Tout fier et dodelinant, notre Etat hyperactif ouvre le spectacle en annonçant : "La crise est sans précédent ! Pour cela, il faut un plan de relance sans précédent, alors ce sera 26 milliards d’euros injectés dans l’économie, en 2 ans. Eh oui ! Mesdames et Messieurs, vous avez bien compris, il s’agit de 26 milliards … soit 1,3 % du PIB !". Et le spectacle continue. La fête bat son plein. Les mains chauffent. Les applaudissements n’en finissent pas. Puis, la standing ovation et la Marseillaise clôturent la sortie de l’Etat, telle une rock star, encore plus dodelinant et fier qu’une heure avant. Tout cela est-il bien sérieux ? Sa majesté l’Etat parlait-elle à une cour incapable de faire une division par deux ?
En effet, 1,3 % du PIB sur deux ans, cela fait seulement 0,65 % pour 2009 et 0,65 % pour 2010. Plus précisément : 0,8 % pour 2009 avec 15 milliards et 0,5 % pour 2010 avec 11 milliards. Sachant que chaque année les dépenses courantes de l’Etat, budgétaires et sociales, sont de quelques mille milliards d’euros, un plan de relance, dit sans précédent, de 15 puis de 11 milliards paraît totalement désuet. Pourtant, à Douai, l’Etat spectacle devenu rock star, s’est fait applaudir et ré-applaudir ! Tout cela paraît d’un autre temps mais … cela plaît beaucoup. Surprenant n’est-ce pas ! Qu’est devenue notre classe politique ? Et nous à l’applaudir ?
Pourtant les enjeux sont bien réels et visibles, même à l’œil nu !
Oui, la crise est là et de par son ampleur elle n’a qu’un précédent, celle de 1929.
Oui, la récession plombe l’atmosphère économique ! La dernière remonte à 1993. Oui, celle-ci sera plus longue et plus profonde. Le FMI et l’OCDE annoncent qu’elle durera au moins douze mois.
Oui, c’est quasiment la première fois que l’Etat vide des caisses déjà vides – les quinze milliards de juillet 2007, pour la fameuse loi TEPA – et doit, plan relance oblige, encore les revider.
Oui, c’est la première fois depuis la sidérurgie dans les années 70, que l’industrie française et mondiale ont à subir un choc technologique colossal. Celui du début de la fin du moteur à explosion pour nos voitures. Leur moteur semble désormais condamné.
Oui, c’est la première fois depuis le début des années 90 que l’immobilier vacille.
Oui, c’est la première fois que le sentiment de n’être plus vraiment gouverné, apparaît depuis près de ... 65 ans. La France se repose sur l’Union européenne, mais cette dernière n’a aucun pouvoir tant qu’elle ne sera pas fédérale. Qui pilote l’avion européen ? Personne et tout le monde à la fois.
Oui, c’est aussi sans précédent pour le pouvoir d’achat, la dette, le commerce extérieur, le chômage, les sans abri, la pauvreté, etc, d’être dans un tel état.
Alors, face à cet amas d’enjeux structurels, l’Etat dramatise et est anxiogène. Puis, dans un super show, comme il sait désormais les faire, il accouche d’une souris totalement ridicule : 0,65 % du PIB en 2009 et en 2010 pour traiter le problème ! L’Etat agit, bouge, se montre, gesticule, parade, patine dans la choucroute … mais ne prévoit et n’anticipe rien au-delà d’une journée. C’est vraiment ce qui nous est apparu à Douai, comme depuis 18 mois. Tel un enfant immature, l’Etat se précipite sur tout ce qui bouge, pour être le premier dans les médias européens. Alors, ce plan de relance est ni fait ni à faire. C’est comme si on disait à un travailleur au Smic, tu vas avoir une super surprise mon gars, tiens-toi bien … 0,65 % d’augmentation cette année, soit la somme sans précédent de 6,74 euros (1 037 € * 0,65 %) chaque mois. Alors, heureux n’est-ce pas !
L’Etat dit mettre le paquet sur l’investissement. Bravo, bonne idée ! En plus, c’est keynésien, le fameux multiplicateur d’investissements. Mais qu’en est-il vraiment ?
L’Etat annonce, 10,5 milliards d’euros sur deux ans. Soit 5,25 milliards en 2009 et en 2010. Que représente cette somme par rapport aux investissements français de chaque année ?
Les
chiffres de l’Insee pour 2007 chiffrent l’investissement (FBCF) à 406 milliards. On sera dans cette zone en 2008, à quelques milliards près. Alors, 5,25 milliards cela fait 1,29 % de ce que la France investit normalement chaque année et, seulement 0,27 % du PIB. Est-on vraiment dans l’exceptionnel ? Sommes-nous à la hauteur des enjeux ? On est tout simplement à la marge. L’Etat se rend-il compte de cela ?
