Vous avez reçu une lettre qui vous convoque à un entretien préalable à licenciement.
L'employeur commence une procédure qui va finalement le conduire à rompre le contrat de travail qui vous lie à l'entreprise. Il vous reçoit, vous expose des griefs, puis, quelques jours plus tard, vous recevez la lettre de licenciement. Il vous reste deux ou trois mois de préavis à effectuer dans l'entreprise.
Or, vous savez très bien que les reproches qui vous ont été notifiés, qui justifient - selon l'employeur - votre licenciement, ne tiennent pas debout : vous avez eu connaissance, à l'occasion de l'exercice de vos fonctions d'un document qui prouverait au juge le caractère infondé des allégations de celui qui les avance pour vous licencier.
Et justement, ce document vous serait bien utile devant le Conseil de Prud'hommes que vous venez (allez) de saisir. Mais vous hésitez à le produire : votre Conseil vous a prévenu des conséquences en l'état de la jurisprudence actuelle : au "pénal", vous risquez gros, pour vol ou abus de confiance.
Passé le moment d'hésitation, vous enregistrez le document sur votre messagerie personnelle.
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On a tous en tête ce drôle de cas de conscience d'un salarié :
- s'il produit "au civil" (Conseil de Prud'hommes) lors d'un litige - parce qu'ils seraient utiles à sa défense, la manifestation de la vérité - des documents de l'entreprise dont il a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, ils seront retenus et examinés par le juge ;
- mais au pénal, le salarié risque de se faire condamner pour vol.
Une bonne nouvelle !
A partir d'aujourd'hui, vous aurez moins peur : par un arrêt rendu le 16 juin 2011 (joint ci-après en pdf) la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de confirmer son ralliement à la position de la chambre sociale :
> le salarié, alors qu'il est sur le point de se faire licencier, peut stocker sur sa messagerie personnelle des documents de l'entreprise dont il a eu connaissance pendant son activité professionnelle dans le cadre de sa fonction et qui peuvent lui être utiles pour se défendre lors de la procédure prud'homale qu'il va engager. Ce n'est pas un vol. Il n'y a pas faute. Pas d'abus de confiance non plus.
Des moyens de preuve en béton armé, ainsi libérés, vont connaître une vie nouvelle.
A vos photocopieuses, scanner, donc, pour conserver par devers vous des documents appartenant à l'entreprise – sous les deux conditions ci-dessus - en vue d'une utilisation lors d'une action en justice « sociale ». Cass. Crim., 16 juin 2011, n° 10-85079
Mais la publicité de cette jurisprudence, aura t-elle l'écho qu'elle mérite ? En tout cas, nous ne laisserons pas nos proches et autres connaissances dans l'ignorance de l'importante décision pour la défense des salariés.
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arrêt Cass.Crim. 16 juin 2011, n°10-85079