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Lors de l’entrée en situation de retraite, le prévisible est-il « imaginable » ?

L’entrée en situation de retraite est un événement unique. Aujourd’hui, plus qu’hier, peut-être, c’est une étape de la vie. Peut-on, alors, la traiter comme un événement normal, conséquence d’un droit acquis ? Est-ce que penser le prévisible permet d’imaginer l’avenir ?

L’entrée en situation de retraite est un événement unique ?
Nos pères se sont « battus » pour obtenir, du gouvernement de la France, qu’une loi soit votée pour instituer le droit à la retraite.
Chacun sait les circonstances, connaît, a vécu ou vit, les diverses évolutions politiques, sociales, économiques qui en sont les conséquences.
 
L’événement est unique parce qu’il contraint chacun à mettre fin à sa carrière professionnelle.
Il est unique parce qu’il change le salaire du travail - qui pourrait continuer d’évoluer suivant les qualifications professionnelles acquises - en pension - qui est fonction des cotisations obligatoires versées durant le temps d’activité, et revalorisée suivant un barème administratif imposé.
Il est unique également car il place, administrativement, le retraité dans la catégorie des personnes « inactives ».
 
Il est unique parce qu’il place le travailleur devant l’obligation de « quitter » le monde du travail alors que celui-ci demeure le lien social le plus reconnu dans la société.
Il est unique parce que ce « droit aux progrès », la retraite, défendu sans tenir compte des changements environnementaux, devient le risque d’une société en régression par destruction du lien social dans l’individualisme de la peur. Le retraité se réfugie, parfois, dans un milieu restreint faute de se sentir reconnu comme il l’était en tant « qu’actif ». C’est souvent la raison qui le « pousse » à n’être plus « que consommateur » et à s’éloigner des engagements et responsabilités dans et avec la société.
 
Enfin, cet événement est unique en ce qu’il marque définitivement un autre mode de vie : celui d’être retraité avant d’être vieux. Même à soixante dix ans, aujourd’hui et sans doute encore mieux demain, les femmes et les hommes ne sont plus des vieux comme les « images » des générations précédentes[1] le laisse voir ou entendre.
 
Alors, les retraités sont satisfaits et ils continuent d’être « heureux » ; ou ils ne le sont pas et ils réagissent aux possibles conséquences des incertitudes de demain[2].
 
Aujourd’hui, l’entrée en situation de retraite est une étape de vie.
 
En effet, l’espérance de vie, au-delà de soixante ans, a presque doublé entre 1950, où elle était de 13/14 ans, et 2006 où elle est de 22/25 ans, et elle continue d’augmenter. En France, un habitant sur cinq, en 2005, à plus de soixante ans. Ce sera un sur trois en 2050. Ils seront soixante neuf habitants âgés de soixante ans et plus pour cent habitants entre vingt et cinquante neuf ans, en 2050. (Source Insee 2005)
 
Pour une grande majorité des retraités, c’est une nouvelle étape de vie qui commence. Ils auront devant eux, vingt, trente ans et plus, ce sera un tiers ou un quart de leur vie. Cela ne sera pas rien.
 
Cette nouvelle étape de la vie, mérite donc que le retraité s’y prépare car les conditions de son déroulement conditionnent la durée et les états du vieillissement.
Vieillir est une fonction naturelle qui commence dès la naissance, chacun le sait.
Mais si personne n’y peut rien, certains l’acceptent mal. L’entrée en retraite est un événement qui marque un âge, et pour certains il marque davantage : c’est un pas vers le vieillissement.
 
Il faut admettre qu’en ces premières années du XXI e siècle, nous n’avons qu’une idée imprécise sur les conditions de vie en société en 2050[3], celles que les futurs retraités connaîtront.
 
Sur le site internet du sénat, les chiffres donnés pour 2005 – 2050 sont clairs : les plus de soixante ans seront 31,9 % (un Français sur trois en 2050 contre un sur cinq en 2005) ; les moins de 20 ans seront 21,9 %. Les personnes en âge de travailler ne devraient plus représenter que 46,2 % de la population totale contre 54,3 % en 2005. Le rapport entre le nombre d’actifs et des inactifs continuera à décroître, pour s’établir à seulement 121 cotisants pour 100 retraités en 2050, provoquant ainsi des difficultés croissantes de financement pour l’assurance vieillesse. 
 
