Rendons à César...
... ce qui appartient à César. Rendons lui, son temps et ses propres idées. Bien. Et si chacun s’appelait, un jour, César, avec sa propre histoire, ses anecdotes, bien à lui.
Le monde des humains se veut dans le vent. Pas dans la bise mais le plus souvent dans la tempête. Le temps est galvaudé. On n’aime pas trop la nostalgie du passé. L’histoire doit s’écrire avec un grand "H" pour intéresser ou être ignorée de tous.
Est-ce la seule "fuite en avant" qui motive à agir sans respect pour des sources plus intime ? Fuite en avant qui pousse à effacer ses propres instants présents comme s’il n’était qu’un mauvais moment à passer.
Cette tendance de chercher un modèle commence déjà depuis la plus tendre enfance. Les « grands » leur suscitent une envie d’accélérer le temps pour qu’ils ressemblent à leur propre image.
On pourrait croire que ce serait pour chercher à grandir en liberté. Pas vraiment.
L’adolescent voudra d’abord singer son père pour s’en dissocier, ensuite.
Il se choisit un "remplaçant", un mentor idéologique. Il se retourne vers des modèles en s’habillant comme eux, en parlant comme eux. L’esprit de bande avec un leader, dans le réel. Un esprit de clan, dans le virtuel. Sur Internet, cela se transformera dès lors en bocalisation des blogs.
Les blogs, on penserait qu’ils viendraient ajouter des bribes supplémentaires à l’histoire commune en passant par l’intimisme et des idées personnelles. Et bien, non, ce n’est pas ce qui se passe en réalité. Les blogueurs sont tenté de jouer au journaliste. S’ils étaient chroniqueur local avec une vision apportée par sa propre expérience, ce ne serait pas une déviance. Mais c’est plutôt parler de tout avec très peu de connaissance du terrain.
Dans une société qui n’existe que pour les gagnants, il croira avoir raté sa vie dès le premier échec, la première remise à sa place. L’esprit d’équipe ne sera souvent qu’un leurre.
Puis, tout va de plus en plus vite. La perception du temps devient plus que suggestive, perdue et partagée entre métro, boulot et dodo. La liberté, le rêve, n’existent plus, dépassés par toujours plus d’obligations et de contraintes.
Pourtant, chaque période a son lot de souvenirs, de bons moments et de périodes plus "indigestes" qui ont trouvé un coin plus désagréable dans le passé. Parties de notre histoire intime qui s’échappent de la mémoire.
Pourquoi cette honte à vouloir ressortir de vieilles histoires personnelles jaunies par le temps ? Et si on se lançait carrément dans l’intimisme.
Ces moments de "grâces" ont pourtant une place de choix. Cela commence alors par ces mots...
- Tu te souviens de...
Paroles idiotes, magiques, parfois, histoires banales pour les autres, probablement.
Les souvenirs sont là pour fixer un cliché de notre présent. Ce seront des repères, des moments de vacances, des rencontres, des événements fortuits qui reviendront tel un déclic. Si les livres enregistrent le côté officiel du passé, c’est bien naturel. Les anecdotes s’y ajoutent et n’ont pas moins d’intérêts. Ce serait croire au Père Noël que de penser devenir riche seuelement en se rappelant des événements et de l’histoire des autres. Ils ne se retrouveront pas dans les questions d’un jeux tel que "Questions pour un champion", mais ils n’en auront pas moins une valeur intrinsèque.
Qui tient encore un journal intime, aujourd’hui ? C’est devenu ringard. L’ambiance ne s’y prête plus. Pour intéresser, chacun ne pense plus qu’à s’extraire de lui-même et répercuter l’information que tout le monde connaît par la presse officielle.
L’idéosphère reste dans l’ornière des chemins battus, sans s’enrichir des expériences multiples. Les idées évoluent sans cesse. Elles se propagent, se relayent, s’amplifient par la parole, les écrits et parfois par les actes ou s’endorment pour ne plus se réveiller.
Facebook joue ce rôle de bouée de secours plus intimiste par son but social. Des photos personnelles y sont diffusées pour communiquer. Cela fait son succès. Les blogs en voulant jouer dans la cour des grands en oublie son âme de partage de l’information en rendant le temps de chacun et en restituant ses moments de plaisir et d’émotions du vécu. Parler tout haut de soi, c’est se confronter aux idées et expériences des autres. Le rêve peut ainsi refonctionner.
Motivé par le conformisme et l’égalisation de pensée, on a plutôt tendance de ne plus se battre pour être dans les premiers, mais pour ne pas descendre trop vite parmi les derniers dans une même défaite.
Mon nom est "personne", s’il reste maquillé derrière un pseudo, dans un anonymat de la peur. Un pseudonyme est utilisable s’il reste représentatif ou plus expressif qu’un nom propre.
Les "Réflexions du Miroir" que vous êtes en train de lire a ce souci et cet objectif de sortir le miroir de son tiroir. Elles n’en ont rien à cirer de rester dans l’actualité. Elles voudront s’en extraire le plus souvent. Exit les préjugés. Faisons fondre cette glace pour aller voir ce qui se cache sous l’iceberg.
La petite histoire est ce qui restera quand on aura tout oublié.
Vous en voulez une anecdote banale pour tout le monde, mais mignonne pour moi ?
Un jour, une collègue avait remarqué qu’elle manquait ses boucles d’oreilles.
Elle téléphona à l’opératrice asiatique qui s’occupait alors de nos trois machines énormes avec laquelle nous dialoguions à courtes distances. Pas d’Internet, à cette époque, une simple connexion Ethernet.
- Dites, vous n’auriez pas trouvé mes boucles d’oreilles dans la salle machine ?
- C’est sur le B, le C ou le D ?, questionna l’opératrice qui ne se figurait même pas le concept de ce qu’on lui demandait. Habituée de répondre par la lettre alphabétique qui correspondait aux machines et à ses propres outils, elle continuait simplement son travail, un peu en automate, sans réfléchir à ce qu’on lui demandait.
Dans un dialogue de sourds et de quiproquos, le jeu de question-réponse revint en boucle dans l’incompréhension, la plus totale.
Chacun restant dans son propre environnement, ses propres notes, sans essayer de comprendre la partition de l’autre.
Cette anecdote, une fois racontée, revint encore souvent dans les conversations par la suite, générant à chaque fois, les mêmes sourires. Elle s’éteignit ensuite en passant de la mémoire vivante à la mémoire morte, tout en restant disponible.
L’anecdote m’était revenue récemment. Elle n’avait pas pris une ride dans mon esprit.
Comme disait dans un de ses spectacles, Fred Pellerin, conteur québécois, "Il faut prendre le taureau par les contes".
Chacun a un jour de gloire pendant lequel il pourra se sentir comme un César avec son histoire.
L’enfoiré,
Citations :
- "Le Temps nous égare Le Temps nous étreint Le Temps nous est gare Le Temps nous est train.", Jacques Prévert
- "Temps : ce que les hommes essayent toujours de tuer, mais qui finit par les tuer.", Herbert Spencer
- "Je n’aime de l’histoire que les anecdotes", Prospère Mérimée
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