Une affiche qui en dit long…
La Magie d'un Noël républicain
Notre bonne cité est passée maîtresse dans l'art de la sémiologie de l'image. Il se trouve que des experts en langage subliminal planchent sans discontinuité pour élaborer des affiches qui font entrer la communication dans l'ère de la post modernité. Nous allons arpenter sur la pointe du cœur l'affiche qui accompagne un marché de Noël, ancré dans une modernité post laïcité républicaine.
En tout premier lieu, au seigneur des cieux toute gloire, la cathédrale, ersatz lointain de Notre Dame de Paris, trône en majesté au chœur de l'affiche. La communication républicaine ne rechigne pas à dérouler le tapis rouge à la calotte dans la cité Johannique. Le message est clair, il n'est pas à s'y tromper.
Pour confirmer le lien céleste, la ville ne lésine pas sur les moyens pour gagner sa part de Paradis. Les yeux tournés vers le ciel, point n'est besoin de mener une vie d'ascète. Il suffit de s'embarquer sur la grande roue, le plus sûr moyen de jouer l'ascension divine. Pour forcer le trait, cette attraction sert d'aura à la maison de dieu, comme si un tour avec celle-ci valait les indulgences de jadis.
Au premier plan cependant, le prosaïsme est de rigueur avec le brave Santa Clause qui consulte un énorme grimoire. Consulte-t-il une prière sacrée ou bien la liste des présents qui pourront se trouver sur ce marché de Noël vers lequel se pressent des familles monoparentales. Le pragmatisme est de rigueur ici et chacun sait qu'un couple avec des enfants réduit de moitié la liste des achats.
Un enfant seul, sur le côté observe à distance la scène. Symbolise-t-il à lui seul, les exclus de la galette ? Il se contente de profiter d'un spectacle féerique, puisque tel est le sens du message : « Il était une fois ... ». Avec les chalets de bois, on peut se demander si les bons contes font aussi les comptes de cette célébration mercantile tandis qu'en arrière-plan, la ville s'affiche dans la tradition avec une maison à pans de bois, pendant des bâtiments de la reconstruction d'après guerre.
Les sapins et la neige saupoudrent benoîtement leur dimension bucolique comme si le dérèglement climatique n'avait rien à voir avec la fièvre consumériste. L'essentiel est de regarder tout ça avec des yeux d'enfants et la bourse pleine de consommateurs avisés. Ne manque plus au décor que la statue équestre de Jeanne qui pour une fois s'est éclipsée le temps de la réalisation de cette œuvre magnifique.
Le ciel ne peut qu'être étoilé et vierge de tout ce qui peut obscurcir un futur inquiétant. Nul nuage à l’horizon dans ce décor d'un optimisme béat, illuminé comme si l'énergie n'était pas l'enjeu des temps futurs. L'illusion est parfaite tandis que le message est d'une simplicité frappante : Noël est un marché tout autant qu'un événement qui gomme toutes les aspérités de l'heure.
Heureux les simples d'esprits, le royaume des cieux leur est réservé pourvu qu'ils viennent verser leur obole en ce lieu merveilleux sous le regard bienveillant et tutélaire de notre cathédrale. Il faut être diablement tordu pour y voir toutes les perversions d'une société qui court à sa perte.
La prétendue féerie de Noël se résume pourtant ici, par le truchement d'un graphiste de talent certes, mais diablement complice de la dérive d'une époque qui galvaude toutes ses valeurs traditionnelles au profit d'une idéologie de la gabegie, à cette représentation illusoire tout autant que factice de ce qui fut jadis la magie de la nativité.
L'univers mirifique a cédé le pas à l'horreur économique en dépit d'une iconographie des plus plaisante qui dissimule bien des travers sous cette magnifique affiche !
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