Et bien, etonne, Voici peut-être de quoi réhabiliter au moins partiellement cet article :
1) A supposer que l’une de vos critiques soit fondée ou même que l’intégralité de l’article se présente comme un recueil de présupposés, vous aviez toute latitude pour dépasser cette critique et entamer le débat sur des bases plus solides qui soit corroborent, soit démentent les assertions de notre ami marc.
2) Marc écrit précisément que « les faits divers (...) relatent (...) que (...) la culpabilité est plus probable que l’innocence ». Les faits divers n’étant rien d’autre qu’une rubrique de presse, votre correction n’est qu’une reformulation exacte de la citation, que vous aurez donc mal lue ou mal comprise.
3) si la deuxième affirmation que vous isolez mériterait effectivement d’être un peu étayée par des chiffres, des études ou des arguments démonstratifs, vous pouviez faire au moins l’effort, puisque vous prétendez l’écarter, d’apporter au moins un argument contraire dans les formes que vous auriez souhaité lire, c’est à dire avec des arguments ou des chiffres.
Puisque les thèmes évoqués, nous en sommes d’accord, méritent des développements, je vous propose de les enrichir par les bases de réflexions suivantes :
- les bases de la démocratie sont que les citoyens sont libres. Que tous les criminels ne soient pas en prison, c’est plus qu’une normalité : c’est une garantie que notre démocratie fonctionne bien, elle qui doit garantir que, d’abord, on n’enferme personne avant qu’il ait commis un crime, qu’ensuite on n’enferme personne avant d’avoir établi sa culpabilité à la suite d’une procédure contradictoire, et qu’enfin on le relâche une fois sa peine accomplie (où un peu avant, si les conditions d’une libération anticipée sont remplies). Qu’il y ait des criminels en liberté est donc parfaitement normal, quoi qu’en disent certains instituts qui se prétendent « pour la justice ».
- parmi les criminels en liberté, on compte aussi ceux qui ne se sont pas fait prendre, ceux dont les crimes n’ont pas encore été découverts, ceux dont les crimes sont prescrits, ceux qu’on a relâché faute de preuve, ceux pour lesquels les indices de culpabilité étaient insuffisants ou peu probants. On peut le regretter, mais tout ça résulte de lois démocratiquement adoptées, et qui, si elles ne garantissent pas que tous les criminels soient en prison, sont supposées garantir au moins qu’aucun innocent n’y soit.
- à ce stade, il convient effectivement d’indiquer que les criminels commettent leurs méfaits en leur seul nom propre et n’engagent que leur responsabilité. La peine d’emprisonnement, elle, est prononcée au nom du Peuple Français. Si vous en faites partie, c’est donc en votre nom aussi que des innocents risquent d’être mis en prison. Personnellement, lorsque j’apprends qu’un criminel a frappé, voire a récidivé, je ne m’en sens pas responsable. En revanche, quand une justice rendue en mon nom met un innocent en prison, là, je m’en sens responsable, et même coupable.
- les contraintes de procédure et le respect absolu des droits de la défense ne sont pas conçus pour empêcher la Justice de faire son œuvre, mais au contraire pour s’assurer que la Nation ne prive pas certains de ses membres de liberté sans avoir la certitude de sa culpabilité.
- et malgré toutes ces précautions, il y a encore des erreurs judiciaires. On ne désigne pas par ces termes le fonctionnement normal des institutions qui relâche des personnes dont on est incapable de prouver la culpabilité, mais bien le scandale absolu d’un innocent enfermé. On a encore des Marc Machin et des affaires d’Outreau. Et bien que se soit inacceptable et scandaleux, on a encore des mouvements « pour la justice » qui s’autoproclament « instituts », pour réclamer qu’on se dispense de procédures, qu’on abandonne des garanties, qu’on amoindrisse les droits de la défense, qu’il ne soit tenu compte des erreurs de procédures que quand elles profitent à l’accusation, et que toutes les victimes se pâment d’orgasme en entendant la sentence pénale « réparatrice »... (je rappelle que la seule sentence vraiment réparatrice pour les victimes n’est certainement pas la sanction pénale mais bien la sentence civile, c’est à dire, la réparation du préjudice par des dommages-intérêts).
- L’explication de ces erreurs judiciaires, c’est justement les excès et les pressions largements médiatisées de cette vindicte populaire imbécile qui fantasme l’arrestation de tous les criminels, et qui, pour atteindre cet idéal, serait prête à enfermer, avec eux, autant d’innocents que nécessaire. C’est cette juste compassion pour les victimes quand elle conduit à souhaiter leur livrer un coupable à tout prix, et à considérer que leur plaisir, leur satisfaction, leur tranquillité, leur apaisement et « la reconnaissance de leur statut de victime » vaut bien statistiquement, quelques dommages collatéraux comme l’incarcération de quelques innocents. C’est cette dangereuse conception d’une justice préventive, vue comme celle qui pourrait enfermer les criminels avant qu’ils ne commettent un crime, sans s’apercevoir que c’est très exactement synonyme d’enfermer des innocents. C’est d’ailleurs le même élan liberticide qui, poussé à l’extrême, conduit à l’eugénisme en ce qu’il devrait éviter la naissance même de criminels « potentiels », sans comprendre que si la transgression nait d’un gêne, c’est à lui aussi qu’on doit les explorateurs, les découvreurs, les inventeurs, les artistes et les résistants à l’oppression. A l’exact opposé, le gêne de l’angoisse sécuritaire et du conformisme, à supposer qu’il existe, donnerait aussi d’excellents collabos et alimenterait toutes les foules de lyncheurs, tous ceux qui réclament qu’on remplace la force de chose jugée par la force de leurs pré-jugés.
Il faut se méfier de ceux-là. Peut-être convient-il de graver, à cet effet, aux murs des salles de délibérés, cette citation de Nietzsche : « Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. »
C’est pourquoi quelles que soient les faiblesses éventuelles des assertions de marc, le débat qu’il ouvre est particulièrement intéressant et son positionnement personnel me semble le bon, jusqu’au titre de son article qui pose effectivement la bonne question « au nom de qui ou de quoi rend-on la justice ? », et qui aboutit logiquement à l’horreur de la découverte que les erreurs qu’elle commet le sont en notre nom.
Bien à vous,
L’Ankoù