Tolérance zéro : l’échec anglais
Le gouvernement anglais, longtemps adepte de la répression et du « zéro tolérance » change de cap et veut s’attaquer aux causes profondes de la délinquance.

« Un homme masqué a bondi sur l’employé de Royal Mail sur Kirtley Drive ce mardi soir. Un autre homme a sauté dans le véhicule et roulé pendant plusieurs blocs avant de l’abandonner. Le postier n’a pas été blessé sévèrement mais il est choqué par l’incident », nous informe la BBC. Une semaine plus tôt, selon le journal l’Independent du 26 mars, le gouvernement aurait décidé d’infléchir sa politique de « zéro tolérance avec les délinquants » : il compterait mettre l’accent à la fois sur les mesures alternatives à l’emprisonnement et sur la prévention, à travers la lutte contre les causes profondes de la délinquance que sont en Angleterre « l’exclusion sociale, les problèmes familiaux et l’abus d’alcool et de drogue ». C’est presque une révolution et pas seulement de vocabulaire. Car ce changement de cap intervient après des années de lutte acharnée contre la délinquance : les prisons ont pulvérisé le record du nombre de détenus, à 80 000 détenus, soit 20 000 de plus qu’il y a dix ans et 20 000 de plus qu’en France (chiffres 2006). Elle sont pleines, elles débordent même, de mineurs en particulier. Tout cela est la suite logique des dernières lois anglaises qui ont :
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augmenté les moyens de la police,
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pénalisé les comportements « antisociaux »,
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instauré une politique de « zéro tolérance » à l’égard des jeunes délinquants.
Mais cette politique répressive est un échec : en Angleterre, le nombre de délits et de crimes reste énorme : 5,5 millions de « recorded crimes » en 2005/2006 (contre 3,7 millions de crimes constatés en France). Depuis 1999, les attaques contre les personnes ont été multipliées par deux, de même que les violences contre les personnes et les crimes violents. Le taux de récidive global, directement lié au suivi individuel du prisonnier après sa libération, reste excessif à 57% (il est encore plus élevé chez les jeunes et pour les vols). Seuls les cambriolages ont baissé de manière importante. Le gouvernement avait pourtant mis le paquet, avec une nouvelle loi sur la sécurité, ou presque, chaque année depuis celle sur le Crime et le Désordre de 1998 instituant les ASBO : « condamnations pour comportements antisociaux ».
L’ancien conseiller du gouvernement sur la délinquence juvénile, Rod Morgan, qui a claqué la porte du « Youth Justice Board » en janvier dernier, doit être content : il considère que les lois sécuritaires anglaises et les ASBOs ont « diabolisé » les jeunes : « Mettre la marque de Caïn sur leur front peut avoir des conséquences inverses à celles qu’on attend », déclarait-il au quotidien l’Independent un an plus tôt. Le changement de cap du gouvernement vers plus de prévention lui donne raison.
Sources : BBC et Home office
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