Quelqu’un peut dire à Sophie Marceau qu’elle peut voter blanc...
Sophie fait beaucoup pour le septième art, c’est apparemment le point de vue d’Aillagon en tout cas, elle fait également beaucoup pour le développement de la bêtise, c’est moins souvent évoqué. Pourtant l’actualité lui rend enfin Justice grâce au JDD qui publie une interview dont la teneur donne la juste mesure des dispositions citoyennes et politiques de l’actrice...
"En 2007, j’ai été très embarrassée. Je ne voulais pas voter Sarkozy et encore moins Royal. Alors j’ai eu la tentation Bayrou, qui aurait été un non-choix, un vote lâche. Finalement, dans l’isoloir, j’ai choisi à l’aveugle, en disposant les bulletins devant moi, et ma main est tombée sur celui de Sarkozy ».
Une question se pose immédiatement, en 2002, elle a fait comment ? C’est pas pareil, Si c’est pareil, personnellement je ne voulais pas de Chirac, je ne voulais pas de Le Pen mais j’ai quand même été capable de faire la différence entre l’extrême droite et la droite, alors il me semble qu’on doit pouvoir faire une différence entre la droite et la gauche. Mais je suis le genre de femme assommante à faire des tas d’histoires pour des détails.
Mais avant qu’elle réalise un nouveau film partiellement financé par l’avance sur recette et le Centre National de la Cinématographie, signalons utilement à cette icône de la république, cette image de la femme française parfaite** que si elle travaille librement, s’il existe en France un système de financement de la culture et des arts, c’est qu’avant elle des hommes et des femmes politiques se sont battus démocratiquement.
Et que grâce au vote, donc au choix, les citoyens ont fait porter à leurs représentants leur ambition de voir naître des lois autorisant les femmes à voter, à travailler librement sans autorisation de leur mari, à favoriser l’émergence d’une culture plurielle et libre et d’une éducation permettant d’envisager une certaine mobilité sociale.
En politique, quoi qu’en pense Mademoiselle Marceau, l’ordre économique et social d’un pays sont différents selon les hommes qui gouvernent et la gauche et la droite ont une vision très différente de la façon dont doit s’organiser la société. Les mots utilisés sont les mêmes : liberté, égalité et fraternité mais ils ne recouvrent pas les mêmes enjeux économiques et sociaux.
Signalons à cette jeune femme moderne qu’elle devrait prendre conscience de l’importance du droit de vote pour la liberté, et du caractère affligeant de ses propos pour ceux qui aujourd’hui encore n’ont pas la moindre possibilité d’exprimer librement leur souhait de faire émerger le modèle de société et de vie auquel ils aspirent.
Rappelons lui que jusqu’en 1944 le droit de vote avait été refusé aux femmes en raison d’arguments misogynes : celles-ci seraient faites pour être des mères et de bonnes épouses. Certains hommes politiques redoutaient l’influence qu’aurait pu avoir le vote des femmes sur l’évolution de la société. Heureusement Sophie n’était pas née.
Sophie Marceau n’est pas seulement une actrice c’est une citoyenne. Elle gagne beaucoup d’argent certes, cela ne fait pas d’elle un être autonome et indépendant du reste de la société car elle bénéficie comme tout un chacun d’une organisation sociale et économique qui résulte d’un choix politique. Ce sont ces choix qui conduisent à la création d’infrastructures collectives publiques lui permettant de travailler, d’élever ses enfants, de les scolariser librement, de se soigner, de circuler sur des routes…
Qu’elle ne puisse percevoir la différence entre la droite de Sarkozy, la gauche de Ségolène Royal et le centre d’un Bayrou est peut-être compréhensible mais qu’elle méconnaisse à ce point la façon de l’exprimer au cours d’un vote est proprement affligeant.
La démocratie prévoit un mode constitutionnel d’expression du non-choix : ce n’est pas le vote Bayrou (un vote lâche ?), ni le vote à l’aveugle, c’est un acte simple, qui est comptabilisé et qui permet aux politiques de mesurer le décalage entre leurs propositions politiques et l’attente des citoyen ou leur déception : le vote blanc.
Le vote d’une Sophie Marceau influence peu mais en revanche son expression contribue à l’intensification de la bêtise, à la négation de la démocratie, et au développement du « tous pareils » rapidement suivi du « tous pourris » si utiles à l’effondrement de l’engagement républicain des citoyens et à l’émergence d’une considération qui donne aux élites l’impression qu’ils sont les seuls à être suffisamment éclairées s’autorisant ainsi à s’affranchir de l’avis des populations qu’ils gouvernent.
De surcroît, oublier ainsi ce que recouvre le vote et le geste du vote, c’est oublier parallèlement que les femmes n’ont pas toujours eu ce droit politique et social d’expression, et que le droit de vote est un moyen pacifique de faire changer la société en en confiant le gouvernement d’un pays à certains plutôt qu’à d’autres
Que les médias relaient les propos aussi stupides fait réfléchir car notre système démocratique est certes imparfait mais il a un mérite qui ne saurait être réduit à la portion congrue de l’analyse : c’est qu’il met en concurrence des modèles politiques et sociaux qui ne signifient en aucun cas la même chose au regard de l’organisation économique et sociale d’un pays.
Quand une femme, actrice médiatisée, qui s’exprime librement et incarne pour certains la modernité, qui est considérée et récompensée par des Ministres de la République profère de telles aberrations, il y a des raisons objective d’indignation.
Alors accessoirement, rappelons pour sa gouverne à « la femme conquérante et l’actrice ambitieuse » qui « (incarne) la liberté et la révolte « et « l’image de la femme parfaite, et qui « mérite pour cela la gratitude de la République »**,
** Discours de Jean Jacques Aillagon lors de la remise de la médaille d’officier des arts et lettres à Sophie Marceau
76 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON