Ni Citoyens ni Société ni Peuple, tout est à construire
Dans un précédent article, j'ai pu montrer qu'il n'existe pas de démocratie en France. Les commentaires postés ont, dans l'ensemble, conforté cette analyse.
A présent, je propose de tirer les conséquences de ce fait à présent bien établi, et aussi d'élargir le même type de raisonnement à d'autres notions "mythiques", qui d'ailleurs sont liées entre elles. En m'efforçant de décrire objectivement la situation réelle sans trop laisser de place à mes idées personnelles.
Il n'existe pas de Citoyens
Je me base ici sur la définition moderne de citoyen : voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Citoyennet%C3%A9
Notamment : " En démocratie, chaque citoyen est détenteur d'une partie de la souveraineté politique." + "La citoyenneté est intimement liée à la démocratie. Être citoyen implique que l'on fait partie d'un corps politique, un État, que l'on a dans ce corps politique des droits et des devoirs." + " La citoyenneté est aussi une composante du lien social. C'est, en particulier, l'égalité de droits associée à la citoyenneté qui fonde le lien social dans la société démocratique moderne. Les citoyens d'une même nation forment une communauté politique."
Comme il n'y a pas de démocratie, le peuple n'a pas le pouvoir politique, et donc nous ne sommes pas des citoyens.
On a bien certains droits (souvent peu ou pas respectés, ils n'existent qu'à l'état de proclamation, de théories non effectives dans la pratique), et pas mal de devoirs, mais il n'existe pas d'égalité des droits, pas de communauté politique
Les énormes inégalités existantes, le fait qu'il existe des millions de pauvres ne pouvant se nourrir et se loger correctement, la menace du chômage et les emplois précaire, l'absence de vraie liberté d'expression (visible et inconditionnelle, voir mon précédent article déjà cité), les discriminations diverses (pour les femmes, prostitué(e)s, diversités sexuelles, militants, minorités religieuses, végétariens/végétaliens, etc.), etc. (je vous laisse compléter la liste) signe l'absence d'égalité des droits, et l'absence des conditions sereines permettant le libre fonctionnement d'une vraie communauté politique.
Donc, SVP, soyons lucides et honnêtes, et arrêtons de parler de citoyens pour les possesseurs d'une carte d'identité française.
Arrêtons l'enfumage et l'auto-glorification sur le mode de la nation patrie des droits de l'homme et de la révolution, tout ça c'est peut-être du passé, et ce n'est pas en tout cas notre présent. Peut-être ce sera notre avenir ?
Dernière chose, un avis perso : si être citoyen implique obligatoirement de faire partie d'un Etat, très peu pour moi,.je préfèrerais être apatride ! On pourrait d'ailleurs très bien faire partie d'un corps politique sans Etat.
Donc, nous sommes plutôt des individus amalgamés (avec ou contre notre gré) dans un système dirigé par d'autres, et nous essayons de survivre seuls ou au sein de divers collectifs, associations, syndicats.
Les Indignés, ce ne sont pas les seuls, s'efforcent de construire une citoyenneté depuis la base, mais au départ elle n'existe pas.
Il n'existe pas de Peuple
Pour ce qui est de la France, la communauté historique de destins (une des définitions de Peuple) a été très largement imposée par la force, la ruse, l'annexion, l'achat, la violence. Les cultures et les langues ont été uniformisées par un Etat central plus ou moins despotique au fil des siècles.
Ce serait là un Peuple ? C'est un peu comme si on considérait que les prisonniers d'une prison haute sécurité sont un Peuple ! On a bourré le crâne de ses prisonniers et on leur a fait répéter la leçon pendant des lustres, du coup ils clament en coeur et en Marseillaise : "on est un Peuple", la belle affaire !
Actuellement, les habitants de cette tranche de territoire qui s'appelle France se reconnaissent dans leur grande majorité comme une communauté de destins, soit.
Examinons à présent l'autre aspect de la notion de Peuple avec Wikipédia : " Le terme de peuple est donc indissociablement lié à une signification politique : dans le droit fil de son étymologie latine, un ensemble de personnes reconnu comme un peuple se voit reconnu implicitement comme un groupe ayant des droits politiques spécifiques, voire le droit de former une nation souveraine. Par exemple, la Constitution de la Ve République française indique ainsi que « la République est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », et la Charte de l'Atlantique entérine cette lecture en déclarant le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes »."
Ici, la supercherie est plus visible. Vu qu'il n'existe pas de Démocratie et qu'on n'est pas des Citoyens, il est abusif de parler de Peuple. CQFD
Après, on peut toujours utiliser le mot peuple dans un sens dégradé, celui d'une population parquée sur un territoire, mais c'est autre chose, qui a plus à voir avec l'élevage en batterie qu'avec la politique.
Il n'existe pas de Société
Une des définitions de Wikipédia nous indique : " La société (du latin socius : compagnon, associé) est l'« ensemble des modèles d'organisation et d'interrelation, des individus et des groupes, des associations, des organisations et des institutions qui concourent à la satisfaction concertée des besoins de la collectivité. » (Joseph Fichter)"
C'est un peu la définition savante des sociétés humaines.
Mais ici, je voudrais critiquer plutôt la définition plus courante, implicite, qui accompagne l'expression partout répétée : "notre société".