Pourtant, si ces chiffres varient un peu d’un organisme à l’autre, ils invitent les retraités à se préparer, non pas à des changements qui sont la preuve de la vie, mais à imaginer, avec davantage de rigueurs intellectuelles, des environnements complètement nouveaux. Sans doute l’engagement et la responsabilité de chacun et de tous, seront des éléments essentiels pour une société toujours plus humaine. Mais sans visibilité au-delà du lendemain, les retraités risquent quelques surprises qui ne seront peut-être pas obligatoirement agréables.
 
Il est essentiel d’être attentif aux déclarations de la plupart des « experts », qui s’intéressent aux conditions de vie en situation de retraite et à celles des personnes âgées. En effet, ils expliquent par mille et une raisons aux retraités et personnes âgées, les « moyens » de rendre leur nouvelle étape de vie agréable et confortable. Seulement, le plus souvent, ils se limitent à proposer des voyages, croisières, séjours de remise en forme…, pour ceux qui sont autonomes ; des prothèses et autres appareillages, produits rajeunissants, pour ceux qui ne le sont pas. Par ailleurs ils sont souvent oublieux de ceux limités dans leurs moyens financiers.
 
Aussi, nous pensons qu’il devient urgent de développer une prévention à l’entrée en situation de retraite et au vieillissement. Une réponse afin de ne pas entrer sans une information aussi complète que possible sur les projets nécessaires à conduire personnellement et collectivement.
 
Peut-on traiter cette étape comme un événement normal ?
 
Nous commencerons à mesurer les conséquences humaines, politiques, sociales, économiques, de ces situations, seulement dans les années 2030 - 2050 et les suivantes.
Sans préparation à un projet de vie c’est donc dans l’incertitude que les jeunes retraités vont commencer leur temps en situation de retraite avec l’espoir de vivre centenaires.
 
En conséquence, leurs relations à eux-mêmes et aux autres, leurs capacités d’indépendance et d’autonomie, la façon dont ils auront vécu, les environnements qu’ils auront maîtrisés ou qu’ils auront subis…, seront leurs références, en partie déterminante, pour construire leur vie. Ils n’auront pas d’histoire en référence puisqu’ils seront la première génération à devoir entreprendre une vie aussi longue.
Et l’histoire de cette société où la retraite n’est plus le basculement du temps de travail dans l’état de vieillesse commence seulement.
 
C’est pourquoi cet événement, s’il est normal, doit être préparé au-delà du pot d’adieu aux collègues de travail, par une réflexion sur les engagements et les responsabilités que chacun doit décider avant ou au plus tard, immédiatement à l’entrée en situation de retraite.
 
Ce souhait est d’autant plus prépondérant, nous semble-t-il, que nous avons observé, combien ceux qui n’entreprenaient pas cette démarche dans les premiers mois de leur retraite, justifiant leurs raisons de ne pas se précipiter, avaient de difficultés à se remettre en question au bout de très peu de temps.
 
Il y a, pour comprendre et entreprendre cette étape « un ensemble de savoirs en train de naître, qui sont à formaliser, qui restent à élaborer… notamment pour nous permettre de nous situer au quotidien face aux situations où nous sommes directement impliqués »[4].
 
Ces savoirs sont des « savoirs émergents » que nous avons découverts dans un groupe de travail sous la direction d’André Giordan[5]
« Que ce soit au niveau personnel, au niveau d’un collectif social (associations, réseaux…) ou de la société, chacun essaie des réponses, des analyses et des projections à son niveau, là où il peut. A son insu, il engage des savoirs qui ne sont pas encore formalisés, labellisés. Ce sont des savoirs en devenir qui ambitionnent d’occuper une place de choix dans la multitude des savoirs de référence. Encore faut-il les repérer, les expliciter, les formuler, les tester pour les reformuler. Devant un obstacle, il s’avère nécessaire d’inventer de nouvelles façons de penser ; que ce soit pour vivre ensemble, développer des interactions et les coopérations entre personnes, favoriser le partage du savoir ou réfléchir à une autre « art de vivre » tous ensemble, en faisant de « l’apprendre », le pivot.  »[6]
 
C’est pourquoi, il nous semble que l’impact des changements permanents, nés des progrès scientifiques, technologiques, techniques qui caractérisent nos sociétés, impose la remise en cause perpétuelle des modèles de pensée et d’organisation existants.
 
