2009 : Ni Candide, ni Cassandre, quels électrochocs pour une croissance nouvelle ?
Crise, récessions, chômage, sont au menu de 2009… Et si nous regardions cette année à contre courant, avec vitalité, sans la naïveté de Candide, et loin de la négativité de Cassandre ? Pourquoi ne pas rêver que la conjugaison de l’élection d’un nouveau président américain, au mandat anticrise clair, avec la prise de conscience de l’ensemble des Pays occidentaux et la lucidité de l’opinion ? Comment croire à un vrai changement, et lequel ? Un New-Deal en 2009 ? Pour Picasso, toute création est d’abord une destruction. Il faut une certaine dose de culot pour cela, mais pourquoi pas ? Yes we can ? Voilà, à grands traits, une ébauche d’électrochocs, un scénario rose aussi réaliste qu’un scénario noir…
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH196/Croissance-3-e082a.jpg)
Dans « La division du travail social »(1893) le sociologue Emile Durkheim (1858-1917) affirme « la vie économique n’est pas née de la vie individuelle ; au contraire, la seconde est née de la première. Et si nous vivions l’inversion historique de ce concept ? Et si l’individualisme était en train de prendre la pas sur le capitalisme, favorisant l’émergence d’un nouveau sujet social, capable de calculer ses propres intérêts et d’agir en conséquence, il serait grave que la défiance qui se développe vis-à-vis des institutions publiques et du politique masque les enjeux. Si le retour de l’individu est une caractéristique de la société contemporaine, il ne doit pas occulter l’impérieuse nécessité des réformes globales qu’appelle la crise, de la part de la gouvernance mondiale. Celle-ci qui se cherche encore, mais, à la faveur des élections américaine et de la prise de conscience mondiale, 2009 peut- elle être une année clé ?
Surmonter la défiance
Les réponses nationales ne peuvent suffire. Pressé d’agir, l’Etat français s’est par exemple endetté pour un plan de relance national. Ce plan de 26 milliards d’Euros, est bienvenu pour les uns, et incertain pour les autres car il annoncerait surtout de nouveaux impôts pour demain. En réalité, comme l’Allemagne qui se prépare à annoncer un plan équivalent de 25 milliards d’Euro, nous n’avions pas le choix. Il est cependant vrai, comme le souligne l’Insee, (INSSEE, note de conjoncture, décembre 2008 « Récessions » ) L’incertitude est grande également quant à l’impact au niveau mondial des plans de relance à destination des ménages et des entreprises.(…) Leur efficacité est plus délicate encore à apprécier qu’à l’accoutumée : elle peut être affaiblie si les ménages et les entreprises conservent un comportement de dépense frileux ; elle peut être au contraire renforcée si ces plans de relance permettent une restauration de la confiance et ramènent ainsi ménages et entreprises à un comportement de dépense plus habituel. Justement, « Habituel » n’est-ce pas justement le mot à éviter désormais ? Car si la question clé est bien le retour de la confiance, celle-ci ne reprendra pas sur les même base, comme si la crise n’avait pas existé. Le temps n’est plus à faire de la « rupture » un simple changement de style, il faut revenir sur des fondamentaux.
Agir local et penser global
Tout d’abord, intégrer la dimension « locale – globale » dans tous les actes publiques. Car c’est bien au niveau des territoires, des régions et des villes, que l’impulsion viendra désormais. Non plus comme hier, de façon passive, à partir d ‘atouts géographiques énergétiques ou même de main d’œuvre, mais de manière active et volontariste, dans la capacité des acteurs locaux à inventer de nouvelles voies, de nouvelles infrastructures, de nouveaux projets de développement dans un partenariat créatif entre le privé et le public.
Mais comment être en croissance dans un monde qui vacille ? Car l’irrationnel qui a provoqué la faillite des banques d’affaires a consacré un mot poison « risque » qui tue dans l’œuf tout projet se situant dans une logique de libéralisme économique. Il ne peut être question de revenir sur la mondialisation des échanges, ni sur la liberté d’entreprendre, bien au contraire. Mais, pour reprendre la métaphore de Marx, » Quelle est la liberté du Renard dans le poulailler » ? Rien ne pourra se reconstruire sans la destruction des causes. Alors comment faire ?
Un électrochoc de la croissance mondiale
Il faudrait des actes, un « grenelle planétaire de la relance » plus fort et concret qu’un G8 ou un G 20… Un nouveau « New Deal » qui concernerait à la fois les pays en voie de développement, la sphère financière, l’industrie et le modèle social européen.
