Ma douleur intégrale
Plus ostentatoire, est-ce possible ?
Ne jetons pas un voile sur cette vérité.
Il me faut écrire cette contribution de plus, ni plus intelligente ni plus stupide que toutes les autres, à propos de cet épiphénomène vestimentaire. Le vent de l'intolérance a frappé, la haine s'est installée, le voile tendu porte l'expression du refus de la cohabitation pacifique. Ma colère ne changera pas la face des choses. Pourtant, j'aimerais, moi aussi, lever un petit coin du voile pour déchirer les prisons qui se dressent parfois devant moi.
À maintes occasions, à proximité du quartier où je vis, j'ai croisé ces suaires noirs glissant le long d'un trottoir. À chaque fois, loi ou pas, débat à la mode ou silence des opinions, polémique fétide ou indifférence médiatique, j'ai toujours reçu cette vision d'horreur comme une insulte personnelle, comme un refus de vivre à mes côtés. Désormais, je sais que ces créatures cachées ne peuvent pas se vêtir ainsi sans porter sciemment un message de rejet de notre civilisation.
C'est cela que chacun de nous devrait vous affirmer, femmes emmurées dans cette sombre bure. Vous êtes pour nous une abominable souffrance. Vous voir devant nous, dans ce pays que l'on partage avec vous, c'est un crachat à notre face et à nos croyances.C'est un coup de poing au cœur, c'est une négation de toutes nos convictions, c'est le refus de toutes nos histoires. Votre croyance ne justifie pas ce mépris des nôtres. Vous agissez en conscience contre notre conscience.
Point n'est besoin de donner aux monstres qui vous imposent ce carcan l'occasion de se réjouir et d'amplifier leur action ; la loi a servi à merveille leur sinistre volonté de répandre la haine partout où ils sévissent ! Ils ont démontré leur pouvoir de nuisance et de mort, ils ont porté le feu et la barbarie à leur comble et pourtant, vous continuez de montrer votre attachement à leur message sous ce voile hideux du deuil de toutes les libertés. C'est à tous les braves gens de ce pays de vous signifier calmement, fermement l'abjection de ce costume !
Oui, c'est la triste et douloureuse vérité. Lorsque vous vous affichez ainsi, c'est nous qui sommes enfermés derrière ce drap mortuaire. La personne cachée n'est en rien stigmatisée ; ce n'est pas vous qu'on condamne ! C'est vous qui nous accusez tous : hommes et femmes de bonne volonté, au-delà des pratiques religieuses, des convictions politiques ; vous niez nos croyances fondamentales, nos valeurs, notre civilisation. Vous portez l'oriflamme du mépris et nous devrions accepter avec le sourire cette odieuse humiliation ?
Ce refus de vivre parmi nous à visage découvert éclipse l'histoire de cette terre d'accueil, de ce pays qui a cru, pendant des années, qu'il avait un message à transmettre à la conscience du Monde. Les droits de l'Homme et du Citoyen, la Laïcité comme espace de tolérance et de paix universelle, la Fraternité et son pendant implicite : la Sororité ; toutes ces valeurs essentielles à notre cohésion sociale, votre tenue les récuse de façon ostentatoire tout comme, je vous l'accorde, d'autres symboles religieux mais ceux-là ont le mérite d'être discrets et de ne pas cacher le visage.
Vous n'avez sans doute pas le choix. Vous êtes vous-mêmes les esclaves de cet ordre tyrannique qui place la femme au dernier rang de l'humanité. Sachez cependant qu'il y a une limite à notre capacité à reculer toujours davantage devant les imprécations de ceux qui nous haïssent. Cette insulte silencieuse est insupportable, intolérable à chaque personne d'un pays dans lequel, jusqu'à il y a peu, l'altérité avait un sens.
Aucun individu n'est transparent. Derrière chaque humain, il y a une pensée, une intelligence, une richesse, une conscience. Dieu ne peut réduire l'individu à ce point ; cette société n'abandonnera jamais aucun des siens derrière un rideau d'insignifiance. Nous continuerons de vous dire que votre tenue est contraire à tous les fondements de notre civilisation. Nous vous le dirons avec fermeté, sans agressivité pour que, sans cesse, vous compreniez la portée de votre attitude.
Nulle différence ne doit séparer les hommes et les femmes. C'est ce principe essentiel de notre foi collective que vous abattez. L'expression est peut-être trop forte mais je n'en vois pas d'autres : « c'est le prolongement de la guerre à nos valeurs que mènent quelques monstres que vous portez en étendard noir et méprisant » . Ce n'est sans doute pas votre message : vous n'êtes que le truchement servile d'individus particulièrement diaboliques. Mais se faire leur truchement c'est déjà se faire leur complice.
Cette déclaration, cette hostilité manifeste ne sont pas seulement ressenties par la seule institution sociale. C'est aussi à chacun d'entre nous que vous exprimez cette rupture totale, définitive et absolue et cela ne nous est pas tolérable. Comprenez le poids de ce terrible aveu et soulevez ce voile qui nous sépare et qui va, si rien n'est fait, nous entraîner vers des catastrophes plus terribles encore.
Levonslevoilement vôtre.
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