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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > La formation des magistrats : réflexion sur les modalités d’installation

La formation des magistrats : réflexion sur les modalités d’installation dans le premier poste

L’une des options plausibles pourrait être, à la sortie de l’ENM, de différer la prise du premier poste, et de placer les jeunes magistrats dans un statut d’assistant, auprès de magistrats plus expérimentés. Des dossiers leur seraient confiés, ils disposeraient d’une délégation de signature, mais exerceraient sous l’autorité et le contrôle d’un juge plus ancien dans la fonction, à qui en cas de difficulté reviendrait la décision finale à chaque étape de la procédure. Autrement dit, le juge plus expérimenté pourrait reprendre la main en cas de besoin.

NDLR de LPLM : la formation revient sur le devant de la scène comme étant potentiellement responsable de décisions injustifiées, à ce titre l’association [ Les Papas = Les Mamans ] avait remis un dossier au ministère de la Justice sur les dysfonctionnements de la justice. Les magistrats sont eux-mêmes conscients de cette faille dans le processus de formation, et il est temps de regarder ensemble comment les choses pourraient être améliorées pour le bénéfice de tous...

Depuis l’affaire dite d’Outreau, nombreux sont les commentaires sur la compétence des magistrats. Un jeune juge d’instruction ayant été pris dans une tourmente judiciaire, médiatique puis politique, bien des personnes se sont interrogées, à juste titre, sur le parcours de ceux qui sont susceptibles, à un moment ou un autre, de tenir leur sort entre leurs mains et de prendre des décisions dont les conséquences peuvent être extrêmement graves.

Dans une démocratie, il est tout à fait normal que tout un chacun, justiciable en puissance, souhaite savoir quelles sont les aptitudes des magistrats, et il est tout autant acceptable que les responsables politiques cherchent à améliorer ce qui peut l’être dans leur formation. Mais encore faut-il que les termes du débat soient correctement posés.

L’un des aspects de ce débat concerne l’âge des magistrats qui débutent et qui, cela est exact, peuvent être nommés dans une fonction délicate (juge d’instruction, juge aux affaires familiales, juge des enfants...).

Le jeune âge n’est pas en soi un élément conduisant inéluctablement à un travail de moindre qualité. Si la plupart des magistrats nommés sur un premier poste ont effectué quatre années d’études de droit après le baccalauréat, ont pour certains suivi une préparation au concours, puis ont passé environ deux années à l’ENM, et dès lors débutent aux alentours de 26 ans, cela correspond également à l’âge de prise de fonction de médecins, d’enseignants ou de commissaires de police, qui ont des responsabilités aussi importantes. Et au delà, chacun sait que dans tous les métiers il existe de jeunes professionnels compétents, faisant preuve d’une grande ouverture d’esprit, soucieux en permanence de se perfectionner, ouverts aux critiques, et des plus anciens obtus, vivotant sur des acquis d’autrefois, et dont les prestations ne sont pas des meilleures.

Mais si le bagage juridique de départ peut suffire, ce que le jeune âge ne permet pas d’avoir, c’est un minimum d’expérience professionnelle. Or dès sa première semaine de fonction, un magistrat débutant peut se voir confier un dossier particulièrement compliqué, émotionnellement difficile à gérer, dans lequel les participants à la procédure, quels qu’ils soient, cherchent à l’influencer et à le conduire dans des directions radicalement opposées, quand ce n’est pas la présence d’une presse dont l’objectif principal n’est pas le traitement serein d’une procédure judiciaire. Et cela peut se transformer en une succession de pièges pour le jeune magistrat débutant, comme il semble que cela ait été le cas pour l’affaire dite d’Outreau.

En plus, certains des magistrats qui sont nommés sur ces postes difficiles se retrouvent seuls à exercer la fonction dans leur tribunal, de petite ou moyenne taille, comme il en existe encore dans des villes de moindre importance. Il leur est alors impossible de solliciter l’écoute et l’aide d’un autre juge exerçant dans le même service. Mais même si, comme cela est parfois proposé, chaque service était composé d’au moins deux magistrats, cela ne suffirait pas à résoudre les difficultés rencontrées, car quelques conseils ne permettent pas à eux seuls de gérer une procédure quand les obstacles apparaissent élevés.

C’est pourquoi l’une des options plausibles pourrait être, à la sortie de l’ENM, de différer la prise du premier poste, et de placer les jeunes magistrats dans un statut d’assistant, auprès de magistrats plus expérimentés. Des dossiers leur seraient confiés, ils disposeraient d’une délégation de signature, mais exerceraient sous l’autorité et le contrôle d’un juge plus ancien dans la fonction, à qui en cas de difficulté reviendrait la décision finale à chaque étape de la procédure. Autrement dit, le juge plus expérimenté pourrait reprendre la main en cas de besoin. Ensuite, les jeunes magistrats qui prendraient cette fois-ci seuls leur premier poste, auraient déjà traité de nombreuses procédures, et auraient expérimenté diverses façons de faire face aux soucis majeurs.

Il pourrait aussi être intéressant de parfaire cette phase d’assistance par une période de travail au sein d’une Cour d’appel, dans les mêmes conditions. Ainsi, des magistrats en fonction depuis encore plus longtemps pourraient échanger sur leur expérience professionnelle, et apporter à leur tour d’autres repères au débutant.

