Abeilles ou ... termites ?
Les faux-semblants de la création de richesses en France
Dans le cadre de la loi nouvellement votée sur « la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés », la disposition prévoyant l’instauration d’une complémentaire santé d’entreprise pour tous, notamment par le biais d’accords de branches, vient d’entraîner une levée de boucliers chez les courtiers en assurances et les petits assureurs privés qui voient là une menace sur leur activité et prédisent des suppressions d’emploi par dizaines de milliers.
Ne peut-on voir ici une illustration typique des maux de l’économie française, surtout de la manière dont la création de richesses est comprise et imaginée dans notre pays ? Un état de fait dans lequel la valeur des salariés concernés n’est bien sûr pas en cause.
Voilà donc une activité qui selon une estimation moyenne représente 200 000 personnes. On peut évaluer grosso modo que la masse salariale annuelle engagée s’élève à 10 voire 15 milliards d’euros. Auxquels il faut rajouter les investissements immobiliers et les frais de fonctionnement, disons d’environ 5 milliards. Enfin provisions, bénéfices et rémunération des actionnaires doivent vraisemblablement doubler la mise. Certes, une grande part des salaires ira alimenter la consommation. Mais on peut considérer qu’il y a bien un prélèvement d’environ 30 à 35 milliards sur la production de richesses et sur l’épargne.
Pour quel service ? La vente de contrats d’assurances complémentaires, dont on nous dit que la mise en concurrence des acteurs privés vise à en faire baisser les coûts, alors qu’en fait, par toutes les astuces marketing et le découpage des offres, il s’agit surtout d’emporter les parts de marché les plus conséquentes possibles, car très rentables auprès d’une clientèle à la fois captive, vulnérable et divisée.
Or il s’agit là d’un besoin fondamental puisqu’il concerne la santé de tout un chacun, de surcroît dans un environnement médico-scientifique de plus en plus coûteux, un coût accentué notamment par l’allongement de la durée de vie. Il est clair, qu’outre l’élaboration de procédures d’organisation et de contrôle optimisées de cet environnement médico-scientifique, la meilleure réponse qui vaille pour couvrir ce besoin est la mutualisation réelle et globale au niveau de l’Etat, tout comme la mutualisation par le pays tout entier sera la meilleure réponse au « risque » de la dépendance. Une mutualisation qui pourrait parfaitement être mise en place par une Sécurité Sociale elle-même optimisée (a-t-on besoin de plus de 100 CPAM ?) proposant dès lors à tous un contrat complémentaire universel de base à faible coût en comparaison avec ceux proposés actuellement. Il s’agit, dans ce mode d’organisation, d’un service publique que se rendraient entre eux volontairement, solidairement et au meilleur coût les citoyens, avec l’aide efficiente et désintéressée de l’Etat.
Au lieu de quoi on laisse se mettre en place des mécanismes qui viennent parasiter et grever les flux des ressources dont disposent les foyers, par ponction excessive ou par recours direct ou indirect à l’emprunt. Des ressources dès lors d’autant moins disponibles pour renforcer l’investissement industriel.
C’est le même genre d’illusion, plus ou moins sciemment entretenue, qui laisse croire à la viabilité d’une société avec banques, compagnies d’assurances, mais sans usines, avec un développement massif des services, notamment à la personne, avec le recours souvent irresponsable aux opérations de « Partenariat Public/Privé ». Ce même dévoiement comptable qui conduit par exemple la France à être dotée de laboratoires d’analyses 2 fois plus nombreux qu’en Allemagne, ou a subir une surdensité d’offre médicale dans les départements ensoleillés de PACA financée par la Sécurité Sociale. Nos financiers ou nos entrepreneurs, quand ils veulent bien investir, semblent plus intéressés par ce qui ressemble à de bons coups à monter, souvent sur du court terme : on se souvient de la géniale suppression des renseignements téléphoniques (le « 12 » !) pour mettre dans la course toutes une série des sociétés peu visibles et aux services coûteux. On retiendra encore nos astucieux mettant sur pied des sites de jeux et de paris. Ou pire encore, nos auto-entrepreneurs ne dégageant pas de chiffre d’affaires pour plus de 50% d’entre eux, quand le statut n’est pas détourné. Quelle créativité ! Et même si quelques jolies pépites peuvent se rencontrer ici ou là dans notre pays, pendant ce temps et à une tout autre échelle, dans leurs PME du Mittelstand, nos voisins d’outre Rhin, fréquemment des Docteurs-Ingénieurs, investissent dans la formation, la recherche, et le développement de nouveaux produits à la pointe de la technologie et à forte valeur ajoutée. Il serait très intéressant d’étudier de manière comparative et approfondie pour nos deux pays, la façon dont se répartit la création de richesse entre rémunération du capital, rémunération du travail, recherche et investissement, ainsi que le management au long cours et l’évolution de la composition patrimoniale des patrons français et allemands.
Alors, à quand une véritable et grande politique pour affirmer la primauté des Ecoles d’ingénieurs, de la recherche, de l’apprentissage, de l’investissement industriel dans les projets et les activités ayant de véritables atouts à l’export ?
Claude Bernard
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