Une nouvelle pierre au mur de l’indigence intellectuelle
Le gouvernement vient de décider de faire un pas supplémentaire dans l’imposition d’une mixité sociale à l’école, l’absence de cette dernière étant, soi-disant, délétère pour notre pays et le pourcentage de réussite des jeunes issus de milieux défavorisés. Que peut-on dire de raisonnable sur un tel sujet qui, généralement, ouvre une certaine controverse ?
Commençons par l’efficacité que l’on pourrait attendre d’une telle mesure. Il est clair que si vous mélangez, comme dans un liquide, des enfants de diverses origines, des interactions vont avoir lieu. Probablement que ce qui est espéré de nos dirigeants est de faire un mélange entre « bons » et « mauvais » pour obtenir des « moyens ». En réalité, il n’en sera rien, et ce pour une raison très simple que nous allons décrire sur un exemple. Imaginez un élève issu d’une famille littéraire où l’on utilise couramment l’imparfait du subjonctif et un autre issu d’une famille fraichement immigrée et qui parle un français bien approximatif avec fort accent. Qui va s’aligner sur qui ? Il existe, en physique, un principe, dit de moindre action, qui s’applique aussi largement à l’homme. Cela conduit l’élève issu d’un milieu favorisé à s’aligner sur celui issu d’un milieu défavorisé pour la seule et très simple raison que parler, avec la bonne concordance des temps, à l’imparfait du subjonctif, requiert bien plus d’efforts dans l’établissement de la structure de la phrase qu’un discours fait de mots courts, approximatifs et à plusieurs sens selon les inflexions que l’on va leur donner. Toute ressemblance avec l’anglais des banlieues américaines où le vocabulaire à disposition est de l’ordre de 400 mots dont la moitié ne fait qu’une syllabe n’est absolument pas fortuite. Nous allons droit vers un tel modèle, ce qui nous ralentit étant une base de vocabulaire latine donc avec une moyenne de deux à trois syllabes par mot.
Forts d’un tel constat que l’on peut facilement généraliser, il est un fait que la mixité sociale n’aura non seulement pas les effets escomptés, mais aura pour résultat de diminuer encore le niveau qui est déjà plus que faible et en tout cas indigne de ce qu’il devrait être pour un pays qui se réclame être la 6e puissance mondiale. Il faut toutefois noter que le très faible niveau actuel de nos étudiants est un phénomène récent et que les études « à la française » ont été et sont encore (pour combien de temps ?) très prisées de par le monde grâce à l’excellence que notre modèle conférait, mais il n’était, à l’époque, absolument pas question de mixité sociale… !
Pour rétablir l’équilibre, les choses sont pourtant extrêmement simples et il suffit d’analyser ce qui se passait il y a quelques décennies pour y voir la solution, simple elle aussi.
Revenons à 1945, au sortir d’une guerre que nous avons « brillamment » perdue en 6 semaines dans un contexte de progrès scientifique soutenu et de l’explosion des bombes nucléaires américaines qui ont été des « game changers » dans le monde militaire. Si la France voulait tenir un rang de grande puissance dans ce nouveau monde, il fallait impérativement maîtriser la science. On décida donc que l’on mettrait l’effort principal dessus. Cela conduisit à donner la prééminence, dans l’éducation, aux mathématiques et à la physique chimie. Dans cette France d’après-guerre, nous avions beaucoup d’immigrés venant d’Europe. Les enfants de ces derniers, malgré un handicap culturel et linguistique certain, trouvèrent une forme de refuge dans les matières scientifiques et purent donc compenser, tant et si bien que si vous regardez l’origine des noms qui forment le gratin scientifique aujourd’hui, leurs consonances sont italiennes, portugaises, espagnoles, etc. On ne le dira jamais assez aussi, mais la France de 1945 était encore très agricole et les Français des campagnes, qui avaient, eux aussi, un handicap culturel (peu d’accès à la culture) et parfois linguistique (les parents parlaient le patois) purent bénéficier de cette voie scientifique comme ascenseur social bien moins conditionné à l’origine sociale que d’autres disciplines.
