Tempête dans des crânes rasés
Ça ne tourne plus rond.
Il se passe de drôle de choses dans le monde ambigu tout autant qu'interlope du ballon rond. D'un curieux contre-pied, un joueur international tricolore vient semer le désarroi par les hordes de ses supporters, outres à bière et à vulgarité. Celui qu'ils adulaient à l'image d'un Dieu de l'Olympe vient dire du mal du parti de leur cœur.
Ainsi donc, eux qui ont depuis tant d'années pris le parti de faire des saluts nazis dans les tribunes dans une chorégraphie qui n'a rien à envier aux grandes manifestations du troisième Reich, eux qui aiment tant faire des cris de singes et tenir des propos homophobes dès qu'un gardien de but dégage le ballon, ceux-là donc se trouvent soudainement en désaccord idéologique avec leurs idoles.
Quel parti devront prendre ces groupuscules haineux qui soutiennent une équipe afin de répandre dans tout le pays leur conception belliqueuse des rapports humains ? Pourront-ils encore s'identifier à des têtes de gondole qui prennent position contre leurs couleurs politiques ? Le dilemme risque fort de provoquer plus de migraines que leurs gueules de bois habituelles en période de compétition internationale.
Pourront-ils encore hurler dans les rues, rouler à tombeau ouvert, le drapeau tricolore flottant au vent après un éventuel succès de leurs favoris alors que ces derniers appellent à repousser leurs autres favoris ? À qui pareille alternative échoit, la perplexité et la circonspection deviennent les compagnes du quotidien pour peu que ces individus connaissent le sens de ces deux mots.
Il est probable que les bras leur en tombent, ce qui évitera de pratiquer cet abject salut qui leur est si coutumier pour scander leur joie belliqueuse. Quel parti adopter ? Car à tout prendre, quelle est leur véritable passion ? Le ballon rond ou bien la préférence nationale ? Sur le terrain de leurs opérations, ladite préférence est battue en brèche et les contraint à supporter, mon dieu quelle horreur, des gens de toutes les couleurs...
Que leurs icônes et modèles se permettent de dénoncer leur adhésion idéologique, invitant la jeunesse à tourner le dos à cette dérive néfaste pour la nation devrait provoquer en eux un véritable séisme s'ils étaient en mesure d'agir en cohérence. Je crains qu'ils ne mettent au contraire un mouchoir au-dessus de cette contradiction de fond, pour continuer à soutenir les uns et les autres sans percevoir qu'ils font là un grand écart.
Quant à ses nouveaux adeptes de la démocratie, ces nouveaux riches du ballon, ces influenceurs en herbe juchés sur des crampons plaqués or, ils n'avaient jamais jusque-là émis des doutes et des réserves sur leur univers sportif aux mains de milliardaires ou d'états qui font tous le choix de la droite extrême pour continuer à engranger leurs dividendes.
S'ils découvrent au moment de cette échéance électorale le danger potentiel d'une pensée totalitaire, ils n'ont fait que contribuer de par leur activité à conditionner le peuple afin qu'il tombe dans les bras de cette peste brune. Pourquoi ne se sont-ils jamais dressés auparavant contre les innombrables dérapages dans les tribunes qui participent implicitement à la progression du parti qu'ils repoussent maintenant ?
Bien sûr, ces malheureuses idoles illusoires ont été broyées par un système qui a su adroitement et inexorablement réinstaurer la devise et le principe de conditionnement des masses : « Du pain et des Jeux ! ». L'éveil de leur conscience est louable, courageuse et leur prise de position dans un environnement où l'habituelle réserve : « Ne mélangeons pas le Sport et la Politique » n'a d'autre but que de passer sous le boisseau la responsabilité de ce sport spectacle dans la propagation de telles idées.
Que va-t-il se passer désormais ? La masse beuglante va-t-elle cesser de les encourager ? J'ai un doute. Les hordes sauvages se détourneront-elles de leurs favoris politiques ? Là, je n'en ai aucun espoir.
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