La retraite est un événement normal, mais aléatoire (sa fin n’est pas programmée) pratiquement imprévisible dans son déroulement (accident, maladie, catastrophe…), mais qui nécessite une préparation (un temps de réflexion ) afin de « connaître » nos capacités devant les responsabilités personnelles et collectives d’adaptation et de maîtrise de nos envies d’évolution, des risques et des atouts du « savoir bien vieillir » en entreprenant d’abord, notre propre vie.
 
Il semble donc normal que soit proposé un réel apprentissage à la retraite pour une nouvelle carrière choisie (en activité et en temps) afin de continuer notre développement personnel, et au service de la société[7].
 
Penser le prévisible et imaginer l’avenir ?
 
La prospective[8] nous donne quelques indications sur les conditions environnementales de vie à dix, vingt ou trente ans, à partir de quasi-certitudes telles que l’évolution du nombre d’habitants sur la planète (qui posera des problèmes d’alimentation, d’éducation, d’emploi, de santé…), l’allongement de la durée moyenne de la vie (avec les conséquences d’un vieillissement des populations qui a commencé), les développements scientifiques, industriels, commerciaux (auxquels sont liés les politiques d’éducation, de formation, d’enseignement, de recherche, de transports, de communication…).
 
Mais ceux qui étudient la prospective ne peuvent qu’imaginer ou souhaiter une évolution favorable des relations géopolitiques (les rivalités de pouvoirs ou d’influences sur la planète et sur les populations mondiales vont-elles s’assagir ?), ou sur la nature et les effets des diverses sources de pollutions (évolutions des productions et des consommations), comme sur les influences des changements climatiques naturels et ceux provoqués par les responsabilités humaines (réchauffement de la terre, usage du nucléaire, rejets des déchets industriels), ou encore sur les progrès scientifiques et techniques (des limites sont-elles possibles ?)…, et autres contraintes.
 
Nous sommes devant une somme d’incertitudes et nous devons envisager l’avenir, c’est à dire la vie en situation de retraite et de vieillissement avec une ou deux générations précédentes, et deux ou trois générations suivantes. Les retraités d’aujourd’hui bénéficient de décisions prises alors que leurs parents ne voyaient, dans les progrès des sciences et des techniques, que des « bénéfices ». Toutes les sources d’informations, tous les enseignements « raisonnaient » sur les bases « incontestées et incontestables » du progrès qui ne pouvait être que bénéfique au plus grand nombre dans une permanente augmentation du niveau de vie et des conforts qui en découleraient[9]..
 
Les presque seules certitudes des retraités sont : celle de l’écoulement des jours, celle de disposer d’un temps libéré (choisi), celle d’une évolution permanente des environnements et celle, enfin, de la mort.
 
Mais prévoir n’est pas qu’une réflexion menée pour « passer » d’aujourd’hui à demain. Tout comme lorsque l’on escalade la pente rocheuse, l’idée d’atteindre le sommet se réalise à mesure que l’on enfonce les pitons, centimètre après centimètre. Un projet de retraite s’élabore par la réalisation d’actions successives choisies pour leur accessibilité (à la portée des envies et capacités), leur base (plaisir et satisfaction), et qui doivent être comprises et entreprises (les petites actions permettent de confirmer ou de modifier le cours de la réflexion) dans l’équilibre et l’harmonisation d’un projet personnel et collectif, pour un temps estimé.
Il nous semble raisonnable de penser les projets en situation de retraite, sur des périodes de trois à cinq ans, renouvelables.
 
