On est tous frères (et ta sœur ?)
L’antiracisme... La cause est bonne, c’est entendu. Mais entre les creux symboles et les fastidieux poncifs, ne pourrait-on, au moins une fois, la défendre avec une solide argumentation ? Histoire de voir si, par hasard, ça marche mieux que les sempiternels poncifs sirupeux ?
J’eus l’heur d’assister, voici quelques années, à la conférence qu’un professeur de biologie donnait et dont le sujet portait sur le concept de races. En une heure et trente minutes, l’idée de « race » était définie, disséquée et... proprement renvoyée dans les cordes. Sans exhibition de petite main jaune au revers de la veste, sans geignements caliesques, sans éructations rappeuses, sans trémolos bobos de bon aloi... bref, sans toute cette symbolique si prisée par les indigents d’esprit, lesquels, bien souvent, manient autant l’argument ad hominem que leurs ennemis (souvenons-nous du « Le Pen, porcherie » des Bérus). Argument qui est, rappelons-le, le parent pauvre de la réflexion puisqu’il s’en prend, non pas aux idées, mais à la personne qui les défend. Pardi, en quoi qualifier Le Pen de porc invalide-t-il ses idées ?
Mais ce qu’on peut comprendre de la part de zozos pelliculés ou de guignols à bonnets de laine, le peut-on vraiment de la part de journalistes ?
Peut-on admettre que, sous le prétexte louable d’éveiller les consciences à la lutte contre le racisme, ces messieurs et dames qui pontifient dans le poste s’en tiennent aux happenings comico-tragiques et autres couillonnades à poncifs ?
Nan !
On s’attendrait plutôt, dût-il être réitéré autant de fois que nécessaire pour les mal-comprenants, à un dépiautage en règle du racisme. Quelque chose dans le genre de ma petite conférence, par exemple...
Oh ! Je sais, on m’objectera la question du temps, la nécessité de faire court, de frapper les esprits plus que les consciences... L’antienne de l’efficacité médiatique, quoi.
Ah ! Oui ? Chiche qu’on essaie de faire court et efficace, pour voir ? Ça tombe bien : j’avais justement pris des notes, lors de cette conférence.
Je vais essayer d’être concis, je vous laisse juges...
D’abord ça : la classification des êtres vivants.
Qu’est-ce qu’une espèce ?
Les bases de la classification remontent au XVIIe siècle. On distingue ainsi :
1. un grand ensemble (ex. : vertébrés) ;
2. la classe (ex. : il y a cinq classes de vertébrés. Poissons, amphibiens, mammifères...) ;
3. l’ordre (ex. : les amphibiens avec queue, sans queue...) ;
4. les familles ;
5. les genres ;
6. les espèces.
A partir de ce premier tri, on rassemble, en réduisant de plus en plus le cadre, des animaux ayant pour point commun un grand nombre de caractères (un si grand nombre de gènes en commun qu’ils peuvent se reproduire).
C’est, là, la définition de l’espèce.
Mais cette définition est à affiner, car, si on s’en tient à celle citée ci-dessus, il y a un écueil. En effet, prenons l’exemple de l’union d’un âne et d’un cheval : elle donne naissance à un animal nommé mulet. L’espèce n’est plus ni celle du cheval ni celle de l’âne. De plus, on doit noter que le mulet est stérile.
Par conséquent, il faut affiner la définition de l’espèce.
Ainsi, pour qu’il y ait espèce, il faut que les animaux puissent se reproduire en donnant une descendance féconde !
Or, il se trouve qu’on entend souvent parler de « races », c’est-à-dire d’une classification, à l’intérieur de l’espèce humaine, des populations...
Ceci étant posé, qu’est-ce qu’une race ?
Il importe ici de distinguer l’influence du milieu et le patrimoine génétique.
On appelle « phénotype » ce qui a trait à l’apparence extérieure. C’est-à-dire les caractères modifiables.
