Réponse au député Pascal Brindeau
Cher Monsieur le Député,
Je vous remercie d'avoir répondu à ma lettre ouverte.
Cependant, au regard des enjeux que j'évoquais, les arguments que vous avancez pour justifier les choix gouvernementaux sont au mieux contestables, au pire fallacieux. Au risque de paraître « scolaire », je me permets de vous répondre point par point.
« [...] Je voudrais vous faire remarquer que l'on met trop souvent à toutes les sauces ce beau mot [de souveraineté] qui doit être synonyme, à mon sens, de liberté et de démocratie. »
Monsieur Brindeau, vous sous-entendez ici qu'« on » pourrait utiliser le mot « souveraineté » pour promouvoir autre chose que la démocratie et la liberté : la xénophobie peut-être ? A mon sens, vous ne devriez pas utiliser le « on ». Colporter une rumeur n'est pas digne d'un député.
De plus, vous vous érigez en juge capable de désigner ceux qui parlent mal et ceux parlent bien de souveraineté. Pour vous éviter cette charge, je rappelle à votre mémoire l'article 3 de la Constitution de la 5ème République : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. »
« Je sais le Président de la République et la majorité présidentielle à laquelle j'appartiens, profondément attachés à la souveraineté de notre Nation. »
Cette incantation facile est insultante, car ma lettre argumentée démontre clairement l'inverse.
« Dans des domaines essentiels comme la politique internationale et européenne de la France, cette volonté de préserver notre souveraineté et notre modèle social s'est illustrée. »
Les français constatent le contraire. Une nouvelle fois, votre réponse brille par son absence d'argumentation.
« Vous citez l'exemple du traité de Lisbonne. Celui-ci est une continuité de la construction européenne, singulièrement depuis le Traité de Maastricht et il me semble que, sur ce point au moins, la plupart des partis de la gauche de gouvernement et ceux de la droite républicaine partagent une vision commune. »
Quelle importance accordez-vous à la volonté souveraine du peuple français exprimée lors du référendum de 2005 ? Je note avec effroi qu'à aucun moment votre réponse n'y fait allusion. Vous opposez clairement la souveraineté du peuple à la volonté d'une certaine élite politique gouvernante : UMP et PS, et leurs petits partis féodés (Nouveau Centre, etc.).
L'adoption du Traité de Maastricht en 1992 ne vous confère pas le droit de décider pour notre futur contre notre volonté, en particulier lorsqu'il est question de notre Constitution. Car il s'agit bien d'une Constitution Européenne, et non d'un simple Traité, comme vous tentez de nous le faire croire.
Vous faites aujourd'hui de l'abus de pouvoir. Parce que vous le saviez fondamentalement impopulaire, vous avez soigneusement omis d'informer le peuple français sur la nature réelle de votre projet.
« Je crois que le danger d'un tel débat est de confondre souveraineté et nostalgie de temps et de modèles révolus. »
Oui, nous sommes nostalgiques d'un certain modèle social français, car il faisait l'objet d'un consensus populaire, et non, ce modèle n'est pas « révolu ». Ce que vous avez défait, nous pouvons et nous allons le refaire, en mieux. Bien entendu, cela mérité débat, mais je crois qu'en démocratie, il ne faut pas en avoir peur.
« Le retour au Franc comme le préconise l'un des parlementaires que vous avez cités en référence est un miroir aux alouettes. En quoi le retour à une monnaie qui serait soumise à une plus grande spéculation encore que l'euro, et dont la stabilité dépendrait largement non pas des choix de la banque centrale nationale mais de la santé économique du marché commun et plus globalement des flux financiers internationaux, constituerait-il un retour de souveraineté ? C'est tout le contraire qui se produirait. »
L'Euro que les européistes ont mis en place, et que vous vous obstinez à défendre alors qu'il s'effondre, le voilà, le miroir aux alouettes. A ce sujet, on a pu entendre M. Jacques Attali déclarer sur BFM TV : « Quand on a fait les euros, on savait qu'ils disparaitraient dans les 10 ans si on n’y associait pas un fédéralisme budgétaire : "euro-bonds", taxation européenne, et un contrôle des déficits. On le savait ! ». Connaissez-vous le concept du pompier-pyromane ? Les européistes ont créé une monnaie commune qu'ils savaient vouée à mourir si nous n'adoptions pas leur remède miracle : un gouvernement européen. Sur la forme, c'est un répugnant passage en force !
Sur le fond, vous avez tort :
- l'Euro ne nous protège pas. Sur 10 ans, les classes moyennes et pauvres ont clairement vu leur niveau de vie baisser, avec des prix à la hausse et des salaires qui stagnent.
- l'euro est trop cher pour nos exportations.
Par ailleurs, les pays européens les plus soumis à la spéculation font partie de la zone Euro (Grèce, etc.), et l’euro ne les a pas spécialement protégés... Les pays européens en dehors de la zone euro (Angleterre, Suisse, Danemark, etc.) ne se bousculent pas pour se mettre à l'abris derrière ce « rempart ».
Retrouver notre souveraineté, à mon sens, signifie maîtriser notre destinée. Le gouvernement, avec la caution de l'Assemblée Nationale, a fait des choix qui s’avèrent mauvais pour le plus grand nombre. Nous ne sommes pas inexorablement voués à être soumis à des « flux financiers internationaux ». La spéculation n'est pas un danger forcément mortel, elle doit être maîtrisée. Et pour ce faire, la monnaie ne doit plus être créée par les banques privées, mais par la Banque de France. La dette est le fruit de la libre entreprise des banquiers rendue possible par une habile loi promulguée en 1973.
