Refus ADN, une nouvelle lutte contre Big Brother
Pour avoir refusé d’ouvrir la bouche et d’y laisser prélever sa salive, Benjamin Deceuninck, un agriculteur de vingt-six ans, devra payer une amende de cinq cents euros.
(D’après un billet de Matthieu de Taillac) L’intéressé est un des membres du collectif français Refus ADN, qui milite devant les tribunaux pour préserver la confidentialité de l’ADN. Celui-ci étant unique, il permet d’identifier à une personne avec une sécurité presque absolue.
En juin 2006, la gendarmerie l’a convoqué pour extraire un peu de salive de sa bouche, et ainsi établir son code génétique pour garder l’information dans un dossier national, avec quelque 300 000 autres personnes fichées.
En effet, cinq ans auparavant, en 2001, Deceuninck avait commis l’une
des 137 infractions qui autorisent à la police à exiger son identité
génétique. Son infraction a consisté à faucher un champ de betterave
transgénique, comme des dizaines d’écologistes activistes en France,
pour attirer l’attention sur les risques de ce type de produits
agricoles.
Une centaine de Français ont déclaré leur opposition à l’archivage des
données ADN. Ils justifient leurs positions par des arguments
politiques. Ils craignent en effet la constitution d’une base de
données génétiques, servant à classer les individus en fonction de
leur appartenance politico-religieuse, un peu comme l’avait décrit
Georges Orwell dans son roman 1984.
Quand a été créé le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)
par le gouvernement du socialiste Lionel Jospin, en 1998, il devait se
limiter à conserver les données des délinquants sexuels. Mais peu à
peu, les lois successives ont étendu la liste des cas pour lesquels
on peut réclamer l’ADN d’un individu.
Deux mois après les attentats de du 11 septembre 2001, les législateurs
ont inclus entre autres les actes de terrorisme, les
attaques contre les personnes et contre les biens quand ils sont
accompagnés de violence (incendies, destructions...).
En 2003 la loi de sécurité intérieure, connue aussi comme loi Sarkozy, donne la possibilité d’exiger l’ADN d’une personne pour des infractions plus légères. En outre, cette réforme prévoit la possibilité d’exiger l’identité génétique non seulement de personnes condamnées par la Justice, mais aussi de simples suspects.
Benjamin Deceuninck organise la résistance contre ces divers durcissements de la loi avec le collectif Refus ADN, qui regroupe les opposants à l’existence des archives génétiques.
« C’est un outil démagogique qui ne résout rien », déclare Deceuninck. Il cite le cas britannique, où trois millions de personnes ont leur fiche, pour montrer l’inefficacité du registre. En outre, il rappelle que parmi les 300 000 entrées de la base de données française, 180 000 correspondent à des individus qui n’ont commis aucune infraction.
Jean-Jacques Gandini, l’avocat de Benjamin Deceuninck, membre de la Ligue des droits de l’homme, explique que la loi Sarkozy a permis
l’utilisation du FNAEG pour les « trois quarts du Code pénal ». Il critique aussi le fait que les données génétiques sont conservées quarante ans. «
Pendant quarante années on considère les personnes inscrites dans les
archives comme des suspects potentiels, c’est un risque pour les
libertés fondamentales », juge-t-il.
Source EL PAIS de 04/12/06 et Refus ADN.
Communiqué de presse de Benjamin Deceuninck
En dehors des militants altermondialistes, bien d’autres acteurs de diverses mouvances politiques sont concernés par le fichage de l’ADN, les risques de dérives sont grands. Peut-on en effet mettre sur un pied d’égalité les militants et les délinquants sexuels ?
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