Une espèce évasive

Une vague idée de l'intérêt public.

Notre environnement proche est soumis à bien des agressions ou pour le moins, de nombreuses transformations. La nature n'est pas en reste puisqu'elle supporte vaillamment l'intrusion de ce qu'on nomme les espèces invasives. Venues d'ailleurs, elles se sont imposées en boutant celles que l'on qualifie d'autochtones et qui ne trouvent plus leur place chez elles. Est-ce une leçon que nous enseigne la nature ? Nul ne peut le dire à moins de prendre le risque de tomber dans des idéologies suspectes…

C'est justement de ce côté-là que porte mon regard avec la prolifération d'une insidieuse et désolante espèce évasive. Elle occupe tout l'espace médiatique, se faisant un malin plaisir de parler pour ne rien dire dans un langage qui baigne dans le brouillard. Qu'importe l'origine ou le positionnement de principe, le propos doit demeurer vague, les promesses illusoires, les convictions uniquement de façade.

Cette espèce évasive entend s'accrocher partout où elle a pris pied. Comme une vaste toile d’araignée, elle a tissé son influence sur tous les rouages de la nation, se partageant tant bien que mal le gâteau pour caser les meilleurs d'entre eux. Ceux-là justement, pour mériter leur place, se font un devoir d'être les plus évasifs possible, passant maître dans ce qu'ils appellent la Langue de Bois, expression la plus aboutie de ce curieux phénomène.

Plus ils montent dans la hiérarchie des corps constitués, plus ils embrouillent les esprits, diluent leurs positions dans un fatras de considérations aussi creuses qu'incertaines. Il convient d'ajouter que ceci n'est qu'un système de défense puisqu'en réalité, ils n'ont aucune prise sur le réel, les véritables instances décisionnelles leur échappant depuis belle lurette.

L'espèce évasive couvre ainsi l'évasion fiscale comme celle des capitaux et des industries. Elle pense en agissant ainsi, satisfaire à la logique sémantique puisque ces gens-là se nourrissent de mots sans jamais les mettre en application. Ils ne se privent cependant pas de ne jamais oublier de vendre chèrement leur absence totale d'efficacité, s'arc-boutant sur le seul pouvoir réel qu'elle conserve : se voter des augmentations de traitement…

Ils aiment plus encore pantoufler dans de grandes entreprises, bénéficier de traitements indus, vendre leur influence et proposer des conférences à des tarifs prohibitifs car la seule chose qui les préoccupe vraiment est de se nourrir sur la bête tandis qu'ils ne cessent de s'en prendre au train de vie de leurs compatriotes.

Dans ce domaine, ils ne sont plus évasifs mais singulièrement cupides et ceci quel que soit le niveau d'exercice de chacun d'entre-eux. On ne compte plus les commissions gratifiantes, les comités Théodule juteux, les vice-présidences multiples et rentables. C'est là une véritable évasion budgétaire à leur seul profit. Ils méritent bien leur qualificatif en la pratique.

Nous devrions nous réjouir de disposer ainsi d'une classe politique capable à force d’opiniâtreté dans leur volonté de se faire haïr du peuple. Ils parviennent enfin à établir un consensus national, un terrain d'entente pour l'immense majorité des Français. Ils sont parvenus à ce merveilleux résultat sans se départir de leur orgueil, de leur suffisance, de leur sentiment de supériorité et de ce désir de bénéficier de privilèges multiples.

Si contre les espèces invasives nous ne pouvons rien, nous pourrions tous nous mettre en marche pour une démarche inversive afin de mettre un terme à cette constitution qui permet à cette clique nuisible de se maintenir en place.