Il fut un temps où, dès lors que l’investisseur ou bon père de famille décidait d’acquérir des actions en bourse, il lui suffisait d’attendre car il partait du principe intangible selon lequel toute entreprise bien gérée ne pouvait voir ses titres que s’apprécier… Cet axiome (“Buy and Hold”) ayant fait les années dorées de Wall Street - brillamment illustré par des personnages comme Warren Buffet – préconisait d’acheter pour revendre avec profits après six mois ou après trois ans.
L’indice Standard & Poors 500 n’a-t-il pas ainsi enregistré une progression de près de 170 % (de 124 à 355) entre Août 1980 et Août 1990, soit en l’espace de 10 ans ? Ce même indice n’a-t-il pas poursuivi cette ascension lui ayant permis de s’apprécier de 339 % supplémentaires – jusqu’à 1’471 – durant les dix ans suivants ? Comment ne pas s’incliner effectivement devant un tel investissement ayant rapporté 1’080 % en vingt ans car 100’000 dollars placés en Août 1980 auraient produits 1’080’000 dollars en Août 2’000 ! Le coût de la vie avait certes évolué en vingt ans, 1’080’000 dollars en 2000 ne permettant plus d’acquérir autant qu’en 1980 puisque l’indice des prix à la consommation avait grimpé de 107% aux USA durant ce laps de temps. Pour autant, cet investissement sur l’indice S&P aurait néanmoins été rémunéré à hauteur de 973% déduction faite de l’érosion du pouvoir d’achat ! Comment ne pas être tenté par une telle aubaine qui força ainsi la main et les porte monnaies de la classe moyenne Américaine qui placèrent espoir, économies, argent de la retraite et jusqu’à leurs emprunts en bourse, y compris en direction de capitalisations progressivement plus spéculative ? Le taux de placement boursier auprès des ménages Américains connut donc une ascension de 39% en 1989 à 57% en 2001 !
Cette date choisie – 2001 – n’étant en rien due au hasard puisque la génération suivante de ces investisseurs fut nettement moins chanceuse que leurs pères et pour cause…l’indice S&P ayant ainsi perdu près de 27% entre Août 2000 et Août 2010. En réalité, les pertes furent encore plus marquées puisque, l’inflation ayant été de 26% sur cette période, les pertes globales et nettes de ces investisseurs se montèrent donc à plus de 52% en cette première décennie de ce nouveau siècle… Pourtant, ce cauchemar boursier qui se développe depuis une dizaine d’années est encore accentué par une analyse brève des salaires des Américains. Selon les données du Département US spécialisé à cet effet (Internal Revenue Service), le salaire moyen du travailleur US a progressé de 140% entre 1980 et 2000, ayant ainsi évolué de 12’850 dollars entre 1980 à 19’875 à 1990 pour atteindre 30’650 en 2000. Chiffre de 140% auquel il convient bien-sûr de déduire une inflation de 107% autorisant néanmoins une amélioration nette du salaire moyen des Américains de l’ordre de 33% en vingt ans. Tendance qui s’est cependant elle aussi inversée – en tout cas considérablement remise en question – à l’orée de ce siècle puisque la progression, nette de l’inflation, de ces salaires ne fut plus que de l’ordre de 3% sur les dix années suivantes…
A l’heure où économistes, analystes et autorités financières s’interrogent de manière quasi existentielle quant à l’opportunité d’appliquer une dose supplémentaire de stimuli. Au stade où nos nations en sont parvenues où l’on évoque de plus en plus le spectre de la déflation « à la japonaise ». Qui aura le courage d’annoncer aux Américains – et par delà eux à l’ensemble des citoyens Occidentaux – que nous sommes déjà en pleine déflation et ce depuis dix bonnes années ?