Révision de la Constitution : un irresponsable peut-il « gouverner » ?
Président de la République. Il ne peut accomplir plus de deux mandats successifs (art. 2). Certaines nominations sont soumises à l’avis d’une commission de parlementaires (art. 4). Le chef de l’Etat peut "prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès ou l’une ou l’autre de ses assemblées. Son allocution peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui n’est suivi d’aucun vote" (art. 7). La prorogation de l’Etat d’urgence au-delà de douze jours doit être autorisée par la loi (art. 14).
Gouvernement. Le nombre maximum de ministres est fixé par une loi organique (art. 3). Le gouvernement n’est plus "responsable de la défense nationale" mais "met en œuvre les décisions prises" par le président de la République (art. 8).
Remarques : l’article 2 est un article qui semble plutôt intéressant car il sous-entend qu’un président n’aura pas à faire l’effort de « durer » lors de son deuxième mandat… Mais en même temps, faute de motivation, cela ne va-t-il pas entraîner l’effet contraire… Un président qui va non pas agir, mais se « reposer » puisqu’il n’y aura plus d’enjeux ? S’ajoute à cela que la France a déjà testé la limite du mandat. C’était en 1848. Le premier président s’appelait Louis Napoléon Bonaparte. A la fin de son mandat, faute de pouvoir se représenter, et en dépit du désir des citoyens de le voir « rempiler », Louis Napoléon Bonaparte n’ayant pas obtenu l’autorisation de faire sauter la limite constitutionnelle, a fait ce qu’on appelle un coup d’Etat. Et si l’on regarde, par ailleurs, ce qui se passe en Russie, on constate que cette limite peut être contournée. Ne faudrait-il, dès lors, pas songer à contraindre le successeur de tout président ayant effectué deux mandats, à ne pas choisir comme Premier ministre, son prédécesseur ?
L’article 8 est aussi intéressant, dès lors qu’il a l’ambition de clarifier le rôle du gouvernement et du président. Là où le bât blesse, c’est qu’une fois de plus, la situation de cohabitation – même si elle semble ne pas pouvoir se reproduire en raison du quinquennat : il ne faut jamais dire jamais. Les citoyens n’étant pas des robots. D’ailleurs, la cohabitation n’était pas prévue dans la lettre de la Constitution de 58 – n’est pas prise en compte. Comment peut-on en effet penser qu’un Premier ministre socialiste pourrait « mettre en œuvre les décisions prises par le président de la République » si le Parlement, composé majoritairement d’élus hostiles à la politique du président, en décident autrement ? S’ajoute à cela que cet article tend à supprimer, en partie, la prérogative gouvernementale du Premier ministre, sur les affaires extérieures de la France… Et donc, paradoxalement, à rendre constitutionnel, le « domaine réservé » si conspué… pourtant… par Nicolas Sarkozy. Etant déjà « chef des armées », le président n’a pourtant pas besoin de l’article 8 pour assurer la légitimité. Mis à part le désir de prendre à son Premier ministre sa mission de « gouverner » dans ce domaine, cet article semble donc assez inutile.
S’ajoute à cela que brandir la réforme du quinquennat, et de l’inversion du calendrier électoral, pour donner un pouvoir d’exécution au président, n’est ni raisonnable ni responsable. La seule justification de l’octroi de compétences supplémentaires, pour n’importe quel élu, c’est le fait qu’il soit encore rendu plus responsable politiquement, mais aussi juridiquement.
Or, cet article 8 vise à donner, rappelons-le, le pouvoir de « gouverner » à un président, qui est, et reste, complètement irresponsable sur le plan politique et juridique. Y compris sur ses « manquements » à ses « devoirs » définis à l’article 5, que le Parlement, par complaisance ou autre, a volontairement laissé flous.
Il faut bien rappeler que le président, dans la Constitution telle qu’elle a été conçue par le général de Gaulle, est un surveillant et non un directeur en chef. Tant que ce dernier ne pourra pas être renversé en cours de mandat, il est inadmissible qu’il dirige seul quoi que ce soit. Sa vraie fonction est de vérifier que les pouvoirs publics fonctionnent normalement, conformément à la volonté du peuple et à la Constitution. Il ne doit pas diriger le gouvernement, mais veiller à ce qu’il applique bien la politique voulue par le Parlement et par le peuple. C’est seulement lorsqu’il se produit un dérèglement qu’il peut intervenir, par ses pouvoirs propres (dispensés de contreseing). Ainsi, avec la dissolution et le référendum, il peut faire appel aux citoyens. Etre politiquement responsable, c’est pouvoir être révoqué à tout instant quand on ne fait pas ce que le peuple veut. Il est donc normal, quinquennat ou pas, que le Premier ministre « gouverne » et que le président, lui, fasse ce que la Constitution lui impose : présider.
Cela ne signifie pas que le président doit rester dans son « château » à écouter le bruit des travaux, pendant que son Premier ministre se coltine tout le travail. Cela signifie uniquement que le président, élu au suffrage universel donne une « vision » à son équipe gouvernementale, qui est chargée de « gouverner » le pays, c’est-à-dire de prendre des décisions ayant un impact positif ou négatif, pour le pays. Le président a, de ce fait, la charge de « soutenir » son gouvernement, et le Premier ministre (s’ils sont du même parti). A cela, il faut rajouter que le président doit jouer au VRP pour la France, en signant des contrats, etc.
Son implication dans le domaine politique est normale, mais il ne doit pas empiéter sur le domaine du Premier ministre. Pour une raison simple : le président a pour rôle premier de rassembler les Français. Il doit « incarner » la France, c’est-à-dire se placer au-dessus des partis. Quand il prend trop « parti », il met en cause son image, sa crédibilité. Sans être un roi, le président incarne l’unité du pays, comme la représentation nationale. Il ne lui est donc pas permis de se séparer d’un Premier ministre, qui permet à la France de protéger non pas le président en lui-même, mais bien le régime politique, le contrat social.
Si éventuellement, le Parlement souhaitait rendre plus responsable le président, il pourrait s’inspirer de la IIe République, laquelle rendait le président politiquement et juridiquement responsable. C’est un système présidentialiste. Mais, pour cela, il faudrait un référendum, car les parlementaires n’ont pas été mandatés pour changer de République… Et passer d’un régime mixte à présidentiel, c’est justement modifier la nature, l’essence même de notre texte fondamental.
Rajoutons que, pour l’heure, le système peut fonctionner, car la signature du Premier ministre est obligatoire pour rendre légale une décision du président. En enlevant le contreseing, ce serait permettre, en quelque sorte, l’Empire, sans passer par le coup d’Etat.
A cet égard, peut-être serait-il bon de prévoir que le fameux « bouton » de l’arme nucléaire ne puisse être poussé, sans la signature du Premier ministre. Je ne crois pas que ce soit le cas actuellement. Or, du fait de son irresponsabilité juridique comme politique, le président est et demeure incontrôlable. Imaginons que, par le plus grand des hasards, la France se retrouve avec à sa tête un fou ! (Comme jadis sous la Monarchie : Charles VI), un monstre ! (Comme Hitler) Ne serait-il dès lors, pas utile, de conférer la nécessaire obligation, pour le président, avant d’envoyer à la mort des civils, de prévoir le contreseing, et du Premier ministre, et du ministre de la Défense… Lesquels se verraient contraints d’avertir le Parlement dans les plus brefs délais ?
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