Réforme territoriale : enterrement de 1ère classe
Souvenez-vous, c’était au début du quinquennat, il n’y a rien eu de plus urgent que de supprimer la loi votée par la majorité précédente sur les conseillers territoriaux et de rétablir la clause de compétence générale qui vient juste d’être supprimée pour les Régions et les départements : allez comprendre…
Et puis, il y a eu ces déclarations martiales sur la suppression des départements et les économies qu’on allait faire (10 milliards par an selon Vallini).
Et puis, et puis il y a eu cette loi sur le redécoupage des régions à laquelle personne n’a compris grand ’chose, cette autre loi sur les métropoles, une autre sur les fusions de communes (les communes nouvelles) et encore une autre sur le redécoupage des cantons et l’élection de binômes homme/femme dans ces nouveaux cantons et cerise sur le gâteau la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République du 16 juillet dernier…
Tout cela aurait pu figurer dans un seul et même texte voté dans les deux premières années du quinquennat, mais c’eut été trop simple et surtout trop révolutionnaire, pas pour les citoyens, mais pour les élus.
Incohérence ? Non, clientélisme et lobbysme politiques
Réformer un système en votant une loi qui supprime des avantages ou diminue le rôle des élus est une mission impossible.
A la manœuvre, on a donc trouvé d’un bout à l’autre de cette histoire lamentable les sénateurs, champions du clientélisme et qui achètent les voies de leurs grands électeurs à coup de subventions issues de la réserve parlementaire : de l’argent de vos impôts distribué en fonction de la stratégie des sénateurs et de leurs partis pour conserver leurs postes. N’allez pas imaginer que la droite est pire que la gauche ou le centre en ce domaine : ça fait partie de leurs gênes.
A la manœuvre également, le patron du lobby des départements dont l’un d’entre eux était prêt « à faire la grève de la faim si on supprimait les départements » et ce cher Radical (de gauche…) Baylet, prêt à remettre en cause la participation de son parti au gouvernement !
Sans oublier, bien évidemment l’association des Maires de France qui ne voulaient absolument pas de transferts des compétences des communes vers les intercommunalités, et sans oublier toutes les autres associations (petites communes rurales, communes de montagne, etc..) qui ont bien savonné la planche de la réforme, ni les fédérations des travaux publics, du bâtiment et autres associations professionnelles qui ne voient qu’avantages à l’émiettement des collectivités pour remplir leurs carnets de commandes.
Les élus, les partis politiques et les lobbies de toutes sortes ont donc gagné et le citoyen ne comprendra pas mieux le système et continuera de s’abstenir aux élections locales.
Rentrons un peu dans le détail…
Pour les Régions, quels changements ? Les fusions de certaines Régions entre elles vont entraîner des surcoûts puisqu’il va falloir louer ou construire de nouveaux locaux pour accueillir la totalité des élus des anciennes régions, sans compter les frais de déplacements des élus qui vont augmenter et du personnel qu’il va falloir pour faire fonctionner le système (dans les anciennes Régions on se contentera sans doute de recycler les personnels qui perdront leur travail en les affectant sur d’autres missions). Et puis que vont devenir les locaux des anciennes régions déchues ? En matière de communication, il faudra s’attendre aussi à quelques factures salées pour les nouveaux logos et les chartes graphiques, de même que pour la fusion des systèmes informatiques et autres joyeusetés.
En ce qui concerne les compétences des régions, pas de révolution induites par la dernière loi : un peu de développement économique, un peu de développement durable du territoire et les transports interurbains et scolaires transférés des départements.
Pour les départements, centrés sur la solidarité sociale et territoriale (rien de changé, donc), on a cherché à préserver un peu d’investissement en leur laissant les routes et les collèges pour que les conseillers territoriaux puissent figurer dans la presse locale lors des inaugurations. Rappelons l’incohérence qu’il y a à leur laisser les collèges alors que la Région qui gère les lycées aurait pu absorber cette compétence, sans compter que les départements qui abritent une métropole vont perdre certaines de leurs compétences restantes au profit de celle-ci. On a donc simplement habillé la réforme pour éviter que l’inutilité des départements ne saute trop aux yeux et maintenir une collectivité en soins palliatifs, uniquement pour que la corporation des élus ne perde 4000 de ses membres.
Pour les intercommunalités, le combat a été rude puisque le texte prévoyait initialement un plancher de 20000 habitants et le transfert de compétence en matière d’urbanisme des communes. Faute donc d’avoir des intercommunalités capables de gérer un territoire on continuera avec nos 36300 communes, dont 27400 de moins de 1000 habitants, condamnées à tendre la sébile auprès des autres collectivités et quémander un peu de la réserve parlementaire pour pouvoir acheter deux bacs à fleurs pour embellir la façade de la Mairie.
Restent la création de Métropoles, dont l’avenir nous dira ce qu’elles sont capables de faire et la loi sur les communes nouvelles (fusions) dont l’échec est déjà programmé (comme toutes celles qui allaient dans le sens de la diminution du nombre de communes depuis 40 ans), autant dire pas grand ‘chose que l’on puisse qualifier de réforme.
Pourquoi ce fiasco ?
Manque de volonté politique ? Certainement ! Poids des élus et des partis ? Sûrement ! Lobbying intensifs du monde économique ? Assurément !
Tout s’est passé comme si, devant la situation économique du Pays il était urgent de ne pas casser le jouet de tout ce beau monde pour que l’on continue à dépenser de l’argent dans les collectivités territoriales, voire en dépenser plus encore, pour des projets pas toujours utiles, dont l’entretien futur coûtera cher lui aussi et pour nourrir et entretenir des élus inutiles qui prendront ces décisions.
L’Etat qui avait diminué les dotations des collectivités (15 milliards sur 3 ans) s’apprête d’ailleurs à leur redonner de l’argent pour qu’elles investissent davantage.
Cher contribuables, attendez-vous donc à voir vos feuilles d’impôts grimper pour alimenter une économie artificielle dont le seul mérite actuel est de maintenir des emplois à deux ans des prochaines présidentielles.
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