Ce temps de travail comme assistant permettrait aussi aux jeunes magistrats de faire plus ample connaissance avec l’environnement humain, économique et social dans lequel ils vont devoir plonger, et qui pour certains leur est étranger. Cela permettrait de faire la chasse aux préjugés, aux opinions hâtivement émises, aux regards trop critiques et insuffisamment compréhensifs, à la crainte parfois de ce qui est trop différent.

A ce titre, un stage dans un cabinet d’avocat, actuellement envisagé à l’occasion du débat parlementaire sur la formation et la responsabilité des magistrats, pourrait permettre aux jeunes magistrats de voir les justiciables sous un angle totalement différent. Sous cet aspect, cette proposition est intéressante.

En tout cas, la critique concernant le manque d’expérience des jeunes magistrats ne peut pas être écartée d’un revers de manche, car, même si dans certains cas elle n’est pas dépourvue d’arrière-pensée (ce peut être une façon très hypocrite de contester les décisions d’un juge qui ne satisfont pas un justiciable ou son avocat), elle est souvent fondée.

Notons pour finir que l’arrivée dans la magistrature de personnes plus âgées ayant déjà eu une autre expérience professionnelle (le recrutement externe s’est considérablement développé ces dernières années) ne permet pas de considérer que cette période de formation complémentaire est inutile. Tout dépend du profil du nouveau magistrat et des fonctions auparavant exercées.

Source : Huyette.net site dont les rédacteurs sont des magistrats, dont Michel Huyette.

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6 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 30 avril 2008 12:54

    l’age c’est pas le probleme

    ils se font "juger" par leurs pairs

    plus de 90% des eleves sont issus de la "bourgeoisie"

    ils ne sont pas non plus specialiser ni impartial

    ils servent le pouvoir et protegent riche et politiciens

    ils sont aussi peu nombreux qu’avant

    avec 100 000 texte de lois........


    • judel.66 30 avril 2008 16:06

       

      les papas =les mamans.......d’où sortez vous ?....le nom de votre groupe de réflexion est interessant comment reçoit on une doc d’adhesion...

      cela dit , il aurait du etre bien evident au ministère de la justice qu’un jeune magistrat sortant de l’ENM n’était pas en mesure de juger en père ou mère de famille...et cela depuis longtemps...mais , mais , mais il y a trop , trop , trop de magistrats , et plus encore aulourdhui qu’hier , dont le seul souci est ,au plus vite , de passer au siège et ainsi de fuir les responsabilités et les astreintes.....

      c’est bien pour cela que l’on nomme juge d’instruction une petite jeune fille de 22 /24 ans sans aucune expérience et que l’on n’hésite pas a la mettre face a des gangsters chevronnés et a des avocats douteux...

      vous avez donc entièrement raison de dire qu’il faudrait a la sortie de l’ENM répartir les jeunes magistrats comme assesseurs dans des tribunaux divers où ils pourraien t , pendant au moins 3 ans , se roder et , faut il le dire , se blinder ! ....

      faut il aussi dire que le programme du concours et plus particulièrement les titres nécessaires pour le présenter devraient etre revus.......est il normal que l’ENM actuelle soit devenue , sinon le depotoir des ratés des facs de droit , au moins le dépotoir des ratés de l’ENA.....( voir outreau ...juge burgeau...).....c’est ainsi que l’on voit arriver des magistrats n’ayant aucune formation de droit civil ..., ayant echoué ""ailleurs" et s’etant finalement résolus a présenter la magistrature.......bien sur ....il y a encore quelques grands crus a l ’ENM mais combien de petits......et dans quelle proportion.......

      est il normal , faut il le dire aussi , que l’on puisse présenter le concours sans ""au minimum""une maitrise de droit privé et je dis bien , de droit ""privé""......

      faut il le dire aussi , est il normal qu’un jeune magistrat soit si mal rétribué.....si l’on veut des bons postulants il faut des traitements incitatifs.....


      • foufouille foufouille 30 avril 2008 18:04

        a outreau parait que 70 magistrat se sont occupes de l"affaire".......


      • Les Papas = Les Mamans Les Papas = Les Mamans 30 avril 2008 21:55

        Bonjour Judel 66, notre "roupe de réflexion" est une association loi 1901 vous pourrez trouver la présentation de l’assos ici : http://www.lplm.info/spip/spip.php?article69 et les formulaires d’adhésions ici : http://www.lplm.info/spip/spip.php?article57

        Notre but (entre autres) est de sensibiliser le public aux thématiques de la parentalité en droit, mais aussi dans la vie courante, au quotidien.

         

        Pour nous découvrir un peu plus notre site est à votre disposition : http://lplm.info

         

        Merci de votre intérêt

         

        Cordialement


      • hihanhihanhihan hihanhihanhihan 30 avril 2008 18:52

        Voici ce qu’écrivait en octobre 2006 Philippe BILGER :

        -

        -5. L’Ecole nationale de la magistrature

        ignore la réalité du terrain.

        - Les étudiants y ont un bagage universitaire de plus en plus considérable. Mais on ne leur a pas enseigné le savoir-vivre, la tenue, en un mot, l’allure. Ce qui me gêne, ce n’est pas l’immensité du pouvoir qu’on leur confie mais qu’on ne leur en donne pas le mode d’emploi. Il faut être attentif à ce que le pouvoir peut receler de malfaisant si des médiocres en font usage. N’oublions pas non plus l’approfondissement de la culture générale qui seule fera la différence entre un magistrat passable et un grand magis­trat capable d’aborder le judiciaire par les voies subtiles de la culture.

        - Certes, il a beaucoup évolué dans ses prises de positions.

        - Mais là, il touchait à la vérité.

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