Tout ce qui tombe du ciel

N’est pas sacré, bien au contraire
La présente crise qui sème son désordre et ses effets pervers dans toutes les directions nous aura néanmoins permis de toucher du doigt l’absurde verticalité de notre système politique. Si ce peuple de régicides par le truchement de quelques révolutionnaires est parvenu à abattre le pouvoir divin du roi, il s’est empressé de lui substituer un monarque dont l’inspiration tombe du ciel. La seule différence réside dans les tables de loi qui ne sont pas dans la main de Dieu, mais dans celles des lobbyistes.
Nous pouvons oublier toutes les innombrables strates d’une géographie politique cherchant à couvrir le territoire tout autant qu’à noyer le poisson. Le fils de Dieu réside au Palais et décide de tout, sans qu’il ne puisse être remis en cause, une parole qui bénéficie elle aussi de l’infaillibilité pontificale. Notre constitution a dû copier sur le dogme de l’église catholique : le Président ne peut se tromper dans son pouvoir ordinaire ou extraordinaire lorsqu’il s’exprime ex-cathedra en matière de morale, de santé, d’économie et de tout et n’importe quoi.
Ce dogme est gravé non dans le texte organique mais dans toutes les mesures qui visent à leur garantir une totale immunité, une absence de responsabilité. Le Grand Vizir n’a de compte à rendre à personne tandis que ses décisions sont plus que paroles d’évangile. La verticalité du pouvoir fait que ses décrets ne sont jamais fondés sur une logique ou une humanité. Ils tombent du ciel ou émanent des grands groupes de pression et de corruption qui le conseillent pour laisser croire à la population la toute puissance de celui qui ne fait que jaboter en leur nom à longueur d’antenne.
Les Jacobins en avaient rêvé, Jupiter de son Olympe l’a réalisé sans se soucier des comités Théodule, de la longue liste des instances de conseil, de régulation, des multiples hautes autorités et commissions ad-hoc. Le maître du pays décide et tout le monde doit se plier à son caprice. C’est ainsi dans ce qu’on nous vend encore pour une démocratie. Les godillots du parlement baissent la tête et se prosternent devant leur Dieu, la loi est bafouée, le droit supprimé, la morale outragée.
Pour qu’aucune tête ne dépasse, c’est le Préfet, ce personnage en habit militaire, ne nous y trompons pas, qui décide, lui qui n’est pas élu, mais désigné par le fils de Dieu en personne. Les élus locaux sont éventuellement consultés, par simple courtoisie ou pour qu’ils mettent la main à la poche. Le peuple souverain n’a plus qu’à subir et s’il n’est pas content, la matraque lui rappelle l’incontournable principe de la verticalité appliquée à la gravité universelle.
Fort heureusement, comme le ciel est fort loin de la terre ferme, il demeure une petite poche de résistance dans les communes. Les maires se ceignent de leur écharpe pour contredire les absurdités qui viennent d’en haut du moins pour l’immense majorité d’entre-eux puisque le parti de Jupiter a oublié ce misérable échelon insignifiant.
Malheur donc aux grandes cités dont le premier magistrat a fait allégeance à ce pouvoir inique et absurde. Là, il n’y a plus de discernement ni de libre arbitre. La servilité exige de reconduire toutes les décisions même les plus stupides avec un zèle merveilleux, histoire sans doute de récolter un joli colifichet. Les citoyens n’ont plus rien à dire, leur maire est l’envoyé de Dieu sur le territoire.
Naturellement je ne vise personne, ce n’est pas dans ma commune qu’une fonctionnaire territoriale tenant la cellule téléphonique « Crise Sanitaire » qui dirait à un grand-père dont la fille infirmière en réanimation, de service de nuit le week-end du premier mai n’a pas de solution pour garder ses enfants : « Vous êtes trop vieux pour aller garder vos petits enfants. Votre fille habite a plus de 100 km et sa commune n’a qu’à lui proposer des solutions de garde. Vous restez chez vous, ce n’est pas une mesure impérieuse ! ». L’État Français a trouvé là un digne magistrat ayant prêté le sermon à Jupiter pour le meilleur et surtout pour le pire. La pastille Vichy n’est pas passée, je l’ai encore en travers de la gorge et je ne pardonnerai jamais cette infamie.
Horizontalement sien.
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