Plus c’est long, moins c’est bon !
Des publicités pour Noël le 15 octobre, du crédit immédiat à la consommation avec première mensualité dans trois mois, des films sur Internet avant leur sortie en salle, et, le petit dernier de la famille, la cerise sur le gâteau, une campagne à l’élection présidentielle qui (per)dure six mois...
La liste est loin d’être exhaustive. Mais jusqu’où ira-t-on, dans cette course à l’échalote qui nous fait perdre la notion du présent au bénéfice d’un hypothétique avenir ?
Les lois complètement débridées du libéralisme mondial, commandées par les diktats de sociétés de plus en plus « anonymes », elles-mêmes à la solde d’actionnaires de plus en plus gloutons, ont fait perdre au commerce et aux consommateurs que nous sommes toute notion de mesure. Cette fuite en avant, cette frénésie de transactions nous a propulsés dans un tourbillon de consommation effrénée où la chose achetée n’est plus ni rêvée, ni vraiment désirée. L’achat est devenu réflexe, et l’achat enivre ou détend plus qu’il ne répond à une finalité bien précise. Le plaisir de l’évocation, du mérite et du choix n’existe plus. Cette phase, pourtant si constructive, si éducative, celle de la découverte de soi à travers l’évaluation du besoin, de la création du projet, du tri du « possible » au milieu de ce qui ne l’est pas, avec son lot de discussions, la compréhension de soi et du sens même de l’existence.
- Vite, vite, vite !
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, s’étonnera-t-on encore de voir des amants se séparer avant que de s’être réellement connus, des enfants méprisant l’enfance et des ados tristes comme des adultes ? Des parents qui délèguent de plus en plus automatiquement aux psy la tâche de construire l’âme de leurs enfants, de l’amitié virtuelle par onomatopées interposées, de l’amour à coups de clics et de web-cam, de l’image et du son - quand ce n’est pas du bruit ! - plein les yeux et les oreilles, à chaque instant par peur de faire face à soi ou à son entourage, ne fût-ce qu’un instant. Son propre corps qu’on refuse et qu’on donne à remodeler, tout ces mots travestis par les sémantiques « tendances » et qui ne veulent plus dire ce qu’on avait à dire, au point même qu’on a plus rien à dire, ces sentiments qui ne s’expriment plus qu’à travers des mots disloqués ou des gestes agressifs.
Voilà, à peu de choses près, ce que nous avons construit ou laissé se construire. Le progrès et le modernisme n’ont pourtant de sens que s’ils s’appuient sur une structure, et non sur des sables mouvants. Et voilà que nos politiques, conseillés par des énarques et autres sommités du gotha médiatique, se mettent à enfler ce défilé de l’absurde en lançant leur campagne au mois d’octobre pour des élections qui n’auront lieu qu’en mai suivant.
En se livrant à ce petit jeu, nos dirigeants installent le terreau de l’incompréhension et y sèment les graines du désintérêt. De fait, le scénario vécu en 2002 a toutes les chances de se renouveler pour, finalement, voir élire à la quasi-unanimité un président contesté par la majorité...
Il semble que le monde prenne peu à peu conscience des folies et des dangers d’une production outrancière et d’une consommation insensée. Il serait temps qu’il prenne aussi la mesure qu’une république n’est pas un supermarché, que la réclame et la publicité comparative n’y ont pas leur place, et qu’il est un temps pour chaque chose.
Madame, Monsieur le prochain maître de l’Elysée, nous vous prions de mettre bon ordre à tout ça, en veillant, à l’avenir, au respect de la pluralité, et en fixant les limites temporelles et spatiales à ne pas franchir !
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