Sévérité, égalité, compétitivité
Soyons terriblement audacieux, prédisons que la décrue engagée des violences urbaines est provisoirement définitive. Dès la nuit de samedi à dimanche, une situation presque normale prévalait en effet dans les banlieues françaises, pour reprendre l’expression malheureuse de Michel Gaudin, directeur général de la police nationale. On aurait préféré entendre "habituelle", car il est évidemment tout à fait anormal que 90 voitures flambent en moyenne dans les cités pauvres de France chaque nuit de l’année... C’est pourtant la scandaleuse réalité, comme un rapport des renseignements généraux nous l’a récemment appris : 28.000 voitures ont été incendiées dans les quartiers dits sensibles du 1er janvier au 31 octobre 2005 !
Donc, les banlieues ont retrouvé leur "niveau habituel" de violences urbaines. Pourquoi ? Certainement en raison de la fermeté répressive du gouvernement (couvre-feux, arrestations, condamnations, expulsions annoncées). Mais aussi, sans doute, parce que la criminalité organisée aimerait pouvoir retourner au business as usual. Et puis les élus, les associations, les habitants des quartiers ont mis tout leur poids dans la balance pour que le calme revienne. Enfin, n’excluons pas que la racaille soit fatiguée après avoir incendié quelque 8 000 véhicules, et aussi nombre de commerces, d’écoles, etc. Quinze jours de guérilla urbaine, ça use !
En tout cas, une fois l’état d’urgence passé, il est impératif que la sévérité reste de mise. Avec les voyous. Avec les parents des délinquants mineurs. Et avec les policiers. Tolérance zéro pour les délits comme pour les bavures. En ce sens, la suspension rapide, puis la mise en examen des policiers qui ont passé à tabac un jeune émeutier de La Courneuve, ont été exemplaires. Mais on aimerait être certain que la hiérarchie policière sera dorénavant aussi vigilante et expéditive quand les caméras ne tourneront pas, et quand les cités ne feront plus la une de l’actualité.
Sévérité, mais aussi égalité. Et sévérité au service de l’égalité. La tolérance zéro doit régner face aux actes/propos racistes et aux discrimations qui gangrènent la société française actuelle. Toutes les lois nécessaires existent. Encore faut-il avoir la volonté politique de les afficher, de les promouvoir et de les appliquer. A tout le monde : aux forces de l’ordre, aux administrations, aux chefs d’entreprise, aux propriétaires, mais aussi aux jeunes beurs et blacks qui cultivent trop souvent le racisme anti-Français.
L’intégration de la jeunesse française d’origine étrangère constitue indiscutablement le principal chantier pour réconcilier les banlieues avec le reste de la société. Mais cela demandera de reconnaître que le "modèle français" actuel ne digère pas son immigration récente. Il va falloir oser en débattre franchement. Et ne pas écarter l’hypothèse que, dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, des mesures de discrimination positive soient éventuellement nécessaires pendant dix ou vingt ans, pour rattraper le temps perdu à célébrer une intégration à la française mythique.
Réussir à intégrer les enfants de l’immigration d’Afrique noire et du Maghreb - réussir à les éduquer et à les former pour qu’ils soient compétitifs - s’avère d’autant plus urgent et stratégique pour l’avenir que la France, à l’image de toute l’Europe, aura besoin, dans les prochaines années, de faire à nouveau appel à une importante main d’oeuvre étrangère. Et cela, pour compenser le vieillissement de sa population et répondre à la formidable concurrence économique des jeunesses d’Asie et d’Amérique. Sur ce sujet, débattre ne doit plus, non plus, être tabou. Car il faut préparer une politique d’immigration contrôlée et sélective.
Pour le reste, inutile de s’entêter à prolonger indéfiniment la dispendieuse politique de la ville. C’est un échec cuisant. Les plans de Jean-Louis Borloo pour la cohésion sociale et la rénovation urbaine, ainsi que les dernières mesures annoncées par Dominique de Villepin mais encore à financer, suffiront amplement à creuser le déficit public ! Ce dont la jeunesse des banlieues a besoin, c’est de croissance et d’emplois (non subsidiés). Et elle continuera à être la première à souffrir tant que les Français se refuseront à transformer en profondeur leur modèle économique et social en panne, pour monter dans le train de la mondialisation.
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