On appelle « génotype » ce qui fait partie du patrimoine génétique. C’est-à-dire ce qui n’est pas modifiable.
L’idée de « races » n’a de sens que si elle s’appuie sur le patrimoine génétique, c’est-à-dire sur ce qui n’est pas modifiable dans une catégorie de population classifiée. En effet, la « race » est déterminée par le caractère génétique.
Et il faut souvent se méfier des « évidences » : se fonder sur la couleur de peau pour parler de race ne peut suffire. Ça peut sembler une évidence, mais ça ne l’est pas. Prenons un élément de comparaison : nous croyons, par exemple, pouvoir observer la course du Soleil dans le ciel. Or, c’est la Terre qui est en mouvement (elle tourne sur elle-même). Donc, ce qui semblait une « évidence » astronomique est en fait un leurre. Il en va de même pour ce qui est de la notion de races, voyons pourquoi...
... en considérant maintenant les théories racistes.
L’idée de ces théories, c’est que chaque race humaine possède un caractère génétique spécifique. D’où des différences (qui donnent lieu à des jugements de valeurs). Mais si on parle de « races », il faut le démontrer ! D’abord, on l’a vu, on ne doit pas prendre en compte les caractères phénotypiques (qui ressortent de l’influence du milieu). Donc, il faut concentrer notre attention sur les caractères déterminés par la génétique (les génotypes).
Mais voyons comment sont répartis les marqueurs qui concernent la couleur de la peau. Le constat n’a rien d’extraordinaire :
- en Afrique, les populations ont la peau noire ;
- en Europe et en Asie, elles ont la peau plus claire.
Si on ne s’en tient qu’à cette constatation, on peut considérer qu’il existe des « différences » à l’intérieur de l’espèce humaine, c’est-à-dire « des races ».
A présent, prenons le marqueur de l’intolérance au lactose. Mais précisons auparavant de quoi il s’agit. Le lactose est un constituant du lait. Les nouveaux-nés possèdent dans leur organisme un « équipement enzymatique » qui est capable de dégrader le lactose. Mais certains adultes deviennent intolérants au lactose en grandissant (c’est-à-dire qu’ils ne le supportent plus).
Or, cette intolérance est d’origine génétique (elle dépend d’une protéine qui est « codée » par un gène).
Si on ne s’en tient qu’à cette constatation, on peut considérer qu’il existe des « races » tolérantes au lactose et des « races » intolérantes au lactose.
Oui, mais voilà : la classification d’une race basée sur la couleur de la peau et la classification d’une race basée sur l’intolérance au lactose ne concordent pas ! En effet : lequel de ces deux marqueurs génétiques doit-on choisir pour « classer les races » ? C’est qu’il n’y en pas un qui soit plus pertinent que l’autre !
Et, d’ailleurs, confrontons d’une part la classification de la race par la couleur de la peau et d’autre part la classification par l’intolérance au lactose :
Marqueur couleur : Couleur noire : Afrique / Couleur claire : Europe, Asie.
Marqueur intolérance lactose : Europe (majorité : tolérance) / Afrique et Asie (majorité : intolérance).
Alors ? Comment « classer scientifiquement » les populations alors que l’évidence génétique ne le permet pas ?
Il existe des Asiatiques (peau claire) intolérants au lactose et des Européens (peau claire) tolérants ! Et encore ces populations ne sont-elles pas homogènes : il ne s’agit que d’une majorité dans chacune des populations. C’est-à-dire qu’il existe AUSSI des Asiatiques (peau claire) tolérants au lactose et des Européens (peau claire) intolérants... Et puis, nous n’avons pris en considération que deux marqueurs génétiques : il en existe d’autres, qui augmentent la confusion !
Par exemple, considérons cet autre marqueur génétique qu’est le groupe sanguin, et observons les chiffres de la répartition du groupe sanguin A : peut-on donc, par exemple, tenter de classer leur répartition géographique pour vérifier la théorie des races ?
