A l’Est de l’Europe, la crise empire
Les Pays de l’Est feront-ils couler l’UE ? Rien n’est moins sûr. Sauf à le vouloir vraiment.
L’Europe coupée en deux ?
C’est le sentiment donné dimanche 1er mars par le refus des pays de l’UE d’aider ses pays d’Europe Centrale et de l’Est les plus touchés. L’intégration de ces nouveaux pays en 2004 et 2007 a été une aubaine pour les pays occidentaux : élargissement du marché européen, stabilisation de la région et élargissement de la zone d’influence. La crise économique marque-t-elle la fin de cette stratégie d’élargissement ?
La politique d’élargissement, une aubaine pour les économies occidentales
En 2004 puis 2007, 12 nouveaux pays ont rejoint la zone Euro. Principalement les pays de l’ex-URSS. Après plusieurs décennies sous influence soviétique, 15 ans après la chute du mur, ces pays entrent dans la zone d’influence de l’Union Européenne. Leur conversion au libéralisme de marché s’est fait rapidement, les tensions qu’elle a provoquées au début ont été atténuée par les effets bénéfiques de la croissance économique. En 2007, les taux de chômage sont bas, la croissance élevée et le niveau de vie s’élève.
Pour les pays de l’Union Européenne, l’ouverture est une chance. Celle d’accéder à de nouveaux marchés. Les nouveaux pays sont massivement importateurs de biens qui leur servent à se développer, et viennent des pays occidentaux. Ces derniers trouvent également là une main-d’œuvre peu chère, jusqu’à cinq ou six fois moins chères qu’en France ou en Allemagne. Certes la productivité est deux fois moindre que celle des pays occidentaux, mais un rapide calcul montre que le bilan reste positif. A cela s’ajoute la facilité de transporter les biens produits, ce qui a incité certaines entreprises comme Renault à aller s’installer vers l’Est plutôt qu’en Chine.
Les nouveaux pays ont bénéficié de l’aide de l’Union Européenne, via des transferts importants de fonds des Fonds Structurel Européen, pour se développer. En échange, les pays occidentaux ont bénéficié de nouveaux marchés et d’une main-d’œuvre peu chère.
Le bloc des Pays de l’Est n’existe plus
Au fil des années, les pays de l’ancien bloc communiste ont pris des voies très différentes. L’Ukraine est restée en dehors de l’Union Européenne et les problèmes gaziers de janvier ont montré sa place stratégique entre la Russie et l’UE ; la Slovénie, la Slovaquie, Chypre et Malte ont rejoint la zone Euro ; les autres attendent d’y entrer. Certains ont mené une politique budgétaire serrée, à l’image de la Pologne, qui a considérablement réduit son déficit budgétaire, ce qui n’est pas le cas de la Hongrie. La Bulgarie a réduit massivement sa dette publique, etc. Certains pays se sont endettés en Euro, auprès de l’Autriche et de l’Allemagne notamment.
Bref, chaque pays a pris sa propre voie, bonne ou mauvaise et il est difficile aujourd’hui de parler des pays de l’Est tant leurs situations économiques, politiques et sociales sont différentes.
La crise au jeu des maillons faibles
Il est dès lors logique que la crise touche ces pays de façons très différentes. Les trois pays Baltes, qui avaient connu une bulle immobilière, sont sévèrement touchés. De même pour la Hongrie qui s’était beaucoup endettée auprès des pays occidentaux et dont la crise a fragilisé le système financier. Elle a dû cherché l’aide du FMI, comme l’Ukraine.
En Roumanie, Bulgarie, Pologne ou République Tchèque, la production industrielle tournée vers l’exportation est en berne, mais la croissance est toujours au rendez-vous. La différence tenant à ce que leur croissance a été soutenue par un endettement domestique, ce qui les rend financièrement moins dépendants de l’extérieur.
A contrario, il y a la crainte que les banques ayant prêté aux pays les plus faibles, pays Balte, Hongrie et Ukraine ne paient les pots cassés. Dexia par exemple a annoncé des pertes potentielles importantes ; de même pour certaines grandes banques autrichiennes. Le retour de flamme est un risque important pour la cohésion de l’Union Européenne. Et ce d’autant plus que le 1e mars, elle a refusé de mettre en place un plan de sauvetage des pays de l’Est.
En vérité, ce plan a été proposé par la Hongrie, le pays le plus touché, mais n’intéresse nullement la Pologne et les autres pays dit de l’Est qui, on l’a vu, ne sont pas tant touchés. Ces pays n’ont aucun intérêt à être associés à des pays en crise profonde : on les a vus ensuite démentir tout besoin d’aide pour éviter de voir leurs monnaies plongées. Le risque est que ces craintes infondées fassent plonger leur monnaie et deviennent alors justifiées. Le fameux problème des anticipations autoréalisatrices. L’annonce d’une accélération de l’entrée dans la zone Euro participe de la même idée de rassurer les marchés.
Car la position des pays de l’Est reste fragile tant qu’ils ne sont pas pleinement intégrés à la zone Euro. L’UE a adopté des mesures spécifiques pour chacun des pays, en fonction de ses caractéristiques propres. La solidarité ici passe par la différenciation. Mais, l’UE ne peut pas légitimement aider l’Ukraine. Ni intervenir dans les relations commerciales des pays de l’Est avec des pays hors de l’UE. Le FMI et la Banque Mondiale sont ici des partenaires précieux.
L’Europe à l’épreuve des marchés
On l’a vu, ce qui est le plus à craindre, c’est une désaffection des marchés des pays de l’Est, une perte de confiance qui les amène à retirer leurs capitaux rapidement. Il n’y a pour le moment pas de problème réel, mais il pourrait y en avoir un si les marchés réagissaient de cette façon. Or, les marchés ont des réaction collectives, souvent peu rationnelles, ils sont le reflet de ce que l’opinion pense de l’avenir. S’ils doutent que les pays de l’Est appartiennent véritablement à l’UE, qu’ils puissent être sauvés et qu’une cohésion européenne existe, alors tout cela sera vrai. La crise met à jour les sentiments cachés, les pulsions et les peurs refoulées, et c’est à cela que nous allons assisté maintenant.
Les mois à venir nous diront ce que nous pensons vraiment de l’Union Européenne. Au risque d’être surpris. Très surpris.
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