500 milliards ! Mon banquier de la BCE, c’est pas un charlot !

Les médias ont annoncé la nouvelle comme si elle n’avait pas une signification particulière et qu’elle était ordinaire. La BCE a prêté 489 milliards d’euros à quelques cinq cent banques européennes, soit un montant plus élevé que prévu. Présentée ainsi, le citoyen désinformé pense que c’est la BCE qui décide du montant des prêts alloués et des banques bénéficiaires. Ce qui est inexact. En fait, la BCE a proposé une offre de prêt sur laquelle se sont ruées les banques et ce ne sont pas les 200 milliards escomptés qui sont sortis de la BCE mais presque 500. Et si les banques avaient eu besoin de 800, eh bien elles auraient emprunté cette somme colossale. En fait, le citoyen s’y perd dans toutes ces annonces et l’on comprend la prudence des médias qui ne veulent pas trop en dire sur cette opération qui, il faut le souligner, constitue un record en terme de montant depuis la création de la BCE, tout en étant inédite. La BCE décide des taux et des durées. Une opération de ce genre a déjà eu lieu, avec un taux préférentiel de 1 % mais sur un an seulement. Cette fois, et c’est surprenant pour les analystes financiers, la durée du prêt à 1 % a été consentie sur trois ans.
Les banques devraient remercier le père Noël, en l’occurrence Mario Draghi, le directeur de la BCE. Imaginez, vous avez des dettes, vous peinez à rembourser, vous risquez de vendre votre maison hypothéquée si vous ne payez pas d’ici deux ou trois ans vos créances et tout d’un coup, votre banquier vous convoque pour vous annoncer que, bon, vu votre situation, il vous accorde un prêt de 30 000 euros sur trois ans à un taux de 1 %. Vous pensez alors que vous rêvez et c’est effectivement le cas. Trois ans plus tard, vous avez probablement vendu votre maison, sauf si vous avez gagné une somme au loto ou alors si vous vous êtes saigné pour rembourser le prêt qu’on vous a octroyé dans la vrai vie à un taux de 4 ou 5 %. Et justement, votre banquier a pu vous accorder ce prêt car il a lui-même bénéficié des largesses de la BCE. L’établissement où il travaille a en effet emprunté 1 milliard d’euros au taux de 1 %. Ce qui lui permet officiellement d’octroyer des prêts aux entreprises et aux ménages afin de dynamiser l’économie. C’est du moins ce qui se dit dans quelques dépêches, mais qui croire ? Les banques vont-elles prêter aux constructeurs automobiles pour produire des véhicules qui ne se vendront pas, même si elles accordent des crédits à la consommation à des particuliers qui n’ont plus assez de sous pour les acheter ?
Finalement, à quoi servent ces 500 milliards ? Autre raison officielle, plus crédible, celle du refinancement des banques dont le manque de liquidité était déjà connu au vu des tensions sur les montants empruntés à 7 jours. Avec ce prêt colossal sur trois ans, les banques peuvent souffler et se prêter mutuellement de l’argent, rembourser des créances, octroyer des prêts, placer un peu d’argent en dépôt à la BCE et finalement on y comprend plus grand-chose. Sauf un détail qui a tout son sens. L’Italie, l’Espagne et même la France auront besoin d’emprunter sur des périodes courtes, deux, trois ans, des sommes considérables pour financer leur budget qui, même diminué par la rigueur, sera important. Or, au vu des notations AAA plus ou moins, et de la voracité des marchés, les taux risquent d’être élevés. Si les marchés n’offrent que du 6 %, les Etats n’ont qu’à aller se brosser pour emprunter moins cher. Or, en bénéficiant d’un prêt à 1 %, les banques européennes pourront, si elles jouent le jeu, prêter à 3 ou 4 % et même à 2 % mais là, il ne faut pas croire au père Noël, une banque doit quand même faire des affaires et finir avec des bénéfices conséquents ne serait-ce que pour payer les primes de ses merveilleux collaborateurs qui dealent sur les marchés.
Ouf, la zone euro est pour l’instant sauvée. On ne va pas s’en plaindre, même s’il y a toujours un emmerdeur sourcilleux pour faire remarquer que cette opération est une manière détournée de financer les budgets des Etats or, cette possibilité est strictement interdite par les statuts de la BCE. Le droit financier n’est donc pas transgressé. Les Etats emprunteront aux banques européennes l’argent dont elles manquent. Cette opération sert aussi à booster la croissance, ce qui est une entorse à la mission canonique de la BCE qui est de maîtriser l’inflation. Mais qui s’en plaindra. Voilà des années que nos caciques de droite et de gauche reprochent à la politique monétaire de la BCE d’être indifférente aux investissements pour la croissance de demain. Même Jean-Luc Mélenchon pourrait accueillir avec bienveillance cette opération coup de tonnerre menée sous la direction de Draghi qui jure ses grand dieux que les établissements financiers européens avaient besoin de liquidité, adjurant leurs responsables de ne pas lésiner sur cette manne même si elle alimente le soupçon de difficultés dans le secteur bancaire et laisse penser à une entourloupe permettant de financer les dettes souveraines.
Décidément, mon banquier de la BCE, c’est pas un charlot. J’espère alors que mon banquier de mon quartier, c’est pas un salaud et qu’il accordera quelques délais à cette famille pour qu’elle paye ses créances et ne soit pas expulsée de son logement acheté à crédit.
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