La neige, complice de la guerre des classes
La preuve par l’absurde.
Il neige sur le pays et voilà que toute son organisation en est chamboulée. C’est sans doute le propre d’une grande nation que de ne pas savoir répondre aux impondérables, surtout quand ceux-ci s’inscrivent dans l’ordre naturel des choses avec de plus un caractère bêtement saisonnier. De tels imprévus ne sont sans doute pas dignes d’intérêt pour être examinés dans les grandes écoles qui forment nos élites, celles-là même qui patinent aussi aisément dans la choucroute que dans la neige fraîche.
À chaque épisode neigeux son lot de naufragés de la route, pauvres erres abandonnés sans que rien ni personne ne viennent à leur secours, de réfugiés dans des gymnases réquisitionnés et de détresses diverses et frigorifiées, sans oublier hélas les inévitables « sans-domicile » que curieusement les médias en se préoccupent qu’à cette occasion. Il faut bien alimenter le journal télévisé, celui qui se nourrit de la misère du monde en étant particulièrement gourmand de celle de proximité.
Nous avons tous quelques épisodes en tête de cet inénarrable marronnier de la chute de neige. C’est du pain béni pour l’audimat à la condition d’être rentré à temps pour allumer son petit écran. Il n’est d’ailleurs qu’à voir tous les messages cotonneux sur les réseaux sociaux pour se rendre compte que tout le monde tombe dans le panneau et les congères.
Je viens à mon tour déverser mes flocons ennuyeux, ceux qui s’amusent à entraver notre chemin, avec un fait qui touche si peu de monde qu’il a dû passer inaperçu. Mardi 6 février alors que le général hiver (selon la métaphore coutumière) lançait ses bataillons sur de nombreux départements, un examen avait lieu dans nos lycées : « La certification Cambridge ». Rien de très spectaculaire, pas de quoi fouetter un chat ni même de faire la une des journaux.
Cependant 17 départements décrétaient de ne pas faire circuler les transports scolaires selon la désormais habituelle stratégie du parapluie. Il est possible de louer ce principe de précaution s’il est en cohérence avec la grande machinerie administrative. C’est ainsi, qu’apprenant la chose, une mère de famille soucieuse de l’avenir de son rejeton appelle le service vie scolaire d’un lycée qu'il ne m’appartient pas de citer.
Là-bas, fort de la décision des élus départementaux, le correspondant lui affirme que naturellement la certification sera reportée et qu’il n’est pas besoin de prendre des risques inutiles pour venir déposer son enfant à l’école. Il convient de préciser que c’est un élève issu d’une zone rurale et qui aurait dû effectuer trente kilomètres dans des conditions délicates. Rassurée, la femme prend son temps pour se rendre à son travail, attendant que les routes soient dégagées.
Mais voilà qu’elle apprend - par le truchement d’une collègue de travail dont la fille, dans le même lycée a passé la sus-dite certification - qu'il a bien eu lieu en dépit des conditions et des nombreux absents. Après une correspondance avec le proviseur, un mail d’un subalterne a confirmé l’information et tenté d’apporter un peu tard des explications. En voici le contenu exact :
« La non circulation des transports scolaires a en effet perturbé le fonctionnement du lycée. Le report du bac blanc, ainsi que le mouvement social national, ont ajouté de la confusion dans les informations transmises. Concernant la certification Cambridge, les services du Rectorat ont contacté le ministère dès ce matin pour poser la question de l'annulation éventuelle de l'épreuve, cette certification étant nationale. Nous avons reçu la réponse à 9h 15 (maintien de l'épreuve), et donc fait passer l'épreuve aux 47 élèves présents, sur les 86 attendus. Ces chiffres ont été transmis, et nous attendons les consignes pour les 39 élèves absents ce matin pour raison de non transport. Nous vous en aviserons dès réception. »
Ainsi, on peut apprécier le peu de considération qui est accordée au ministère pour les élèves ruraux, empêchés par un cas de force majeure de se rendre au lycée. Ce fait, pour anecdotique qu’il puisse être sauf à être directement concerné par ce coup de Jarnac, est la parfaite illustration du mépris auquel sont habitués les gens de la campagne. C’est bien évidement le paradigme de la France en Marche, celle qui se soucie si peu des gens du peuple, des culs terreux et des bouseux.
Je voulais mettre en lumière cet incident aussi regrettable que symptomatique. Il n’y a plus aucune coordination entre ceux qui interdisent le transport scolaire et ceux qui sont en charge de la gestion de l’enseignement. Tout cela ne pourra naturellement que s’arranger avec la réduction promise du nombre de fonctionnaires. La guerre des classes est entamée, malheur à qui vit loin des centres de décisions et des grandes villes. De toute manière, comme l’ascenseur social est à l’arrêt, ceci ne peut que servir les desseins de la caste en place.
Congèrement leur.
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