La première dame
Érigeons-lui une statue.
La modernité est en marche, notre pays progresse à grands pas dans le grand n’importe quoi ! Nous avons quelques gros cailloux dans nos chaussures et certains semblent s’en satisfaire, admirant plus encore ce grand personnage qu’ils ont élevé au pinacle. C’est, je crois à juste raison, qu’ils peuvent ainsi vénérer celui qui du haut de la fonction suprême, ose intervenir pour féliciter un club de football de porter à son paroxysme la traite humaine. Pire que tout, la Tour Eiffel, symbole désormais peinturluré à toutes les sauces, s’est drapée une nuit aux couleurs et à la gloire des ennemis des femmes et de la liberté de conscience.
Mais tout cela n’est que broutille en comparaison du dossier essentiel qui captive la nation toute entière. Les conversations bruissent de la nouvelle, le gentil banquier lisse veut ériger une statue à l’effigie de sa charmante épouse sur la place de la République et empêcher ainsi les insoumis d’investir à nouveau l’endroit. Imaginez donc Jean-Luc, haranguant la foule avec derrière lui, une rombière en marbre quoique cette matière ne servirait pas la réputation sulfureuse de la dame, portant une tenue inadéquate pour battre le pavé parisien.
Soyons beaux joueurs et reconnaissons au gentil Emmanuel sur ce coup-là (la statue pas la dame) une immense qualité de stratège. Juste avant de mettre à bas les lois sociales, il prépare astucieusement le terrain afin de briser la dynamique habituelle qui pousse les contestataires atrabilaires à pérégriner de la Bastille à République.
La belle Brigitte, figée pour l’éternité sur son piédestal va certainement en refroidir plus d’un. Se prosterner devant la donzelle n’a rien d’exaltant et même en brandissant les banderoles de la colère, la vue n’a rien de palpitante. C’est donc un joli coup politique que voilà avant que la rue ne connaisse ses prochaines ébullitions syndicales.
Quoi ? j’ai commis lourde méprise orthographique et sémantique ? Il n’est nullement question de statue mais de statut ? En la circonstance, j’avoue ne pas saisir la nuance tant la chose me parait absurde, déplacée, indécente, ridicule et même parfaitement scandaleuse. Il y aurait donc dans ce pays une première femme adoubée par celui qui se prend pour le premier homme. Si ces deux-là sont les nouveaux Adam et Ève de la création de l’homme nouveau, nous allons vite stopper l’expansion démographique à l’échelle de la planète...
Une première dame, la belle affaire. Ce terme suppose immédiatement que les suivantes sont des femmes de second rang appartenant à une sous-espèce selon Saint Emmanuel et sa clique en procession. D’autre part, que deviendrait ce statut si par extraordinaire dans un pays aussi machiste, une femme accédait à la présidence ? Il faudrait alors réunir le congrès à Versailles pour modifier la farce et faire de la première dame un premier homme digne de son modèle initial.
Puis, si les mœurs évoluent au pays de Montaigne et La Boétie, que faire et comment nommer alors le compagnon ou bien la compagne d’un président ou d’une présidente homosexuel ? Les sénateurs s’arracheraient les derniers cheveux qui leur restent pour trouver la formule adéquate ? Le premier mignon en somme nous replacerait ainsi dans les glorieuses turpitudes de nos monarques d’alors.
Tout ceci ne semble si dérisoire tant les attaques à notre modèle social se doublent désormais d’une chasse impitoyable aux économies qui ne touchent que les plus modestes. La preuve est faite, avec cette mascarade de la première dame, qu’il y a de l’argent pour les frasques des uns et des clopinettes pour tous les autres. La comédie du pouvoir en tout cas a trouvé avec ces deux-là l’expression la plus parfaite de l’indécence de la caste politique.
La République était en marche, simplement pour élever ce socle ridicule sur lequel notre pitoyable premier personnage veut installer celle qui l’a créé sans l’engendrer. Un nouveau miracle de l’immaculée conception qui valait bien sans doute un vote solennel pour une loi essentielle. Fort heureusement, le ridicule ne tue pas sinon la dame aurait droit à des obsèques nationales. Nous ne perdons rien pour attendre, chaque chose venant à temps !
Donzellement sien.
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