Les excellentes raisons de l’excellence finlandaise
Enseignement à la carte : cercle vertueux.
Tronc commun hypertrophié : cercle vicieux.
Les excellentes raisons de l’excellence finlandaise
A - Humanisme ou obscurantisme : une affaire de sociopsychologie
Dans toute société, les individus sont à la fois solidaires et concurrents.
S’ils se perçoivent réciproquement comme concurrents, étant donné que le savoir est considéré comme le fondement du pouvoir, chacun souhaite que tous les autres aient le savoir le plus réduit possible. La société fait alors plus ou moins inconsciemment le choix de l’obscurantisme.
Si, au contraire, les individus se perçoivent réciproquement comme solidaires, chacun souhaite que tous les autres soient les mieux formés possibles, de manière à pouvoir contribuer le plus efficacement possible à l’intérêt général. La société fait alors le pari humaniste.
B - Concurrence et intellectualisme délirant : un vieil héritage de l’enseignement français
La concurrence est une donnée essentielle de l’enseignement français pour bien des raisons.
D’abord, suivant une considération héritée de l’ancien régime, la scolarisation a essentiellement pour fonction de consacrer l’appartenance à une caste de privilégiés. C’est ainsi que la promotion sociale individuelle a constitué le fond de commerce de la motivation des élèves pendant une période assez longue où le nombre de diplômés était inférieur aux besoins correspondants.
Un autre héritage malheureux de l’ancien régime n’est plus dans la fonction sociale de l’enseignement, mais dans son contenu. Celui-ci est censé faire échapper les heureux élus aux activités considérées comme roturières. Pas plus qu’ils ne doivent se salir les mains, les aristos ne doivent se salir l’esprit avec des considérations bassement matérielles. D’où un intellectualisme débridé qui se retrouve un peu partout dans les programmes, comme dans le jargon des pédagos.
C’est ainsi par exemple que les problèmes de certificat d’études ont été remplacés par "la mathématique moderne" vers 1960. Les ouvertures vers les activités manuelles ou technologiques sont souvent prétextes à une rhétorique exceptionnelle, alors que l’organisation matérielle du travail proposé aux élèves est beaucoup plus aléatoire.
C - Le tronc commun hypertrophié et le cercle vicieux de l’obscurantisme
L’hypertrophisation du tronc commun depuis quelques dizaines d’années, avec des dégâts dont on réalise tardivement l’ampleur, est la conséquence logique de cet état d’esprit. La seule réponse que l’institution était capable d’apporter à l’exigence d’égalité des chances, c’était l’égalité des savoirs. Elle ne pouvait pas imaginer qu’il puisse exister une autre culture que celle de son ghetto. Le comportement d’une France intellectuelle profonde par rapport à notre orthographe francofrançaise est particulièrement significatif sur ce point.
Au final, des bagages identiques pour tous, fournis par l’école ghetto, sont la certitude pour chacun de n’avoir aucun créneau spécifique pour lui donner sa place dans la société.
Les individus se perçoivent alors principalement comme concurrents. Plus ou moins consciemment, beaucoup de gens adoptent le point de vue obscurantiste : "Y a trop de gens qui veulent trop en savoir".
L’hypothèse obscurantiste donne en fait une explication cohérente des dysfonctionnements de notre système éducatif depuis 1960.
Le déficit d’intelligence collective qui en résulte rend difficile l’ouverture d’esprit qui permettrait de sortir de ce cercle vicieux, quand bien même un excellent contre-exemple en est donné quelque part.
D - Le contre-exemple des Finlandais
On se limite ici à une première analyse des avantages de leur système éducatif, mais des imitations simplistes pourraient être dangereuses, et il ne s’agit pas non plus de déduire que dans leur pays, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
En Finlande, au niveau lycée, sur les 75 modules que les élèves font en trois ans, 30 modules, soit 40 % sont choisis librement par les élèves. "Le groupe classe n’existe plus", dixit sur internet "Robertfinlande". Ce qui signifie que les modules obligatoires sont suivis par les élèves en fonction de leurs inscriptions individuelles, et non en fonction de l’appartenance à un groupe classe donné.
On est ainsi aux antipodes de notre tronc commun hypertrophié. A travers le choix des modules pris en option, chaque lycéen peut avoir des premières approches sérieuses, des débuts de spécialisations, dans plusieurs domaines différents. De cette manière, au sortir de l’école, il a plusieurs cordes à son arc, d’où un climat de confiance, une motivation et une adhésion du public, sans avoir besoin de recourir aux techniques de propagande avec des clichés usés auxquels on ne croit plus.
Grâce à ces cursus scolaires variés, les individus sont complémentaires, donc solidaires plutôt que concurrents : ce genre de contexte ne laisse pas de place aux peaux de bananes de programmes volontairement abstraits ou mal ciblés, ou d’aventurismes pédagogiques. L’intention obscurantiste ne peut pas se développer. Les élèves sont a priori motivés pour des matières qu’ils ont choisies. Ces conditions sont celles du cercle vertueux du pari humaniste.
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