En effet, sans qu'aucun débat public ne soit engagé au préalable, la loi dite de Giscard-Pompidou a privé la France de son droit régalien de battre monnaie, revenant sur la volonté du Général de Gaulle de nationaliser la Banque de France en 1945. Le gouvernement français a donc obligé la France à emprunter sur le marché privé, contre l’intérêt général. Après 40 ans de budget déficitaire majoritairement induit par des réductions d’impôts illégitimes (niches fiscales, etc.) et les intérêts cumulés, la France se retrouve aujourd'hui endettée d'une somme colossale : 1700 milliards d’euros, pour le plus grand bonheur des créanciers. C’est le plus grand casse du siècle. Aujourd’hui vous voulez enfoncer le clou en finalisant sa mise sous tutelle par Bruxelles, en entrainant notre pays dans cette spirale destructrice. C’est la mort de la démocratie.
« En réalité, ceux qui préconisent l'abandon de l'euro devraient aller jusqu'au bout de leur logique, dont ils savent qu'elle est tout bonnement inenvisageable : la sortie de la France de l'Union européenne. »
Inenvisageable pour qui ? Pour ceux qui en profitent ? M. Jacques Attali a lui-même avoué : « [...] ceux qui, comme moi, ont eu le privilège de tenir la plume pour écrire les premières versions du traité de Maastricht, se sont bien engagés à faire en sorte qu’en sortir, ne soit pas possible. On a soigneusement oublié d'écrire l'article qui permet d'en sortir [rires de l'auditoire]. C'est peut-être pas très démocratique... ».
Votre argumentation se base donc sur un processus anti-démocratique.
« L'isolement n'est pas un gage de souveraineté bien au contraire, c'est dans le monde tel que nous le vivons, la certitude de la faiblesse et du déclin. »
Monsieur Brindeau, vous n’excellez pas uniquement dans la maîtrise de la langue de bois, vous maniez également à la perfection les vieilles ficelles de la peur. Pour reprendre les mots du Général De Gaulle de 1967 qui, déjà, nous mettait en garde contre les dévots de l’obédience atlantique, vous êtes un apôtre du déclin.
« Il en va de même de notre politique de défense : la réintégration dans le commandement de l'OTAN était inscrite dans le sens de l'Histoire. A aucun moment d'ailleurs, la volonté du Général de Gaulle n'a été de quitter l'organisation militaire. »
L'OTAN n'avait de sens dans l'Histoire que pour contre-balancer le géant soviétique. Je vous invite à lire cet extrait de l’allocution du Général de Gaulle du 10 août 1967 qui prouve que sa volonté était bien de sortir de l’OTAN :
« [...] Pour que la France ait prise sur la paix, en ce qui la concerne elle-même et, autant que possible, en ce qui concerne les autres, il lui faut l'indépendance. Aussi se l'est-elle assurée. Dès lors que l'Amérique et l'Union Soviétique, colossales par leurs dimensions, leur population, leurs ressources, leurs forces nucléaires, sont partout et dans tous les domaines en rivalité permanente, chacune a naturellement constitué autour d'elle un bloc d'Etats qui lui sont directement liés, sur lesquels elle exerce son hégémonie et auxquels elle promet sa protection. En conséquence de quoi ces Etats conforment, bon gré mal gré, leur politique à celle de leur grand allié, lui soumettent leur défense, lui confient leur destinée.
En se retirant de l'OTAN, la France, pour sa part, s'est dégagée d'une telle sujétion. Ainsi ne se trouverait-elle entraînée, éventuellement, dans aucune querelle qui ne serait pas la sienne et dans aucune action guerrière qu'elle n'aurait pas elle-même voulue. Ainsi est-elle en mesure de pratiquer, comme elle le juge bon, d'un bout à l'autre de l'Europe, l'entente et la coopération, seuls moyens d'aboutir à la sécurité de notre continent. Ainsi peut-elle, dans un monde que beaucoup d'abus anciens ou nouveaux tiennent en effervescence, soutenir, suivant sa vocation, le droit de chaque peuple à disposer de lui-même, droit qui est aujourd'hui le fondement nécessaire de toute confédération, la condition impérative de la concorde internationale, la base indispensable d'une réelle organisation de la paix. »
« Aujourd'hui, la voix de la France est entendue et respectée. C'est une chance, et le leadership exercé par Nicolas Sarkozy n'y est pas étranger. C'est une chance aussi. Au-delà des gesticulations, des surenchères de campagne et du populisme de comptoir, notre pays a besoin de se mobiliser, de se rassembler pour affronter des changements sans commune mesure avec ce que nous avons connu. »
Notre pays se réveille, se mobilise, et agit en faveur de l'émergence d'une société nouvelle, fondée sur les principes de la Démocratie. Nicolas Sarkozy n'est respecté ni en France, ni à l'étranger. Son affligeant : « casse toi, pauv' con ! », son discours de Dakar, son arrogance envers les autres chefs d'état, la stigmatisation des Roms (et j'en passe...) ont réellement sali la fonction de président et l'image de la France dans le monde.
Paul Ricoeur donne une bonne description de ce à quoi nous voulons œuvrer : « Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ses contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vu d’arriver à un arbitrage ».
C'est ce que je souhaite et c'est le sens de mon engagement citoyen en politique.
Je vous remercie de l'attention que vous porterez à cette analyse exhaustive de votre réponse.
Bien cordialement,
Jennifer Cingouin et Raphaël Berland, du Cercle des Volontaires.
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