L’école de la négritude
Aimé Césaire, le grand petit homme de Martinique, veut sauver son école. A 94 ans, il n’en démord pas : ce lycée qui fête ses 70 ans est celui où il a enseigné de l’âge de 26 ans à l’âge de 31 ans (1939-1944). Il ne veut pas qu’il soit rasé. France 5 vient justement de diffuser un documentaire qui retrace la vie de lutte anti-colonialiste de ce grand poète.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L200xH136/cesaire_200-6e335.jpg)
Le lycée Victor Schoelcher de Martinique doit être rasé et reconstruit en 2008. Le patriarche poète mondialement reconnu, Aimé Césaire, s’y oppose. Il n’accepte pas l’initiative du président du Conseil régional de Martinique de substituer son nom à celui de Schoelcher, l’émancipateur des esclaves, un homme que Césaire vénère parce que, dit-il : "Nous lui devons tout". Il a adressé, le 10 octobre, une lettre à Christine Albanel, ministre de la culture, lui demandant de "classer bâtiment historique le lycée Schoelcher de Fort-de-France le plus rapidement possible". Le projet en cours prévoit que seule la salle des professeurs sera épargnée. C’est là qu’il a dispensé ses cours. On lit sur une plaque de marbre : "Dans cette salle, de 1939 à 1944, a enseigné Aimé Césaire". De cette classe sont sortis Edouard Glissant, Frantz Fanon, Georges Desportes, Joseph Zobel (auteur du roman La Rue Cases-Nègres). Haut-lieu de négritude, le lycée a été tout au long du siècle passé le vivier de l’élite politique, économique et culturelle martiniquaise. Il continue de produire des élites : 93,8 % de réussite au bac en 2007 dont 28 mentions "très bien".
Fort-de-France est la ville dont Aimé Césaire fut le maire pendant plus d’un demi-siècle. Aujourd’hui maire honoraire, il continue de se rendre sur le terrain pour s’informer des problèmes de tous les jours de ses concitoyens. Fort-de-France est aussi la ville où résidera jusqu’à l’âge de 7 ans l’écrivain René Maran (Martinique, 8 novembre 1887 - 9 mai 1960) qui sera le premier noir à obtenir le prix Goncourt en 1921 avec son roman Batouala. Il "est le premier homme de culture noire à avoir révélé l’Afrique. Mieux, le premier homme de culture à avoir emmené le Noir à la dignité littéraire", a dit de lui Aimé Césaire. On sent la fierté du poète pour sa ville, ses habitants et la Martinique. Un reportage diffusé les 9 et 11 novembre derniers dressait un portrait vivant du poète.
Bizutage avec Senghor : dans le documentaire, Aimé Césaire raconte sa montée à Paris en 1931 et sa rencontre avec Senghor. "Je vais me faire inscrire au lycée Louis-le-Grand, rue Saint-Jacques... En sortant du secrétariat, je vois un petit homme noir en blouse grise, une ceinture de ficelle autour des reins... Je le regarde, il me regarde. Il marche vers moi : - Alors, bizut, comment t’appelles-tu ? - Aimé Césaire, de la Martinique. Et toi ? - Léopold Sédar Senghor. Je suis de Dakar ! Il me donne une embrassade : Bizut, tu seras mon bizut !" Les deux hommes seront copains jusqu’à la mort de Senghor. Mais si ce dernier a toujours été passionné de politique, Césaire avoue : "Je suis devenu un homme politique presque sans le vouloir. Je n’ai pas osé leur dire non". Pourtant la bouche de Césaire a beaucoup parlé en faveur de son peuple et des Noirs. Elle ne se résoud toujours pas à se taire : "Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir", dit-il en 2006.
"Il y a toujours ce proverbe africain qui me revient et qui dit : Quand tu ne sais pas où tu vas, rappelle-toi d’où tu viens. En me souvenant d’où je viens, je retrouve la négraille, l’habitation, la rue Case-Nègres, je retrouve mon histoire... C’est ça qui m’a toujours guidé. C’est cela pour moi être noir". Césaire se rappelle qu’il vient du lycée Victor Schoelcher de Martinique...
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