L’Elysée flambe, ou l’art de l’indécence
Cela tombe au plus mal, en pleine crise financière, c’est avec une certaine malice que René Dosière, député de l’Aisne et véritable spécialiste des comptes de la présidence de la République, a rendu public ses conclusions. Après une hausse de presque 8 % l’année passée, le budget de l’Elysée grimpe de plus de 11 % pour l’année en cours, soit près de 20 % depuis le début de la mandature du président Nicolas Sarkozy. Il y a de l’indécence dans ces chiffres, alors que la grande majorité des Français doivent regarder à la dépense, loin de montrer l’exemple, notre premier magistrat augmente son train de vie et celui de sa cour.
Le député René Dosière a de la suite dans les idées, devenu un véritable exégète des comptes visibles de la présidence de la République, il dénonce dans son dernier rapport une hausse de 11,45 % du budget alloué au fonctionnement des services de cette dernière.
Le moins que l’on puisse pointer c’est la non-congruence du chef de l’État qui annonce des économies drastiques pour les comptes de la nation d’un côté, alors qu’en ce qui concerne les comptes de la présidence de la République c’est une flambée sans précédent, un véritable dérapage incontrôlé.
Ainsi, les crédits affectés à l’Elysée pour l’année 2009 grimpent de 11,45 % pour être portés à 112,33 millions d’euros. Soit une progression six fois supérieure à celle du budget de l’Etat, l’examen de ces sommes sera présenté devant l’Assemblée nationale le 13 novembre 2008, ce qui promet quelques sifflets mérités venus des rangs de l’opposition.
Le rapport de M. Dosière, fort espiègle, s’intitule « Le budget de l’Elysée ne connaît pas la crise » et c’est Alain Bashung qui devrait se sentir flatté d’une telle reprise de la part d’un élu du peuple.
Mais revenons à nos comptes, puisqu’il s’agit ici des deniers du contribuable s’il fallait le rappeler.
Les charges de fonctionnement, en augmentation de plus de 25 %, explosent littéralement. Il faut croire que notre président téléphone sans compter, s’équipe en matériel de bureau afin de faire face à de nombreuses tâches administratives, épaulé par une ribambelle de conseillers tous plus dispendieux les uns que les autres. Certes, M. Guaino rédige à tout va et tout le monde travaille d’arrache-pied pour une France « qui ne laisse tomber personne, une France qui est comme une famille où le plus faible, le plus vulnérable, le plus fragile a droit à autant d’amour, autant de respect, autant d’attention que le plus fort », comme le déclamait, entre les deux tours de la présidentielle, celui qui désormais préside au devenir de notre nation.
Mais, non content d’œuvrer sur le territoire national, tout ce beau monde aime à voyager, et en nombre, c’est tellement plus représentatif de ce bel esprit français, comme une réminiscence de l’ancien régime qui entretenait une cour bien peu regardante à la dépense.
Ainsi, les frais de déplacement progressent de 33 %, mais cela doit être dû à la hausse déraisonnable du prix du kérosène. Mais il faut constater combien la diplomatie élyséenne est active, se démenant sans compter pour un monde meilleur, et cela n’a pas de prix, on ne va pas chipoter sur un poste budgétaire primordial qui aura été multiplié par trois depuis la dernière année de présidence du (regretté ?) Jacques Chirac.
Mais ce sont les dépenses en rémunération du personnel qui grèvent le budget de la présidence, voyez-vous, il faut bien que salaire soit versé aux 1 031 collaborateurs du président. Cela représente une dotation de 70 millions d’euros, soit l’équivalent des dépenses en personnel d’une ville de 100 à 150 000 habitants, selon notre député de l’Aisne, qui file ici un bien mauvais esprit, même si c’est là un domaine qu’il connaît parfaitement. Mais bon, lorsqu’on se dépense sans compter pour l’Elysée, il est normal qu’en retour un petit effort financier soit consenti. Aux dorures du palais correspondent des traitements dorés, mais en rien comparables à ces insupportables parachutes cousus de fil d’or. De plus, notre empêcheur de dépenser en rond a l’outrecuidance de se poser la question du nombre réel des fonctionnaires mis à disposition, un certain flou quantique demeurant en l’espèce. Et de se demander « d’où peuvent venir les 150 travailleurs clandestins s’échinant pour le compte de la présidence ? », aucune réponse claire ne lui ayant été faite sur le sujet. Mais de quoi se mêle-t-il cet élu du peuple ? Ce n’est pas parce qu’on est président de la République qu’il est interdit de faire preuve de cachotteries envers ses ouailles !
Quel grossier personnage que voilà, non content d’avoir révélé l’an passé le doublement des émoluments du premier magistrat de France (au nom de la transparence selon le bénéficiaire), le voilà qui persifle et signe en épinglant les comptes forts opaques de l’instance la plus haute de la nation. Et c’est bien cette opacité organisée qui choque notre élu et, quoi qu’en pense ledit palais, il y a matière ici à s’insurger.
En effet, tout cela ne pourrait relever que de l’anecdote si la France ne comptait pas autant de personnes en situation de grande pauvreté, de précaires, de mal-logés et autres trimards du quotidien. Nous n’en ferions pas cas si toutefois la période actuelle pouvait se prêter à un franc optimisme béat d’extase devant une conjoncture qui serait souriante à souhait. Aucun commentaire désobligeant n’aurait été nécessaire si le projet de loi de finances pour l’année 2009 ne présentait pas un déficit d’au moins 50 milliards d’euros, et si la dette publique ne s’élevait pas 1 250 milliards de la même monnaie, soit largement au-delà de 60 % du PIB national, ratio imposé par les règles de Maastricht.
Non, tout cela ne serait pas indécent en des temps où la prospérité serait partagée par le plus grand nombre de nos concitoyens, ce qui est loin d’être le cas, vous voudrez bien en convenir Monsieur le président de la République.
En outre, la transparence ne serait même pas une valeur en hausse auprès des administrés si la gabegie de quelques spéculateurs irresponsables, mais pas coupables, n’avait plombé ainsi le portefeuille de ceux d’en bas.
En tous les cas, sachez, Monsieur le député de l’Aisne, que les contribuables vous savent gré du présent rapport que vous avez commis, auquel cas nous aurions pu parler de véritable loi du silence.
Dans l’attente de vous lire dans le détail [1], et de pouvoir éplucher plus avant la matière émergée des comptes de ce bien beau palais, qui n’ont de cesse de dériver sous le fait d’un prince dont la prodigalité semble refléter tout le mépris adressé à l’endroit de ce brave peuple.
[1] L’argent caché de l’Elysée, René Dosière, préface de Guy Carcassonne
* Illustration Placide
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