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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > La face cachée de la réforme

La face cachée de la réforme

Au départ, il y a une idée intéressante : diminuer le nombre de collectivités locales. A l’arrivée, on retrouve un travers bien connu de l’homme politique : conforter son pouvoir et faire plaisir à ses amis. Et si en plus la famille y trouve son compte, c’est encore mieux.

L’éventualité d’une nomination de Jean Sarkozy à la tête de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Défense (E.P.A.D.) agit comme un révélateur de pratiques politiques. Plus rien ne semble désormais interdit. Après le projet de « Grand Paris » qui n’est rien d’autre qu’une reprise en mains d’un territoire avec des visées électorales évidentes quitte à passer outre aux règles régissant le domaine public des collectivités locales, le placement à la tête de l’E.P.A.D. du fils du Président montre que les enjeux ne sont pas seulement électoraux mais qu’ils s’inscrivent dans une démarche plus large de promotion d’un clan et constitue un geste fort pour le monde des affaires.

La réforme des collectivités locales procède de la même démarche. Au départ, il y a un constat auquel je souscris : trop de collectivités (Région, Département, commune) et d’établissements publics de coopération intercommunale (Communauté de communes, syndicats intercommunaux), sans compter les « espaces de projets » que sont les Pays.

Les défauts du système sont bien connus : les français sont exaspérés par l’augmentation de la fiscalité locale, ils trouvent que le nombre de collectivités locales est excessif et ils critiquent l’enchevêtrement des compétences. Ce n’est pas moi qui le dit, mais le Président de la République lui même (lors de l’installation du Comité pour la réforme des collectivités locales).

En tant que citoyen, lorsque l’on voit ce qui va sortir de cette réforme, on ne peut qu’être déçu. On ne supprime aucun niveau d’administration locale (à part les Pays, mais cela relève de l’anecdote) et on se contente d’un rapprochement entre Région et Département, dont on se doute bien cependant qu’à terme il se transformera en absoption.

Pourquoi un tel décalage, me direz vous entre la volonté et le résultat ?

Cela est dû à la fièvre corporatiste exprimée par les élus de tous bords qui craignaient avant tout de voir disparaître une partie de leur raison d’être, voire de leur métier, terme paradoxal lorsqu’on devrait être avant tout représentant des citoyens.

Cela est dû au fait également que c’est le choix de la voie parlementaire qui a été choisie pour cette réforme et non pas la voie du référendum qui aurait dû s’imposer, en démocratie, afin d’éviter que les élus soient à la fois juge et partie.

Cela est dû surtout au fait que les objectifs recherchés sont loin des préoccupations du quotidien des Français.

Bien évidemment, en appeler à l’électeur pour une réforme qui le concerne directement, outre le fait que cela comporte des risques, n’entrait pas dans le schéma de pensée des initiateurs de la réforme, pour lesquels les enjeux dépassent largement ce débat.

Au départ, il y a bien sûr l’irritation pour le pouvoir en place de devoir composer avec des élus locaux d’opposition qui détiennent la quasi totalité des Régions, la moitié des Départements ainsi que bon nombre de grandes villes et de communautés d’agglomération. Il s’agit donc de mettre en place une stratégie de reconquête qui s’articule autour de deux axes majeurs :

- la réforme de la fiscalité locale

- la réforme du système des élections locales

S’agissant de la fiscalité locale, chacun s’accorde à dire que le système est complexe, injuste, parce qu’il ne tient pas compte des revenus des foyers, et qu’il produit des effets pervers lorsque toutes les collectivités décident d’augmenter leurs taux en même temps (ce qui est le cas cette année).

Sur ce point la déception sera sans doute au rendez-vous car ce n’est pas les impôts ménages (taxe d’habitation et taxe foncière) qui seront au centre du débat, mais la taxe professionnelle payée par les entreprises. L’addition sera salée pour les collectivités locales qui vont y perdre plus de 11 milliards, dont une infime partie sera compensée par l’Etat. C’est comme si c’était fait, le cadeau fiscal a été annoncé et il ne restera plus au collectivités qu’à augmenter les impôts ménages, au risque d’impopularité, si elles veulent continuer à fonctionner.

