Peut-on sans « nationalisme », avoir une loyauté particulière envers les membres de son peuple ?
« El pueblo, unido, jamas sera vencido ! », voilà un slogan qui, scandé par une foule, pourra même faire vibrer le cœur de celui qui parfois, exprime son sentiment de devoir se comporter avec une loyauté particulière, envers les membres de « son peuple ». On qualifie souvent cet individu de « nationaliste », et souvent on entend par là qu'il est égoïste, xénophobe, voire rempli d'un sentiment de supériorité par rapport à ceux qui ne sont pas de « son peuple ».
Notre langue elle-même nous incite à porter un tel jugement sur un tel individu. A en croire le dictionnaire (Trésor de la Langue Française), le mot « nationalisme » a en effet deux sens conventionnels.
Par « nationalisme », on peut entendre un « Courant de pensée fondé sur la sauvegarde des intérêts nationaux et l'exaltation de certaines valeurs nationales. », une « Doctrine fondée sur la prise de conscience par une communauté de former une nation en raison des liens ethniques, sociaux, culturels qui unissent les membres de cette communauté et qui revendiquent le droit de former une nation autonome. ».
Mais le plus souvent aujourd'hui, à part dans certains contextes biens précis, le mot « nationalisme » est utilisé pour parler d'un « Courant de pensée qui exalte les caractères propres, les valeurs traditionnelles d'une nation considérée comme supérieure aux autres et qui s'accompagne de xénophobie et/ou de racisme et d'une volonté d'isolement économique et culturel. », d'une « Doctrine qui fonde son principe d'action sur ce courant de pensée, et qui subordonne tous les problèmes de politique intérieure et extérieure au développement, à la domination hégémonique de la nation. ».
Ainsi, d'un individu exprimant quelque chose qui ressemble à du « nationalisme » au premier sens du mot, il est facile de dire qu'il est « nationaliste » au second sens du mot, sans forcément se rendre compte que ce glissement d'un sens à l'autre, n'est juste que si ces deux sens sont équivalents. Or cette équivalence, que notre langue nous aide si bien à admettre sans nous en rendre compte, est-elle bien vraie ?
En vérité, le devoir d'être solidaires envers les habitants du reste du monde, n'empêche nullement aux membres d'un même peuple, d'avoir les uns pour les autres une loyauté particulière. Pour faire les deux à la fois, il leur suffit de s'engager collectivement dans une relation avec le reste du monde, en se répartissant équitablement le cout ou le profit lié à cette relation. Les membres du peuple français pourraient donner 90% de la richesse qu'ils produisent au reste du monde, il leur serait encore possible de se répartir équitablement le cout de ce présent au reste du monde.
Cette vérité peut nous aider à résoudre le problème moral complexe, sur lequel se disputent partisans et opposants de cette désactivation actuelle de nos frontières, qu'on appelle « la mondialisation ». Alors que les opposants à cette désactivation, voient la doctrine qui la justifie comme « l'idéologie des classes dominantes » de l'occident, ses partisans voient cette désactivation comme une « aide », ou une « ouverture » au reste du monde, à laquelle on ne peut s'opposer sans céder au « repli », à « l'égoïsme », ou autre « tentation » « nationale ».
Une bonne part de la complexité morale de la situation dans laquelle sont les habitants de l'occident, réside dans le fait que cette « aide » au reste du monde, que serait la désactivation de ses frontières, ne coute ou profite pas à tous les occidentaux d'une manière équitablement répartie. Les consommateurs qui ne sont pas exposés en tant que travailleurs à la concurrence des pays pauvres et émergents, les détenteurs et gestionnaires du « capital » (possesseurs et dirigeants d'entreprises, détenteurs et gestionnaires d'épargne), profitent de cette désactivation des frontières, tandis que les travailleurs exposés à la concurrence sur le coût du travail avec les pays pauvres et émergents, souvent des travailleurs peu qualifiés, en pâtissent. Les habitants de chaque pays occidental n'ont donc aucune solidarité entre eux, dans leur engagement dans une relation avec le reste du monde, pourtant présentée comme une « aide » au reste du monde, un acte altruiste, une relation solidaire.
« Quelles valeurs allons-nous donc transmettre à nos enfants ? Quelle confiance pouvons-nous donc avoir les uns dans les autres ? », se demandera alors le « nationaliste » occidental, entendant par ce « nous », le « peuple » auquel il croit « appartenir ». Même si la honte ou l'indignation morale sont peut-être justifiées, on peut ne pas en rester là, et se demander comment chaque peuple occidental évitera d'être le jouet des forces transnationales, sans que ses membres aient les uns pour les autres un minimum de solidarité particulière. Si l'on détruit les corps sociaux existants, en forçant leurs membres à se désolidariser les uns des autres, restera-t-il autre chose que du « prolétariat » sous sa forme la plus paroxysmique, c'est à dire des individus isolés, seuls et apeurés, incultes et barbares, et lamentablement pauvres et opprimés ?
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON