnais bien volontiers. Qu'elle ne fut pas ma surprise de voir ce monsieur me répondre, alors que jusqu'alors, j'avais le sentiment qu'il fuyait ma personne tout comme mes prestations scéniques.
Il s'indignait que je puisse utiliser ce moyen pour interpeler un élu. Le réseau social n'étant pas selon lui l'instance idoine pour une telle pratique ; ce en quoi je ne lui aurais pas donné tort si tous ces semblables ne font que montrer l'exemple, n'ayant de cesse de nous abreuver de leurs pensées intimes, de leurs messages grandiloquents en pianotant sur leur portable pour être entendu de par le vaste monde numérique.
Je le lui fis remarquer, arguant que je me contentais par la même de reproduire la stratégie de ses pairs. Il eut la sagesse de répondre alors qu'il était plus convenable d'user des réseaux classiques et institutionnels pour aborder cette question, ce en quoi je lui en sus gré. Puis j'effaçais la première interpellation, satisfaisant ainsi son désir de discrétion.
Cependant, et naturellement hors de ce cas particulier, il est permis de s'étonner du manque de réciprocité dont souffre le citoyen dans cette communication assénée par des responsables qui s'exonèrent bien vite il me semble, d'une nécessaire tout autant que démocratique communication à double sens. Le mieux serait sans nul doute qu'il cesse d'user des réseaux sociaux à des fins de propagande tant leur manière d'user de la chose relève exclusivement de ce détestable vocable. Quand l'arroseur ne peut être arrosé, le dialogue n'existe pas.
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