Le choix n’est pas anodin, cette décision unilatérale de suppression de la T.P. procède elle d’une stratégie politique d’étranglement financier visant à faire accepter la disparition future d’un niveau de collectivité (le Département, en l’occurrence) : ce qu’il n’est pas possible d’obtenir par la voie parlementaire, le sera par le levier financier.

En ce qui concerne la réforme du système des élections locales, là aussi, c’est comme si c’était fait. Les élections seront à un tour et favoriseront le parti de rassemblement le plus important, afin d’éviter à l’UMP de devoir affronter les seconds tours alors qu’elle ne possède aucune réserve de voix, contrairement aux autres partis, par le jeu des désistements et des reports. On ne doute pas un seul instant que les parlementaires de la majorité voteront comme un seul homme cette réforme qui leur permettra de reconquérir des parts sur le « marché des collectivités locales » en espérant par ailleurs que l’augmentation des impôts locaux largement attribué à la gauche en place, leur profitera également, par lassitude des contribuables.

Voilà, la réforme des collectivités locales n’est qu’un prétexte pour la reconquête des territoires par l’U.M.P., la distribution de prébendes aux amis, et pour faire plaisir au Medef. Triste constat !


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7 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 13 octobre 2009 13:49

    oublions les « socialos »
    un tour veut dire aussi que seul les majoritaires pourront etre elus
    donc disparitions des petits partis


    • Michel DROUET Michel DROUET 13 octobre 2009 15:08

      C’est exactement cela. Je n’ai pas visé expressément les socialistes comme perdant avec cette réforme.


    • foufouille foufouille 13 octobre 2009 16:15

      ce qui revient donc un UMPS, avec quelques coins communiste ou FN
      une democratie presque chinoise


    • Cartman 13 octobre 2009 17:38

      Les « territoires » FN n’existent plus, et avec cette réforme, les territoires communistes seront absorbés par leur voisins PS ou UMP (par exemple Aubagne par Marseille).


    • marignan155 13 octobre 2009 17:36

      Ayant visionné M. Fabius sur dailymotion pour me rendre compte de son humour à propos de Jean dit l’EPADant, j’ai entendu (index à 03:24) que les départements / régions ne pourront plus verser de subventions aux associations

      cela ne semble pas rencontrer d’écho alors que son trait d’humour (à écouter en entier jusqu’à « redevenons sérieux ») donne lieu à des commentaires

      alors bobard ou réalité ?



      • Michel DROUET Michel DROUET 13 octobre 2009 19:26

         Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire le projet de loi, mais M. FABIUS a tellement utilsé la langue de bois lors de cette interview, que j’hésite à prendre cette info pour argent comptant.
        De toute façon, on peut faire confiance aux élus (les sénateurs en particulier) pour détricoter le texte et supprimer cette proposition, si elle existe.
        Il peut s’agir par ailleurs d’un leurre législatif - sur lequel les élus vont s’exciter, et dont ils obtiendront la suppression - destiné à faire passer d’autres dispositions plus importantes.
        La pièce est écrite, la mise en scène est prête, reste à passer à la représentation.

        PS : Pour ma part, je n’ai pas apprécié le propos de FABIUS sur l’absence de diplôme du fils de.... J’ai trouvé ça injurieux pour les élus de base. J’ai posté un article sur le sujet (en cours de modération)


      • Michel DROUET Michel DROUET 14 octobre 2009 09:45

        à marignan 155
        Je n’ai rien trouvé sur le sujet dans ce que j’ai pu lire jusqu’à présent.
        Peut-être que le suppression de la clause générale de compétence pour les Régions et les Départements aboutirait-elle juridiquement à cette interdiction ?
        Après avoir réecoutée l’intervention de Fabius, j’observe dans ses propos, que ce soit sur les subventions ou bien l’augmentation des impôts locaux conséquence du projet de réforme, une tonalité catastrophiste évidente qui tourne à la caricature.
        J’en déduit pour ma part une volonté évidente de faire peur et d’instrumentaliser les citoyens.
        Les parlementaires qui cumulent avec un mandat local, et il sont très nombreux, justifient ce cumul par la nécessité d’un ancrage local pour connaître les réactions du terrain.
        Demandons leur par conséquent d’organiser des débats citoyens sur le sujet de la réforme des collectivités locales. On évitera ainsi la langue de bois qu’on nous sert par médias interposés. 

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