Essayons :
- chez les populations islandaises, pygmées et hindoues, le groupe A est présent à environ 30 % ;
- chez les populations polynésiennes : à + de 60 %.
Problème : il n’y a pas de regroupement possible par couleur de la peau ! Mais continuons quand même nos tentatives de classification en regardant ce qu’il en est chez deux catégories de populations géographiquement proches l’une de l’autre :
- Amérindiens d’Argentine : 1,5 %,
- Amérindiens du Mexique : 22,5 % !
C’est l’évidence : on ne note aucune correspondance entre les « marqueurs sanguins » et les couleurs de peaux (les « races » donc, pour les racistes).
On peut donc conclure à partir de ce simple exemple que le concept de « races » n’a strictement aucun sens sur le plan génétique !
Enfin, il paraît utile de préciser que la nature n’est pas raciste !
L’idée de « race » est une pure invention de l’homme.
Ce qui différencie l’homme du reste du monde animal, c’est sa dimension culturelle. Et l’un des effets de cette dimension réside dans ce constat : l’homme est capable de modifier la nature.
Et, justement, les « races » (ou plutôt les « variétés ») animales et végétales ont été créées par l’homme. Par exemple, il n’y a pas de berger allemand ni de caniche dans la nature ! Ces deux « races » canines sont le résultat de sélections faites par les hommes au fil des siècles : une « race » ne peut naître que si on a opéré une sélection.
Pour qu’il y ait une « création de races humaines », il faudrait qu’il y ait un très long isolement (environ 2 000 ans) d’une population d’individus : un « isolement sexuel ».
En effet, sur le plan biologique, cela supposerait que le brassage des gènes soit atténué.
On peut donc induire une double conclusion de ce constat :
1. l’idée de « race humaine » est un concept biologique (cela n’existe pas) ;
2. mais l’idée d’ « ethnie » est un concept culturel (il existe bien des ethnies). Or cette idée d’ethnie est souvent assimilée à celle de « race ».
Et puis, quand même, y a une morale à cet exposé : la question du fardeau génétique.
Pour les observateurs scientifiques de la nature, il existe une certitude : la diversité, c’est la survie ! C’est-à-dire qu’on constate par exemple que la « purification » biologique rend les individus plus fragiles aux attaques, des épidémies, par exemple. Ainsi, un chien dit « de pure race » aura plus de risques de développer des maladies qu’un chien dit « bâtard » ! De même, des plants de maïs trop « purement » sélectionnés seront plus facilement décimés que des plants « moins purs » dans un même champ !
La conclusion qui s’impose est donc celle-ci : la nature considère comme un « fardeau génétique » tout ce qui s’oppose au mélange, au brassage de gènes.
Maintenant, permettez-moi une petite question : combien de temps avez-vous mis pour lire cet article ? Cinq minutes ? Dix ? A tout casser. Imaginons alors ce que donnerait pareille démonstration, étalée sur deux heures de plateau télé, à 21 heures et non à minuit, reprise dans les pages des journaux ? Avec croquis à l’appui, explicitations des points délicats, multiplication des exemples...
Pourquoi ne le fait-on pas au sujet du racisme ? On sait le faire : il n’y a qu’à regarder toutes ces émissions sur la santé (la mode est à la mémoire, té !), qui parviennent à drainer un paquet de téléspectateurs !
Pourquoi préfère-t-on s’en tenir aux harangues de bateleurs, aux petites phrases, aux coups d’esbroufe, aux "grotesqueries" qui n’ont jamais persuadé que les convaincus d’avance ?
Comment qu’ils disent, déjà, les bondissants analphabètes ? Ah ! Oui : « Yoh ! Mon frère ! »
Mais non. Non, z’êtes pas mes frères et heureusement parce que je ferais un procès à mes parents si c’était le cas. Z’êtes pas mes frères, mais z’êtes pas non plus d’une autre race.
Ce dont le pékin moyen n’a pas fini de douter, tant qu’on lui brandira une sotte symbolique plutôt qu’une solide argumentation !
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