Puis, l’Etat annonce aussi une prime de 1 000 euros par véhicule … pour doper le secteur automobile. Cette prime étant déjà actuellement de 300 euros, le coup de pouce, dit encore une fois exceptionnel, n’est donc que de 700 euros. Est-ce sérieux ? Par ailleurs, veut-on créer de l’emploi en France ou à l’étranger ? Car, la quasi-totalité des petites voitures, cible de la prime, sont fabriquées à l’étranger.
Ensuite, l’Etat veut stimuler l’emploi. Encore une fois diront les mauvaises langues, dont nous faisons partie ! Alors, il annonce que tout nouvel emploi créé dans une entreprise de moins de 10 salariés sera exonéré de charges sociales durant 12 mois. L’Etat aurait oublié que la création de poste est inutile quand l’employeur peut faire faire des heures sup, elles-mêmes exonérées. Ce type de mesure risque, si cela marche, tout simplement de cannibaliser la loi TEPA. Par ailleurs, pour embaucher, il faut avoir confiance dans l’avenir, dans ses hommes politiques et avoir une visibilité d’au moins six mois sur son carnet de commandes. Est-ce le cas aujourd’hui ? L’Etat se rend-il compte de son incohérence en matière de bonification du travail ? Sait-il qu’en période de vaches maigres, même un emploi gratuit coût cher.
L’Etat veut aussi doubler le PTZ (prêt à taux zéro). Quel ménage est susceptible d’y avoir accès ? Les classes moyennes aux revenus modestes, c’est-à-dire celles qui justement vont le plus souffrir de la récession sans précédent qui va traverser notre pays. Les banques vont-elles leur prêter alors que le risque de non-remboursement sera de plus en plus élevé sur ce type de CSP (catégorie socioprofessionnelle) ? Quid aussi de la durée du PTZ ? Toujours de six ans ?
Enfin, l’Etat veut soutenir les ménages modestes et prévoit à cet effet une prime de 200 euros versée en mars 2009. C’est bien ! Mais c’est de la consommation finale, dont on sait que 40 % va servir à faire des achats à l’étranger. Là aussi la cible est mal choisie et l’instrument insuffisant.
Alors, face à un tel déluge de lumière, de show, de mots grandiloquents et de mise en scène d’un Etat de plus en plus "perso-monarchique", mais aussi d’incohérence et d’impréparation … la confiance des citoyens n’est plus là. Celle des marchés non plus, d’ailleurs. Ils plongent encore, hier vendredi, de - 5,48% ! Cela fait tellement de mois que l’Etat annonce que suite à son action c’est un point de croissance en plus, qu’il n’est plus vraiment crédible. Ainsi, la plupart des acteurs économiques se tournent et s’en remettent désormais aux nouvelles venues d’outre-Atlantique. Tous les jours, vers 16 heures GMT, les regards scrutent l’Amérique.
L’Etat ne doit sa disgrâce qu’à lui-même. Ainsi, dès juillet 2007, il annonçait à grands renforts de caméras, que grâce à lui et à sa loi TEPA, la croissance allait passer de 2 à 3 % en 2008. La somme algébrique des quatre trimestres de cette année 2008, table plutôt sur une croissance proche de – 1 %. L’écart avec les annonces de l’Etat va donc être de 4 %. Dans toute entreprise du secteur marchand, une erreur de prévision d’une telle ampleur aurait entrainé l’éviction immédiate et ad nutum de son président. Pour l’Etat c’est différent. La chape de plomb est fixée pour cinq ans, quoiqu’il arrive.
Bis repetita placent, il y a 2 mois, l’Etat fait le
budget 2009 avec une prévision de croissance entre 1 à 1,50 %. A Douai, il annonce que grâce à son plan, sans précédent, de 26 milliards sur deux ans, c’est un point de croissance de gagner pour 2009 et 2010. Donc, selon l’Etat la croissance en 2009 devrait se situer entre 2 et 2,50 %, grâce au point produit par son plan de relance. Est-ce que tout cela est vraiment crédible ? Qui veut-on étonner avec de telles inconséquences ? L’Etat n’a pourtant plus de courtisanes !
Alors bien sûr, ce plan est non seulement très insuffisant, mais il est en plus incohérent.
Incohérent … nouvelle aubaine pour l’Etat ! Cela va lui permettre d’apparaît à nouveau sur le devant de la scène dès février ou mars 2009, pour annoncer un nouveau plan d’action. Et celui-ci sera vraiment sans précédent. On l’appellera même le New Deal français ! L’espoir faisant vivre, le spectacle sera alors reparti pour quelques mois de plus et, de plus en plus ridicule ! Mais, comme chacun sait, le ridicule …
Photo : ÉMILIE DENIS