Le seul élément qui demeurera la cheville de la société durant, sans doute, plusieurs siècles, c’est le travail. Il est un lien social universel.
 
C’est donc à partir et sur la base du travail, celui de notre carrière terminée, ou dans une nouvelle spécialisation, qu’il faut commencer à élaborer le temps de la retraite.
Il ne s’agit pas du travail « au sens premier de torture, selon l’étymologie du mot »[10], mais celui choisi, construit, développé et dans lequel chaque retraité, femme et homme, doit trouver satisfaction et reconnaissance dans et avec la société. Celui qui permettra l’échange en réciprocité avec les petits-enfants[11], les arrière-petits-enfants si nous sommes capables de suivre ensemble les évolutions des connaissances sur nos environnements.
Le travail qui participe au progrès de l’homme dans sa santé, ses relations à lui-même et aux autres, et à la société. 
 
Si Henri Salvador chante que « le travail c’est la santé » mais ne rien faire n’assure pas de la conserver.
 
Je vous remercie.

Pierre Caro
« Chercheur autodidacte : retraite et vieillissement »
 
 
PS : ce travail demeure toujours un brouillon à reprendre.


[1] A soixante dix ans c’est, pour de plus en plus de femmes et d’hommes, l’espérance de vivre encore une ou deux décennies, et même davantage, avant de perdre capacités ainsi qu’autonomie, qui sont la représentation de la vieille personne aujourd’hui.
 
[2] Si les populations augmentent, alors que les emplois diminuent, les retraités peuvent être inquiets sur le paiement de leur retraite, et vouloir réagir face aux politiques économiques actuelles.
 
[3] Pourquoi en 2050 ? C’est le demi XXI e siècle, un temps que connaîtront la plupart des jeunes retraités d’aujourd’hui.
 
[4] Savoirs Emergents. Quels savoirs pour aujourd’hui ? André Giordan, Claire Hébert Suffrin. Les Editions Ovadia Collection André Giordan Au-delà des apparences ! 2008. Page 13.
 
[5] André Giordan agrégé de biologie, docteur en biologie et en sciences de l’éducation, professeur à l’université de Genève et directeur du Laboratoire de Didactique et Epistémologie des Sciences.
 
[6] Idem page 15
 
[7] Nous souhaitons que les engagements volontaires des retraités, le plus souvent bénévoles, soient comptabilisés en revenus de production humanitaires et sociaux, par l’Etat, les entreprises, les organismes qui les « utilisent ». Le « travail » fourni par toutes ces femmes et ces hommes retraités, doit servir le financement des causes pas celui des organismes.
[8] Prospective : le mot a été repris (1834) au sens de « relatif à l’avenir » et substantivé au féminin, la prospective, pour désigner l’ensemble des recherches ayant trait aux directions possibles de l’évolution du monde moderne. Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française. Septembre 1995.
 
[9] Même si le pouvoir d’achat n’est parfois guère meilleur entre les années 1960 et 2000, le confort de vie s’est tout de même amélioré pour un très grand nombre de foyers aujourd’hui (santé, hygiène, travaux pénibles…) 
[10] Travail : « tripaliare : tourmenté, torturé avec le « trépalium » instrument de torture » Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française. Alain Rey 1995.
 
[11] Pour nos enfants il est souvent trop tard. Les situations de vie actuelle font que, en matière d’éducation, nous avons souvent davantage d’expérience comme grands-parents que comme parents !

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2 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 12 février 2009 11:27

    la retraite a 60a, c’est fini
    faudra bosser jusqu’a ce qu’on creve
    les vieux seront remis au travail


    • piroliat 12 février 2009 20:19

      bonjour
       je suis en retraite depuis 2 ans
      je n’ ai pas eu besoin de formation
      je n’ ai eu aucune difficulté d’ adaptation
      je n’ ai pas besoin de projets
      je ne regrette pas mon travail
      je ne fait pas grand chose et c’ est bien
      je suis libre et heureux
      je plaint ceux qui regrettent leur travail
      je souhaite aux autres une bonne retraite
      cordialement

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