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Après Fukushima, bientôt Bushehr ? Modeste essai de géoéconomie des catastrophes nucléaires

Le programme nucléaire iranien est depuis de longues années une source de tensions. Celles-ci ont culminé à un tel niveau que, actuellement, certains pays sont gagnés par la tentation de procéder à des frappes militaires dissuasives. Le couplage au réseau de la centrale nucléaire de Bushehr (700 kms au Sud de Téhéran) et son inauguration officielle en septembre dernier ont marqué un tournant dans la mise en œuvre du programme. Plus importante encore que l'alimentation en électricité équivalent à moins de 2 % de la consommation totale du pays, la concrétisation de ce projet avec trente ans (!) de retard sur le calendrier initial est le symbole pour les Iraniens de l'accession à une forme d'accomplissement d'une destinée collective et de modernité dont ils sont convaincus qu'elle leur garantira le respect des autres nations.
 
Néanmoins, considérant la localisation critique de Bushehr à la jonction de trois plaques tectoniques, la fiabilité toute relative des équipements du site, les mesures de sécurité dont on peut douter également et l'expertise lacunaire des Iraniens, on ne peut exclure qu'à la manière de Fukushima, un désastre naturel (voire une défaillance technique ou humaine) ne soit à l'origine d'une catastrophe nucléaire et partant, humaine et économique.
 
Environ 850.000 personnes vivent dans la région et selon des experts, aucun plan d'évacuation n'a été prévu pour faire face à une telle situation. Nonobstant l'exposition aux radiations dont on a vu à Fukushima qu'elle n'avait causé aucune mort (jusqu'à preuve du contraire), le nombre de victimes de tremblements de terre est en moyenne 2,4 fois plus important en Iran qu'au Japon alors que sur l'archipel, la magnitude des tremblements de terre est nettement plus élevée (moyenne de 8,4 contre 7,3 en Iran).i Cela aussi atteste de la vétusté des infrastructures, des moindres exigences de construction, et ce, a fortiori des réacteurs nucléaires, malgré la fanfaronnade de Mahmoud Ahmadinejad que les installations de Bushehr sont plus modernes que celles en activité au Japonii !
 
Sur le plan économique également, les répercussions d'un problème d'ordre nucléaire à Bushehr seraient sans commune mesure avec celles qui suivirent le drame de Fukushima alors que l'Iran ne représente que 0,6 % du PIB mondial et le Japon 9 %iii. Cela s'explique par la nature des biens exportés et leurs marchés respectifs : les automobiles et autres biens électroniques japonais pour lesquels il existe de nombreux substituts, le pétrole iranien pour lequel l'élasticité-prix de la demande mondiale est faible (de l'ordre de -0,13iv).
 
Dans le cas de Fukushima, l'impact économique a été confiné au Japon (dont les perspectives de croissance sont passées de +1,5 % à -0,5 %) alors qu'il n'a pas été significatif au niveau mondial (4,2 % et 4,0 % respectivement).v
 
Par contre, si un accident survient à Bushehr (quelle qu'en soit l'origine), 3 membres importants de l'OPEP (outre l'Iran) situés à moins de 300 kilomètres à vol d'oiseau pourraient en subir des conséquences. Le Koweït, le Bahreïn et surtout l'Arabie Saoudite et l'Iran produisent 16 millions de barils de pétrole par jour, soit environ 18 % de la production mondiale. Une baisse de l'output de 1 million de baril (soit seulement 6,25 % de leur production quotidienne) ferait flamber le prix du pétrole de 26 % et abaisserait le PIB mondial de l'ordre de 0,5 % si le choc perdurait sur une année.viUne aubaine pour leur balance commerciale et l'entrée de devises puisque la perte de l'output serait plus que contrebalancée par la hausse des prix pétroliers !
 
L'un des principaux perdants seraient la Chine qui consomme 8,1 millions de barils de pétrole par jour par trillion de dollars générés (2010), soit 4 à 5 fois plus que les Etats-Unis et davantage encore que l'Europe.vii Ainsi, la vigueur chinoise serait particulièrement ébranlée, d'autant que 11% de ses besoins en or noir sont assurés par l'Iran, sans même parler du gaz !viii Dans la foulée, le mécanisme de dissipation des tensions sociales latentes se gripperait, ce qui fragiliserait le régime politique en place. De plus, parce qu'elle génère à elle seule 1/3 de la croissance mondialeix, le ralentissement chinois minerait davantage encore les espoirs d'embellie dans les pays occidentaux toujours empêtrés dans la crise des dettes souveraines.
 
D'où l'importance que, au moins pour préserver ses intérêts, la Chine joue un rôle constructif d'intermédiaire entre l'Iran et la communauté internationale afin de préserver le dialogue et une coopération de plus en plus concrète avec l'AIEA.
 
 
iSource des données utilisées : wikipedia (taglines : “list of earthquakes in Japan//Iran”). Seuls sont pris en compte les 5 tremblements de terre les plus importants (en termes de magnitude) depuis le début du XXe siècle. Afin d'éviter les biais statistiques, ont été exclus des calculs les tremblements de Tabas (Iran, 1978, 7,8 de magnitude, 150.000 victimes), de Kanto (Japon, 1923, 8,3 de magnitude, 142.800 victimes) et de Bam (Iran, 2003, 6,6 de magnitude, au moins 30.000 morts).
iiAFP, Iran says nuclear plant more modern than Japan's, Mars 2011
iiiSource : base de données en ligne de la Banque Mondiale.
ivEuropean Central Bank, Will Oil Prices Decline Over The Long Run ?, Occasional Paper series n°98, 2008. Disponible à l'adresse : http://www.ecb.int/pub/pdf/scpops/ecbocp98.pdf
vCe constat résulte d'une comparaison des prévisions de la croissance du PIB en 2011 réalisées par le Fonds Monétaire International en octobre 2010 (avant le drame) et en septembre 2011 (après) (World Economic Outlook).
viJPMorgan Chase Bank New York, Modeling linkages between global GDP and oil prices, Economic Research Note, February 2012JPMorgan Chase Bank New York, Modeling linkages between global GDP and oil prices, Economic Research Note, February 2012
viiMcKinsey Global Institute, Resource Revolution : Meeting the World's Energy, Materials, Food, Water Needs, November 2011
viiiNatalie Valade, Les besoins pétroliers de la Chine : enjeux géostratégiques et économiques, In Points de Mire, Centre d'Etude de Politique Etrangère et de Sécurité, 2006. Disponible à l'adresse : http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/Valadefinal.pdf
ixThe Conference Board, Global Economic Outlook 2012, disponible à l'addresse : http://www.conference-board.org/data/globaloutlook.cfm