D’abord l’aide aux Pays les moins avancés. Si rien n’est fait, dans vingt-cinq ans le monde se heurtera non seulement à des pénuries d’eau et de vivres mais aussi à une concurrence violente en matière d’énergie. Si l’on ne veut pas que des populations meurent et que des émeutes de la faim n’embrasent le monde il faut sortir les denrées de base alimentaire, le riz et le blé, du marché libre de la spéculation financière. Un prix de référence s’impose à l’échelle mondiale. Selon Philippe Pinta, président de l’Association générale des producteurs de blé (France), la part de la spéculation dans le cours du blé, qui affole les milieux agricoles atteint 20 % (Le Monde, 24 avril 2008). Dans le même élan, les pays occidentaux doivent lancer un plan Marshal de l’Eau potable, à l’échelle mondiale. L’accès à l’eau, son traitement, sont des remparts contre les pandémies qui nous menacent tous, comme contre les « guerres de l’eau » qui se profilent, aiguisées par les variations climatiques. Aujourd’hui, plus d’un milliard de personnes vivant dans les pays à revenu faible et intermédiaire n’ont pas accès à de l’eau salubre pour la boisson, l’hygiène personnelle et les usages domestiques. 50 millions d’habitants des pays à revenu élevé sont dans la même situation et 220 millions de citadins vivant dans les pays en développement ne disposent pas d’une source d’eau potable près de chez eux. L’éducation et la culture ne doivent pas être oubliés, et l’accès de tous à l’éducation (le taux d’accès à l’enseignement supérieur est de 67% dans les pays développés et de 17% dans les Pays en développement, source Unesco, 2006) L’informatique, avec notamment le projet d’ordinateur autonome à 100 dollars ou le projet indien d’ordinateur à 10 dollars ( Le Monde 19 mai 2007), offrent la possibilité de combattre à la fois l’illettrisme et "l’analphabétisme informatique. La science et la recherche doivent être davantage soutenues au service de la santé, de l’étude des populations et de l’impérieuse sauvegarde de la nature et de ses ressources.
Une moralisation de la sphère financière mondiale s’impose également avec force. Est-elle en état de l’empêcher aujourd’hui ? Bien sûr, il faut une meilleure information, un encadrement des paradis fiscaux, une transparence des fonds communs et des fonds d’investissements, alors que les fonds de pension anglo-saxons possèderaient déjà entre 30 % et 40 % du capital des grands groupes côtés en bourse à Paris. Mais il faut aussi aller plus loin, en créant des règles financières différentes, moins déconnectées de l’économie réelle, et complémentaire des marchés existants. Il s’agit bien d’imaginer une nouvelle économie de la régulation, par une redéfinition des frontières entre les différents modèles d’organisation de l’économie.
Le cas du secteur automobile illustre bien ce propos Pour Carlos Gohsn, l’année 2009 est l’année de tous les dangers pour l’industrie automobile "L’industrie automobile est très consommatrice de crédit. Deux voitures sur trois sont financées à crédit. Si les marchés financiers restent dans l’état où ils sont, vous allez voir les constructeurs tomber les uns après les autres",.déclare-t-il, (Le Monde 14 decembre 2008) alors que, après Renault, PSA a déjà annoncé la suppression de 3550 emplois.Il faut donc renforcer le soutien au crédit des particuliers, et le remplacement des véhicule, l’Etat l’a déjà annoncé. Mais cela ne suffira pas, et ce secteur va avoir besoin de financements pour lancer de nouveaux modèles économiques et écologiques. Si nous voulons relancer des entreprises, préserver et créer des emplois dans l’industrie, il faut sans doute un autre marché d’investissement, réservé à des valeurs réelles. Ses rendements attendus ne seront plus de plus dix pour cent mais plus cinq pour cent et l’horizon non plus trimestriel mais semestriel, avec des objectifs à court, moyen et long terme. Mais il sera sûr et pourrait être aidé sur le plan fiscal par exemple. Des exemples comme ceux de groupes industriels repris par des fonds d’investissements, puis démantelés pour ne préserver que le plus rentable, la téléphonie par exemple, sont à proscrire. De même, la crise ,ne doit pas être un prétexte facile pour « dégraisser » des effectifs. Une autre logique que celle des plans sociaux doit s’imposer en bourse.
L’Europe, par la voie de l’Union Européenne, doit aussi s’affirmer en tant que telle et mettre en avant son modèle social en recherchant le mieux disant dans le domaine de la protection sociale, des droits des salariés et des salaires. Pour la conférération européenne des syndicats (CES) « Le modèle social européen consiste en une vision de la société qui allie une croissance économique durable et des conditions de vie et de travail sans cesse améliorées. Cette vision implique le plein emploi, des emplois de qualité, l’égalité des chances, une protection sociale pour tous, l’inclusion sociale et l’implication des citoyens dans les décisions qui les concernent. L’Union Européenne peut préserver et développer ce modèle « à géométrie variable » et l’imposer au monde en renforçant son marché intérieur, né de l’Acte unique de 1987 et de l’union monétaire de 1999 Seule une Europe forte pourra créer les conditions d’une croissance nouvelle d’égale à égale avec les Etats-Unis,
« Yes we can » à l’épreuve des faits
Les regards se tournent désormais vers
Eric DONFU
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