Non, Steve, Tu n’es pas tout seul !
Même si ta noyade ne peut être imputée à ta chute dans la Loire …
Nous avons appris depuis fort longtemps qu’il n’est rien à attendre d’une commission d’enquête, surtout quand elle est mandée par ceux qui sont en ligne de mire des soupçons et dépositaires du pouvoir. Nous ne faisons même plus semblant de leur accorder la plus petite crédibilité quand ils osent affirmer qu’une mort par noyade ne peut être imputée aux personnes qui ont provoqué la chute dans l’eau. Il est démontré, au royaume des Jocrisse, que la noyade n’a aucune relation avec l’immersion contrainte. Merci monsieur le Premier sinistre …
Mais oublions les soubresauts d’une Monarchie prétendument républicaine qui fonce tête baissée vers la dictature pour rappeler ici les heures sombres de la Loire quand elle servit aux plus odieux épisodes de notre histoire. Non, Steve, tu n’es pas tout seul, à avoir ainsi péri dans les eaux après des actes qui resteront éternellement des tâches odieuses.
Mais avant de céder à cette sanglante rétrospective, il convient d’honorer la mémoire des 19 enfants qui ont péri dans la rivière il y a cinquante ans de cela. Ce jour-là, des enfants du centre de loisirs Joseph-Bouëssé de Mûrs-Erigné, lors d'une baignade, ont été happés par le courant dans un bras de la Loire, à Juigné. D'ordinaire, les jeunes avaient coutume de se baigner sur une plage surveillée, aux Ponts-de-Cé. Mais ce vendredi 18 juillet 1969, le groupe de 76 enfants encadrés par quatre moniteurs avait choisi de pique-niquer sur les berges ombragées de Juigné-sur-Loire. Malgré les secours dépêchés en urgence sur place, dix-neuf baigneurs âgés de 10 à 13 ans n'ont malheureusement pas survécu.
Des drames au quotidien, il y en a eu et il y en aura toujours dans cette Loire qui dissimule bien des pièges. Nous ne pouvons qu’avoir une pensée émue pour ceux qui ont vécu ce drame pour l’un de leurs proches. La noyade n’a certes pas besoin de circonstances dramatiques pour toucher une victime. Mais dans l’histoire, tout comme à Nantes il y a un mois, certains ont choisi d’en faire le tombeau d’humains qui avaient le malheur de leur déplaire.
Les deux principaux épisodes sanglants furent la Saint Barthélémy et la Révolution Française. Lors de ces deux sinistres occasions des milliers d’individus périrent dans les flots. … Fin août 1572, malgré l’édit de pacification entre catholiques et protestants, la tension est à son comble. Après l’annonce du massacre de la saint Barthélémy à Paris, les catholiques du Loiret ne veulent pas être en reste. Le 25 août et les jours suivants, ils se lancent dans des crimes épouvantables. Les insurgés reconnaîtront la mort de 1200 hommes, près de 600 femmes et des enfants en grand nombre, tous jetés à la Loire qui sera rouge sang. Les tueries se prolongeront jusqu’au début septembre. Ce qui s’est passé dans ce qui deviendra le Loiret se reproduit à l’identique le long de la Loire. Les eaux de la Loire en furent souillées de sang au point que notre sainte mère l’église, dans un élan de compassion interdit à la consommation des poissons qui avaient bu du sang humain. Malgré l’horreur des agressions, cette précision nous glace d’effroi.
En pleine guerre de Vendée, opposant les royalistes aux troupes républicaines, la ville de Nantes rassemble dans ses prisons les « contre-révolutionnaires ». Mandaté par la Convention nationale pour mettre fin à cette révolte, le proconsul Jean-Baptiste Carrier fait noyer en quelques mois dans la Loire des milliers d’opposants. Tout commence le 16 novembre 1793. En pleine nuit, 90 prêtres réfractaires sont rassemblés dans un chaland ( bateau à fond plat qui sert à transporter les marchandises sur le fleuve). Les mains liées, attachés deux par deux, ils sont enfermés à fond de cale. Le bateau est emmené au milieu du fleuve, avant d’être coulé par les hommes de main de Carrier.
Le proconsul est fort satisfait de son coup d’essai. « La déportation verticale » ou « la baignoire nationale » comme il aime à nommer cette horreur permet une noyade rapide, efficace, radicale et économique. La Loire se transforme en sanctuaire. C’est ainsi qu' entre 300 et 400 sacrifiés par chaland sont rayés des cadres. Cette solution évite encore l’enfouissement des cadavres, corvée refusée par les exécuteurs.
En quelques mois, près de 5 000 victimes disparaissent ainsi dans la Loire, sans aucune autre forme de procès. Les affaires des noyés sont ensuite partagées par leurs bourreaux. Les noyades exécutées en pleine nuit, ne passent pourtant pas inaperçues à Nantes. De nombreux cadavres, s’échouent sur les bords de Loire, souvent attaqués par des chiens errants ou des charognards. Cette fois c’est la municipalité qui interdit aux Nantais de boire l’eau de la Loire ou de manger les poissons qui y sont pêchés, par peur des contaminations. Les pouvoirs changent, leur cynisme demeure ! Une épidémie de typhus se déclare même dans la ville.
Historiquement tien.
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