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10 réactions à cet article    


  • lionel 23 juillet 2012 12:09

    Nous pourrions aussi évoquer un certain virus informatique destiné à attaquer le programme militaire Iranien et qui, devenu « fou » se répand au niveau mondial, peut être jusqu’à Fukushima...


    • Zeb_66 23 juillet 2012 13:10

      J’attendais les premiers tirs de préparation médiatiques du cartel Pro-atlantique, enfin, de leurs valets et bien voilà, ça commence...

      À bien remarquer, toutes les sources indiquées sont sous le contrôle étroit américain. ^o^

      Qui ignore encore qu’il s’agit essentiellement, pour les USA, d’empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire pour pouvoir mettre la main sur ses ressources en pétrole et en gaz sans risquer une confrontation nucléaire.

      En faite, ils veulent faire un coup double, piquer le pétrole et couper une ressource énergétique très importante à la Chine ; quitte à entrainer l’Europe dans une guerre plus qu’incertaine, en face : Iran-Syrie-Russie-Chine-Inde et une bonne partie des BRICs, sans compter certains pays qui pourraient bien retourner leur veste le moment venu...

      La ficelle est grosse, on verra bien si ça prend ici !



      • olivier derruine olivier derruine 29 juillet 2012 14:32

        bonjour zeb, au moins, le « valet pro-atlantique » que je suis présumé être selon vous, ne s’exprime pas sous couvert d’anonymat. contrairement à d’autres...
        ceci dit pour la forme, si des données mentionnées dans l’article sont erronées, merci de me le signaler en précisant les sources et merci également de m’indiquer en quoi ma conclusion qu’une catastrophe nucléaire en Iran ne produirait pas de pires effets pour l’économie mondiale que celle qui a frappé le Japon. Notez bien que le titre de mon article est univoque : « modeste essai » dans la mesure où je considère qu’il ne reflète pas « la » vérité (d’où « essai ») et qu’il ne prétend pas à appréhender toutes les dimensions de la problématique des catastrophes nucléaires (d’où « modeste »)
        veuillez aussi remarquer que l’article ne discute pas de la stratégie américaine à l’égard de l’Iran ou des BRICs, ce sur quoi, je peux vous rejoindre.
        enfin, je ne suis pas pro-nucléaire ; bien au contraire. j’ai une fille et qui avait 9 mois lorsque le drame de Fukushima a éclaté et très franchement, j’ai eu peur pour elle et pour, comme on dit un peu benoitement, le monde qu’on lui laisse.


      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 juillet 2012 13:12

        Encore de la soupe bien formatée pour nous faire croire que Fukushima c’était de la gnognote.

        Je suis contre le nucléaire civil mais je propose qu’on s’occupe des iraniens en dernier puisque ce sont les derniers venus.

        M. le cabinettard (sic) commencez donc par nous parler du nucléaire militaire israëlien et vous serez sacrément plus intéressant !


        • olivier derruine olivier derruine 29 juillet 2012 14:37

          bonjour, j’ai réagi à l’un ou l’autre de vos commentaires dans la réponse à « zeb ».
          (et, pour info, il n’y a rien de scandaleux à avoir été un jour « cabinettard », le problème, c’est quand on n’a fait que ça dans sa vie ; je ne m’en cache pas, devrais-je ? c’est vrai que c’eut été plus sympa si j’avais mentionné dans la courte notice bibliographique les dons faits à la croix-rouge ou à oxfam ou encore les quelques courriers écrits il y a 15 ans pour amnesty international, mais ça n’aurait pas apporté beaucoup d’info pour comprendre qui tenait la plume.)


        • sylvie 23 juillet 2012 13:20

          « avec trente ans (!) de retard », avec tous les batons qu’ils ont dans les roues c’est déja pas mal, attendons de connaitre les retards des projets epr ( flamenville et finlande) ainsi que la chimère iter avant de juger.


          • Zeb_66 23 juillet 2012 13:22

            Oups, j’ai oublié le Pakistan, la position de l’Inde est nuancée, due au problème Inde-Pakistan , mais ils viennent de faire savoir très crument à l’envoyé spécial US qu’il n’était pas question d’un alignement sur les USA.



            • Antoine Diederick 24 juillet 2012 00:53

              D’où l’importance que, au moins pour préserver ses intérêts, la Chine joue un rôle constructif d’intermédiaire entre l’Iran et la communauté internationale afin de préserver le dialogue et une coopération de plus en plus concrète avec l’AIEA.

              = projet chinois de construire 5 centrales nucléaires en Grande-Bretagne.....

              = 5 Fukushimas aux portes de l’Europe.


              • bert bert 24 juillet 2012 02:00

                c’est pratique pour chauffer les mosquées ....

                sûrement un hommage à georges bush(erh dans nos coeurs de réacteurs)

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