La France a peur
Pardonnez-moi d’emprunter à Roger Gicquel sa plus célèbre maxime, mais depuis que j’ai repris un poste de télévision, après une séparation de plusieurs années, c’est le triste spectacle, dont nos chaines de la TNT tendent à nous faire croire.
Ou c’est surement la direction qu’elles désirent nous faire prendre, au travers des documentaires qui polluent en ce moment nos médias.
Je fais référence à ceux qui ont pignon sur rue. « 90 minutes enquêtes », « Reportage », « Contre-enquête » « Enquête exclusive » « 66minutes » etc tous ont en commun de délivrer un message sur l’insécurité traiter sous un prisme identique.
En gros, une équipe de reporters passent quelque temps (jours et nuits) en compagnie d’une brigade de police, qui pourchassent sans répits les méchants, pour un résultat maigre. Il y a des variantes, mais comme tous les films hollywoodiens, tout semble cousu de fil blanc.
Reprenons donc les ingrédients qui font les meilleurs scénarii !
Les gentils
A tout seigneur tout honneur, la police :
Qu’elle soit municipale, nationale – spécialisée type B.A.C – ou encore mieux G.I.G.N — G.I. P.N., elle est l’assurance des meilleurs shows.
Ensuite, il y a la version pompiers :
C’est vrai que c’est gentil un pompier, ça vient toujours quand on sonne, et ça ramasse, sur la tronche, des frigos lancés du 10e étage, et sans moufter.
Quand Carole Rousseau n’est pas en forme, c’est avec le S.A.M.U. qu’elle balance sa dose de frayeur sur l’hexagone.
Les méchants
La aussi comme pour faire les meilleures soupes, il faut les meilleurs ingrédients, et pour que cela fonctionne à merveille il faut :
Les bandes :
Elles doivent être nécessairement métissées tout d’abord. Bougnoules, nègres, et un blanc, c’est le matériau composite de base, et ça c’est très prisé. Ils doivent être forcément floutés et parler un langage bizarre, que seul l’initié peut comprendre.
Les « ta race », « je nique ta mère », « fils de pute », « pédé » et enfin « salope » doivent à un moment ou un autre intervenir.
Ce qui est lassant aussi c’est qu’il semble tous avoir la même costumière. Survêtement, basket et casquette sous une capuche sont l’accoutrement qui passe sans doute le mieux devant la caméra.
Le contexte :
Là où cela marche le mieux, c’est à la suite de mouvement populaire. Rien de mieux que de rependre la parole divine sécuritaire d’un Hotrtefeux à la suite d’une émeute ou d’une révolte banlieusarde.
L’été aussi est très propice aux docs de ce genre. Surtout lorsqu’il s’agit de la protection des villas pour les riches qui viennent en villégiature sous le soleil de la Méditerranée. Les nudistes que l’on pille ça c’est bien, très bien même. Ceux que l’on dépouille sont privilégiés, et si la nana est sexy, alors on obtient la quinte royale.
À la rentrée et à l’automne, on aime bien les trafiquants, et si ceux-ci sont métèques ou Roms c’est pain béni.
Le lieu :
Ah le décor cher à Donald Cardwell des pièces d’« Au théâtre ce soir » comme il est importantissime ! Un scénario, aussi tragique soit-il, ne vaut rien sans une bonne banlieue. Avec plein de tours autour. Des prises de vue sur des cages d’escalier ou des caves qui schlinguent que même devant ton poste tu peux en sentir les nauséeux parfums.
La zone industrielle est un second choix, comme la bavette que l’on s’offrirait chez le boucher, alors que le rôti est trop cher. Planques, filatures, courses poursuite … dose d’adrénaline pour tenir en éveil le beauf moyen. Et le clou étant d’annoncer cela avant la coupure pub. Faut bien rentabiliser tout cela, mon brave monsieur.
Et si cela n’est pas encore assez on peut compter sur Michel Drucker, qui en bon laquais sarkozyste, nous vantera ici les mérites de la marine nationale, là le peloton de la gendarmerie motocycliste de l’Élysée, ou de nos chers soldats qui combattent le terroriste dans les montagnes afghanes.
Le terroriste sur le sol national lui il peut dormir, en général il est soit dans « C dans l’air » ou au « 20 h 00 » de chez Pujadas, monsieur Laisse d’or 2010. Invisible, barbu et sale il doit s’endormir vers 20 h 30, et ne présente que peu d’intérêt pour les annonceurs, passé ce délai.
Ce qui me fait vomir, c’est cette surabondance vulgaire traitée dans un genre qui est noble. Le documentaire est complètement galvaudé. Au même titre qu’Endémol fabrique désormais toutes les émissions affligeantes, censées nous divertir, les patrons de chaines déversent des flots continus bien en dehors de la réalité, de ce que nos vies côtoient au jour le jour.
Des actes d’incivilités, de délinquances, de petites criminalités … bien entendu que cela existent et doivent être combattus et punis comme il se doit, mais nous faire croire que la France ce n’est que cela, est pour le moins honteux, et hormis vouloir jouer le jeu du pouvoir en place, je ne vois pas à quoi d’autre cela peut servir. En tout état de cause, pas à nous informer proprement.
Car si tel avait été le cas, il y a toute une délinquance financière qui mériterait aussi le même traitement. Car celle-ci fait encore bien plus de dégât, et c’est sans doute elle qui est à l’origine de celle dont nous abreuvent nos faiseurs d’opinions abjects.
Je sens que je vais encore débrancher ma télévision, car hormis le fait qu’elle ait empirée, je ne vois pas bien ce qu’il y aurait à sauver ou à regarder.
A peluche
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