Il y avait aussi une autre spécificité de l’époque qui était l’élitisme. Dans le contexte de l’après-guerre où l’on avait besoin de bras, seuls ceux qui avaient des dispositions allaient à l’école de manière prolongée. Les autres allaient faire des travaux manuels généralement pénibles. Cette perspective, au moins pour certains, était une forte incitation à travailler à l’école… Par ailleurs, comme le temps et l’argent étaient rares, on délivrait aux élèves le maximum de ce que l’on pensait pouvoir délivrer en un temps réduit d’école obligatoire pour tous qui ne durait que 4 à 5 ans. Cela se traduisait par des gens qui, après 4 années d’études, écrivaient mieux, à tous les sens du terme, que des BAC + 15 d’aujourd’hui ! Et Dieu sait que j’en ai connu et qui pourtant étaient considérés comme des cancres à leur époque. S’ils voyaient l’état des lieux aujourd’hui… !
Il y avait enfin un ingrédient essentiel qui était la discipline. Voici un exemple que m’a raconté mon père. Alors que les élèves d’un lycée de province étaient en rang en 1961 pour attendre leur professeur avant d’entrer en classe, l’un d’eux, mesurant 2,03 m, ce qui était extraordinaire pour l’époque, fit une réflexion désagréable au passage du professeur. Ce dernier s’arrêta, lui demanda d’approcher, de se baisser (il faisait 1,60 m) et le gifla devant tout le monde. L’élève, penaud, regagna le rang et se tut. Il faut dire que s’il avait demandé à ses parents d’intervenir, fort est à parier que la punition à la maison aurait été bien pis et il n’y avait pas de numéro des droits de l’homme à appeler, bien heureusement, à cette époque, pour mettre le professeur en prison.
Voilà donc des choses simples pour réussir et nous savons que cela marche, car cela a déjà marché. La recette est évidente : un enseignement basé sur les matières scientifiques, élitiste avec une forte discipline. Bref ! Tout le contraire de ce qui se fait aujourd’hui.
Les choses sont alors très simples encore une fois quand nous voyons l’indigence intellectuelle gouvernementale à l’œuvre qui a commencé avec le collège unique (Habby) et qui continue avec une carte scolaire de mixité sociale (Belkacem). À part la dette, l’éducation dite nationale est le premier budget de l’État. Son efficacité aujourd’hui est négative, car elle gâche les élèves plus qu’elle ne les instruit comme nous en avons vu un exemple en début de ce texte. Il y a hélas, vu le niveau intellectuel des politiciens professionnels actuels, peu de chances pour que les choses s’arrangent. Il ne reste alors plus qu’une chose à faire dans un pays où l’école n’est pas obligatoire, mais l’instruction seulement. Créer des écoles de quartier non subventionnées et qui mettent en œuvre les 3 critères que j’ai invoqués plus haut : accent sur les matières scientifiques, élitisme, discipline. Certains pourraient être tentés de faire passer sous la table le caractère scientifique au profit d’une vision plus littéraire. C’est bien entendu possible dans un contexte qui le permettrait. N’oublions pas cependant que dans la filière scientifique in fine, du temps où cela marchait, les meilleurs élèves en littérature s’y retrouvaient aussi, car les sciences sont un réel guide pour l’expression et le raisonnement et au final, leur étude est même payante en littérature. Enfin, la France a oublié la cruelle leçon de sa défaite de 1940. La grandeur d’une nation actuellement, dans notre monde technologique, dépend de la maîtrise scientifique moyenne de sa population et de sa capacité à appréhender scientifiquement une situation. À ce titre, un pays comme la Chine a tout l’avenir devant lui. La roue tourne !...
Il faudrait enfin parler aussi d’un autre point particulièrement important. On ne conçoit, semble-t-il, en France, la réussite que comme exclusivement scolaire. Bien heureusement, cela n’est pas le cas. Réussir sa vie est autre chose. C’est d’ailleurs un sujet très personnel. Par contre, ce qui se cache derrière cette vision, gouvernementale, de la réussite, c’est, hélas, une supposée réussite financière. Rappelons à cet effet que dans un pays qui se voudrait être vraiment démocratique, ce qui n’est hélas pas le cas de la France, on devrait avoir une politique orientée de façon à maximiser sa performance économique, culturelle, scientifique, etc. et ensuite se partager équitablement les fruits que cela a produit. Bref ! À des années-lumière de ce qui se passe aujourd’hui, le mot équitable n’ayant jamais été au menu du triptyque républicain d’une part et la notion d’effort nécessaire avant le partage, dans un pays qui a plus de 2000 milliards d’euros de dette, n’étant plus d’actualité depuis belle lurette.
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON