Sécheresse en vue, en 2006 : réalité, fiction ?
Voilà, vous serez prévenus, les têtes pensantes de l’Etat commencent à alerter l’opinion au sujet d’une éventuelle sécheresse en 2006. Nelly Olin, la ministre de l’Ecologie, a briefé jeudi 5 janvier dernier les préfets et le monde agricole, et aussi les responsables industriels, et finalement la population. Ce qui a permis à notre ministre de l’Ecologie de faire une telle sortie, c’est le constat d’un déficit de pluviométrie qui dure depuis trois ans en France, et qui se trouve aggravé par un défaut de pluie cet automne. Ce manque d’eau est estimé, sur le plan national, à 70%, avec des disparités entre les différentes régions. Ainsi, tandis que la façade atlantique accuse une tendance à la sécheresse, les départements du sud semblent davantage épargnés.

Cette annonce alarmiste est passée pratiquement inaperçue, vu l’actualité extrêmement riche de ce début d’année. Pourtant, ce type d’annonce, en forme de principe de précaution, marque une forme d’impuissance des autorités. D’ailleurs, quoi de plus normal que d’afficher de l’impuissance face aux forces naturelles ? Cette impuissance est plutôt le signe, peut-être, qu’il est temps de devenir plus humble vis-à-vis de la nature. Il est temps de prendre conscience que l’être humain, malgré sa créativité, n’est pas en mesure de contrôler des phénomènes ni rationnels, ni prévisibles, et dont les forces en jeu le dépassent. En revanche, l’humanité est tout à fait capable de générer de la perturbation. Et c’est ce qui est en train de se produire.
A défaut de solutions, une bonne communication fera l’affaire. De toutes façons, que peut-on vraiment y faire ? La France toute seule aura beau se prémunir, s’organiser et formuler des recommandations à la Terre entière ("La maison brûle et nous regardons ailleurs", J. Chirac, JohannesbourgJoahnnesbourg, 2002), il paraît impossible d’envisager des politiques actives. Impuissance à manier le joystick de la nature, mais aussi impuissance à nous organiser nous-mêmes à l’échelle planétaire, entre nations à haut degré de technicité. La seule option retenue est donc de laisser faire, avec une réponse sous la forme d’instruments du marché permettant de négocier des droits (RECS) à émettre des gaz à effet de serre (GES). Encore une fois, c’est le marché qui apporte la réponse à un phénomène qui lui est en partie imputable.
Alors, quelles solutions pouvons-nous envisager pour lutter contre le réchauffement climatique et les phénomènes qui en découlent ?
Eh bien, la forme de cette question doit tout simplement être définitivement bannie de nos schémas de pensée. Il serait plus raisonnable de la reformuler de la manière suivante :
"Quelles options pouvons-nous envisager permettant à l’humanité de s’adapter à la montée en puissance et au cumul des différents phénomènes climatiques issus du réchauffement climatique ?"
Ce type de reformulation change tout. Il montre que nous admettons que les solutions ne peuvent être, pour le moment, qu’essentiellement passives, et pas actives. Cette forme de question suggère aussi que même si des solutions (actives) sont mises en oeuvre en amont et au niveau global, il faudra beaucoup de temps (plusieurs dizaines ou centaines d’années) pour stabiliser les déséquilibres en cours et revenir à une situation nominale, c’est-à-dire celle où seule la nature intervient dans l’évolution des systèmes.
Voici quelques pistes un peu futuristes ou fantaisistes, comme on voudra (liste non exhaustive).
Concernant les états de sécheresse :
- développer des retenues d’eau
- généraliser des réseaux de collecte des eaux pluviales
- promouvoir l’installation de citernes individuelles et collectives pour stocker les eaux de pluie
- introduire différentes qualités d’eaux, allant de l’eau potable (la plus précieuse) à des eaux de lavage et de rinçage (inutile de laver sa voiture ou de tirer sa chasse d’eau à l’eau potable !).
Il va falloir apprendre à gérer une "ressource eau" qui deviendra sporadique, irrégulière, rare et violente (déluges, fortes précipitations).
Concernant les états de canicule :
- commencer à réfléchir pour concevoir des habitations un peu plus en profondeur (de quelques mètres seulement, bien évidemment), pour bénéficier d’une fraîcheur naturelle du sous-sol plus économique et écologique que la climatisation, qui ne fait qu’aggraver la situation
- développer davantage d’écrans végétaux autour des habitations et sur les habitations (murs et toits végétalisés)
- prévoir en ville des galeries fraîches pour l’accueil du grand public. Des abris comme en temps de guerre, mais destinés à offrir un espace de fraîcheur au plus fort de la canicule. Ces galeries ou tunnels sont propices à la création de courants d’air naturels en lieu et place de la climatisation, forte consommatrice d’énergie.
Concernant les inondations et les tempêtes :
- revoir de façon sérieuse l’aménagement du territoire, en distinguant bien les zones inondables des zones abritées propices à l’habitat humain. Les zones inondables devraient être évacuées et remplacées par des plantations adaptées, qui seraient en mesure de faire écran à des vagues d’inondations
- s’inspirer des peuples lacustres et des habitants du néolithique qui savaient (savent) anticiper les caprices de la nature et qui construisaient leurs habitations sur pilotis
- imaginer des habitats individuels et collectifs offrant un moindre "coefficient de pénétration" au vent (CX) pour éviter des dégâts monumentaux
- enfin, réintroduire davantage la ressource bois dans les constructions. Le bois est durable, renouvelable, bon isolant et plus léger en cas d’effondrement.
Je suis d’accord avec vous, cela représente de vastes chantiers qui peuvent paraître utopiques, mais c’est maintenant que nous devons entreprendre ces adaptations pour ne pas être pris au dépourvu dans trente ou quarante ans. L’idée serait de lancer un programme de grands travaux de type "new deal", comme cela fut entrepris aux États-Unis après la récession des années 1929-1930 mais pour d’autres raisons. Comment se fait-il que nos toits ne soient pas couverts de panneaux solaires ? Est-ce pour des raisons esthétiques ?
Si on écoute donc notre ministre de l’Ecologie, nous en sommes aujourd’hui à des solutions de type "spots publicitaires" et "campagnes de communication". Toutefois, nous devrions quand même essayer d’anticiper de façon un peu plus pro-active.
Le fait est là. Le climat s’emballe : là où les catastrophes naturelles étaient d’ordre exceptionnel, une ou deux occurrences par décennie, elles ont aujourd’hui tendance à devenir une sorte de norme. D’ailleurs, une année sans phénomène climatique d’ampleur devient plutôt l’exception de nos jours !
N’hésitons pas, en tant que citoyens soucieux de notre avenir et de celui des futures générations, et unis dans ce qui est l’un des plus vastes "think tanks" citoyens proposé en ligne dans l’espace francophone, d’imaginer ensemble les solutions les plus innovantes pour nous préparer. Il n’y a pas de sottes idées, inspirons-nous des solutions imaginées aussi par nos prédecesseurs, peuples qui savaient écouter la nature, et ajoutons-y le nec plus ultra en matière d’ingénierie moderne. Il en sortira probablement quelque chose d’efficace, en attendant que l’espèce humaine devienne enfin raisonnable.
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