Ce que les médias, les politiques, tout le monde ou presque, veulent dire implicitement, quand ils emploient le mot de "sociétés" pour désigner les collectivités non-démocratiques dans lesquelles on vit, c'est plutôt :
"Réjouissons-nous de vivre dans le meilleur des mondes possibles, où les choses sont en progrès constants, où nous sommes des humains civilisés plutôt soucieux de son prochain et du bien commun".
Tout d'abord, par rapport à la définition Wikipédia, il y a déjà un os, car les besoins sont loin d'être satisfaits si on regarde le nombre de pauvres, de SDF, de mal-logés, de gens qui ne peuvent se soigner correctement, etc.
Et pour ce qui est de la concertation, vu qu'il n'y a pas de démocratie...
Ensuite, on est loin d'être en progrès constant, et on a plutôt l'impression de vivre dans une barbarie archaïque qu'une société organisée pour le bien commun !
En effet, le 20ème siècle, avec deux guerres mondiales, des famines, d'autres guerres un peu partout, des génocides en tous genres, des pollutions monstrueuses, etc., etc. est considéré comme le pire de toute l'histoire.
Le 21ème, avec les problèmes climatiques et écologiques qui se rapprochent, les inégalités croissantes et les "crises" des systèmes capitalistes risque d'être encore pire si rien ne change sur le fond.
La France, parmi d'autres, est traversée de toutes sortes de lobbies, de classes sociales, clans, cercles, intérêts variés qui sont en lutte permanente pour des pouvoirs ou de l'argent.
Les plus démunis essaient de survivre comme ils peuvent, et une bonne part des habitants (pauvres et riches confondus) n'ont pas d'autres objectifs que la consommation à outrance, l'appropriation, l'appétit de puissance, la vie pépère dans un cocon à l'abri des autres.
Pour ma part, je n'appelle pas ça une civilisation soucieuse de son prochain et du bien commun.
Ok, on a créé plein de techniques, des joujoux électroniques super, mais pour ce qui est du progrès social, éthique, de conscience ou de liberté, ça laisse à désirer.
Non seulement la plupart des humains se font du mal entre eux, mais ils bousillent la nature à force de bétonnage, de produits chimiques, de pesticides, de monoculture et d'élevages industriels. Un progrès ça ?
Evidemment, et heureusement, il y a des résistances diverses (mouvements sociaux, Restos du Coeur, penseurs, activistes, associations, aide humanitaire...), des personnes de bonne volonté, des gens courageux et exemplaires, mais d'une part elles sont fragmentées, souvent en conflits elles aussi, et d'autres part elles sont minoritaires et ne changent hélas rien ou pas grand chose à l'ensemble.
Certains vos alors dire : "ok, ce n'est pas brillant, mais c'est le mieux qu'on puisse faire".
Dans ce cas, ne parlons pas de société, mais plutôt d'organisation archaïque, de jungle encadrée, je sais pas, ce serait quand même plus clair.
Et puis si on le voulait vraiment, on pourrait faire nettement mieux non ?
Une société suppose une organisation voulue par et pour le peuple, où l'objectif est, au minimum, de réellement assurer tous les besoins élémentaires de tout le monde, où un minimum de projet commun existe, toutes choses qui n'existent pas comme on l'a vu.
Comme Citoyen, Peuple, ou Démocratie, le vocable "Société" est donc utilisé comme un mantra, une auto persuasion permanente, une manière de se faire illusion sur la triste réalité et de se rassurer.
Ca rejoint la novlangue décrite par George Orwell dans 1984 (ministère de l'amour qui est celui de la torture), où les mots désignent des réalités contraires à leurs définitions initiales. Ce qui permet dans le même mouvement d'effacer ces réalités sordides, de vider de sens les notions initiales, et même de rendre impossible de penser à ses notions. Seule reste une bouillie répétée en boucle.
Tout ça n'est pas qu'une question de précision sur les mots, un truc d'intello maniaque, car tant qu'on croit, inconsciemment ou consciemment, qu'on vit dans une Démocratie, qu'on est réellement des Citoyens assemblés dans un Peuple et qu'une Société humaine existe pour de bon, on aura plus de difficulté à se révolter profondément, et on se contentera plus facilement de quelques réformes, d'un référendum, d'une petite dose de proportionnelle aux élections, d'une vague participation populaire à un conseil municipal ou régional, ou d'une promesse d'augmentation des salaires et aides sociales.
Tandis que si on a bien compris tout ça, si on regarde la réalité en face, si on ne croit plus aux mensonges du système, et bien on peut par exemple s'engager à fond avec les Indignés ou tout autre mouvement similaire.
Si on ne croit plus aux élections, aux partis, syndicats et autres organismes réformistes, on agit avec les révoltés en général pour se construire en tant qu'individu et en tant que Peuple.
Et on commence maintenant à réfléchir ensemble pour savoir quelle type de démocratie réelle (directe ?) on veut construire, quelle citoyenneté (si tant est que ce terme serait encore adapté) et quelle société humaine au service de la collectivité et de l'épanouissement de chaque individu on souhaite.
Post Scriptum, avis perso : comme les politiques de l'UMP et du PS n'ont plus d'argent à distribuer pour tenter d'acheter la population, ils feront certainement, durant la compagne pour les élections 2012, quelques promesses d'introduire plus de démocratie participative, à nous de ne pas tomber dans le panneau ! Ils feront semblant d'entendre les révoltés, ils nous inviteront même, suprême honneur, une fois ou deux sur les grands plateaux TV. Seulement, de moins en moins de monde sera dupe.
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